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11/06/2013 | FRANCE | N°12-18526

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 juin 2013, 12-18526


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en matière de contredit (Versailles, 13 mars 2012) et les productions, que la société Placoplâtre, assignée en contrefaçon de brevet par la société Lafarge plâtres commercialisation, aux droits de laquelle vient la société Siniat (la société Siniat), a demandé reconventionnellement qu'il soit interdit à celle-ci de poursuivre la diffusion d'une lettre circulaire adressée à ses clients ; que, par jugement du 9 juillet 2002, non crit

iqué sur ce point en appel, la société Siniat s'est vu interdire de poursuiv...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué statuant en matière de contredit (Versailles, 13 mars 2012) et les productions, que la société Placoplâtre, assignée en contrefaçon de brevet par la société Lafarge plâtres commercialisation, aux droits de laquelle vient la société Siniat (la société Siniat), a demandé reconventionnellement qu'il soit interdit à celle-ci de poursuivre la diffusion d'une lettre circulaire adressée à ses clients ; que, par jugement du 9 juillet 2002, non critiqué sur ce point en appel, la société Siniat s'est vu interdire de poursuivre la diffusion de la lettre litigieuse ; que par arrêt du 18 décembre 2002, la cour d'appel, statuant dans les limites de sa saisine, a sursis à statuer sur l'action en contrefaçon ; qu'ayant été ultérieurement assignée par la société Siniat en contrefaçon d'un autre brevet, la société Placoplâtre a formé une demande reconventionnelle en paiement de dommages-intérêts au titre de la lettre litigieuse ; que, par jugement du 14 octobre 2008, le tribunal a rejeté l'exception de litispendance opposée par la société Siniat mais déclaré irrecevable la demande reconventionnelle de la société Placoplâtre, faute de lien avec ce nouveau litige ; que la société Placoplâtre a alors assigné devant le tribunal de commerce, en réparation du préjudice résultant de cette diffusion, la société Siniat, qui s'est prévalue de l'exception de litispendance et de l'autorité de la chose jugée ;
Attendu que la société Siniat fait grief à l'arrêt d'avoir renvoyé les parties à poursuivre la procédure devant le tribunal de commerce régulièrement saisi, alors, selon le moyen, qu'il appartient aux parties de présenter, dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens de nature à fonder celle-ci ; qu'il s'ensuit que lorsqu'un juge a déjà statué sur une demande, les parties sont irrecevables à présenter la même demande, fût-elle fondée sur des moyens différents, devant un autre juge ; qu'au cas présent, la société Placoplâtre avait engagé une demande fondée sur de prétendus actes de concurrence déloyale constitués par la diffusion d'une lettre du 28 avril 2002 devant le tribunal de grande instance de Paris ; que la cour d'appel a constaté que cette demande a donné lieu à une condamnation par un jugement du 9 juillet 2002 passé en force de chose jugée ; que cette décision faisait obstacle à ce que la société Placoplâtre introduise une nouvelle demande indemnitaire fondée sur les même faits, fût-elle fondée sur la responsabilité délictuelle alors que, dans la première instance, la société Placoplâtre avait, formellement, demandé le paiement d'astreintes ; que la société Placoplâtre aurait dû présenter, dès la première instance, l'ensemble des moyens propres à fonder sa demande ; que, faute de l'avoir fait, elle était irrecevable à représenter lesdits moyens devant le tribunal de commerce de Nanterre ; qu'en déclarant cette demande recevable cependant qu'elle constatait que le jugement du 9 juillet 2002 était passé en force de chose jugée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article 1351 du code civil ;
Mais attendu que l'arrêt retient que la demande tendant à faire interdire à la société Siniat la diffusion de la lettre circulaire litigieuse n'avait pas le même objet que la demande en réparation du préjudice résultant de cette diffusion ; que par ce seul motif faisant ressortir que les conditions d'application de l'article 1351 du code civil n'étaient pas satisfaites, la cour d'appel a statué à bon droit ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Siniat aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Placoplâtre la somme de 2 500 euros et rejette sa demande ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille treize.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :


Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la société Siniat
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir renvoyé les parties à poursuivre la procédure devant le tribunal de commerce de Nanterre régulièrement saisi ;
Aux motifs que « pour faire droit à l'exception de litispendance, le tribunal a retenu que le litige dont il est saisi s'appuie sur le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 18 décembre 2002 ayant reconnu le caractère dénigrant du courrier du 28 avril 2002 et ordonné sous astreinte la poursuite de sa diffusion, mais sur la base d'une demande nouvelle de réparation du préjudice subi ; que les parties sont identiques ainsi que la cause du litige à savoir la lettre litigieuse ; que la nouvelle action ayant pour objet la réparation d'un préjudice découle totalement de la demande initialement présentée devant le tribunal de grande instance de Paris et se présente comme une demande additionnelle au sein du premier litige ; que la demande initiale est toujours pendante en raison du suris à statuer ; qu'en conséquence les conditions requises par l'article 100 du code de procédure civile sont réunies ; que l'article l00 du code de procédure civile dispose que si le même litige est pendant devant deux juridictions de même degré également pour en connaître, la juridiction saisie en second lieu doit se déclarer compétente au profit de l'autre si l'une des parties le demande ; qu'à défaut elle peut le faire d'office ; qu'en sus de la procédure dont le tribunal de grande instance de Paris avait déjà été saisi et ayant donné lieu au jugement du 9 juillet 2002, Lafarge par acte en date du 21 octobre 2002 avait assigné Placoplâtre en contrefaçon d'un brevet européen EP B 1 130 188 ; que reconventionnellement Placoplâtre avait formé une demande en paiement de dommages et intérêts à raison du même courrier du 28 avril 2002 ; que le tribunal de grande instance par jugement du 14 octobre 2008 a déclaré cette demande irrecevable, indiquant dans ses motifs, notamment, que la demande de Placoplâtre était une demande additionnelle au sein du premier litige et devait être présentée devant le tribunal saisi du premier litige en faisant rétablir l'affaire au rôle ; que Lafarge ne peut utilement se prévaloir de cette décision à l'appui de son exception de litispendance aux motifs que ce jugement aurait autorité de la chose jugée ; que l'autorité de la chose jugée n'est attachée qu'au dispositif du jugement, et sur les contestations qu'il tranche ; que dans cette procédure, le tribunal était saisi à titre reconventionnel par Placoplâtre d'une demande en fixation de dommages et intérêts à raison de la lettre circulaire du 28 avril 2002 évoquant la contrefaçon des brevets français n° 273 6079 et européen EP-B-0777800 ayant fait l'objet de la première procédure, alors qu'à titre principal il était saisi d'une action en contrefaçon d'un brevet européen EP B 1 130 188 ; que saisi par Lafarge d'une fin de non recevoir, il a statué au visa de l'article 70 du code de procédure civile, la question qu'il avait à trancher étant celle du rattachement de la demande reconventionnelle de Placoplâtre par un lien suffisant à la demande principale de Lafarge, et non celle d'une éventuelle litispendance ; que si le tribunal a estimé utile de suggérer une voie procédurale dont la pertinence sera ci-après examinée, celle-ci ne s'impose en rien, n'étant pas reprise dans le dispositif de son jugement et ne répondant pas directement à la seule contestation dont il était saisi sur la demande reconventionnelle de Placoplâtre ; que dans la première procédure ayant donné lieu au jugement rendu le 9 juillet 2002 (RG 02/05981), le tribunal de grande instance de Paris était saisi de deux actions clairement distinctes, bien que connexes ; que la première engagée à titre principal par Lafarge à l'encontre de Placoplâtre, en contrefaçon d'un brevet français n° 2736079 et d'un brevet européen EP-B-0777800, avec demande d'expertise, sur laquelle le tribunal a ordonné une expertise ; que la cour d'appel de Paris dans son arrêt du 18 décembre 2002, infirmant le jugement de ce chef, a sursis à statuer sur cette action en contrefaçon sur le fondement de 1'article L.614 -15 du CPI, jusqu'à ce que le brevet français cesse de produire ses effets aux termes de l'article L.614-13 du CPI ou jusqu'à la date à laquelle la demande de brevet européen sera rejetée, retirée ou réputée retirée, ou le brevet européen sera révoquée ou délivré, et rejeté la demande d'expertise formée par Lafarge tant que la cause du sursis subsistera ; que la seconde, engagée à titre reconventionnel par Placoplâtre à l'encontre de Lafarge, en concurrence déloyale, en raison de la diffusion par Lafarge le 28 avril 2002 d'une lettre circulaire à ses clients constitutive d'acte de dénigrement, avait pour seul but d'obtenir la cessation de tels comportements déloyaux ; que le tribunal de grande instance de Paris, par son jugement rendu le 9 juillet 2002, a statué au fond sur cette action, reconnaissant l'existence d'acte de concurrence déloyale, et faisant droit à la seule demande dont il était saisi par Placoplâtre d'interdiction sous astreinte. Ce chef de jugement n'a pas été critiqué en cause d'appel de sorte qu'il a été confirmé par l'arrêt du 18 décembre 2002 ; que l'état actuel de la procédure devant la cour d'appel de Paris à la suite de son arrêt partiellement avant dire droit, en ce qu'elle a pour objet la contrefaçon de brevet sur l'action engagée par Lafarge à l'encontre de Placoplâtre, est indifférent ; que la litispendance aujourd'hui opposée par Lafarge doit s'apprécier sur les actions en concurrence déloyale engagées successivement par Placoplâtre à l'encontre de Lafarge ; que s'inscrivant dans le même contentieux, les actions en concurrence déloyale ayant donné lieu aux décisions des 9 juillet et 8 décembre 2008 et donnant lieu à la procédure actuelle opposent les mêmes parties, pour la même cause, mais n'ont pas le même objet, les demandes de Placoplâtre, interdiction de poursuivre des actes de dénigrement en 2002 et paiement de dommages et intérêts en 2010, étant différentes ; que par ailleurs, en statuant au fond pour faire droit aux prétentions telles qu'alors présentées par Placoplâtre, le tribunal s'est trouvé dessaisi de l'action de cette dernière à l'encontre de Lafarge ; que ce chef de jugement ayant été confirmé par la cour, il n'existe plus devant les juridictions parisiennes d'instance pendante sur l'action engagée par Placoplâtre à l'encontre de Lafarge ; qu'il en résulte qu'aucune des conditions cumulatives prescrites par l'article 100 du Code de procédure civile, d'identité de litige et d'instance pendante, n'est réalisée ; qu'en conséquence, l'exception de litispendance opposée par Lafarge doit être rejetée, et le jugement infirmé en toutes ses dispositions, la cause et les parties étant renvoyées devant le tribunal de commerce de Nanterre régulièrement saisi » (arrêt attaqué, p. 3-5) ;
Alors qu'il appartient aux parties de présenter, dès l'instance relative à la première demande, l'ensemble des moyens de nature à fonder celle-ci ; qu'il s'en suit que lorsqu'un juge a déjà statué sur une demande, les parties sont irrecevables à présenter la même demande, fût-elle fondée sur des moyens différents, devant un autre juge ; qu'au cas présent, la société PLACOPLATRES avait engagé une demande fondée sur de prétendus actes de concurrence déloyale constitués par la diffusion d'une lettre du 28 avril 2002 devant le tribunal de grande instance de Paris ; que la cour d'appel a constaté que cette demande a donné lieu à une condamnation par un jugement du 9 juillet 2002 passé en force de chose jugée ; que cette décision faisait obstacle à ce que la société PLACOPLATRES introduise une nouvelle demande indemnitaire fondée sur les même faits, fût-elle fondée sur la responsabilité délictuelle alors que, dans la première instance, la société PLACOPLATRES avait, formellement, demandé le paiement d'astreintes ; que la société PLACOPLATRES aurait dû présenter, dès la première instance, l'ensemble des moyens propres à fonder sa demande ; que, faute de l'avoir fait, elle était irrecevable à représenter lesdits moyens devant le tribunal de commerce de Nanterre ; qu'en déclarant cette demande recevable cependant qu'elle constatait que le jugement du 9 juillet 2002 était passé en force de chose jugée, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, et a violé l'article 1351 du Code civil.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 12-18526
Date de la décision : 11/06/2013
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Commerciale

Analyses

CHOSE JUGEE - Identité d'objet - Définition - Exclusion - Cas - Demande tendant à faire interdire la diffusion d'une lettre circulaire et demande en réparation du préjudice résultant de cette diffusion

Fait l'exacte application de l'article 1351 du code civil l'arrêt qui retient que la demande tendant à faire interdire la diffusion d'une lettre circulaire n'a pas le même objet que la demande en réparation du préjudice résultant de cette diffusion, de sorte que le fait qu'un premier juge se soit prononcé sur la première demande n'interdisait pas que la seconde demande soit formée devant un autre juge


Références :

article 1351 du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Versailles, 13 mars 2012


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 11 jui. 2013, pourvoi n°12-18526, Bull. civ. 2013, IV, n° 97
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles 2013, IV, n° 97

Composition du Tribunal
Président : M. Espel
Avocat général : M. Mollard
Rapporteur ?: Mme Riffault-Silk
Avocat(s) : SCP Hémery et Thomas-Raquin, SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin

Origine de la décision
Date de l'import : 23/03/2016
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2013:12.18526
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