LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. A...était associé et salarié de la société Scooter Shoes, ayant pour gérant M. B..., qui exploitait un fonds de commerce de vente de chaussures et articles de prêt-à-porter ; que par acte sous seing privé, la société Scooter Shoes, représentée par MM. B... et A..., a cédé son fonds de commerce à M. X...; que cet acte comportait une clause de non-concurrence à la charge de la cédante et de ses associés et stipulait que la cession ne deviendrait parfaite que par la signature de l'acte authentique constatant sa réalisation ; que l'acte notarié, conclu au nom de la société par M. B..., a reproduit les termes de la clause de non-concurrence insérée dans l'acte sous seing privé ; que la société Manufacture de chaussures varoise (la société MCV) a ultérieurement embauché M. A...pour occuper un emploi de vente et manutention dans un établissement exploité dans la même localité ; que M. X..., reprochant à M. A...d'avoir violé son obligation de non-concurrence, a demandé que celui-ci soit condamné à lui payer des dommages-intérêts ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Attendu que M. A...fait grief à l'arrêt d'avoir accueilli cette demande, alors, selon le moyen, qu'une personne ne peut voir sa responsabilité contractuelle engagée pour manquement à une obligation de non-concurrence stipulée dans une convention à laquelle elle n'est pas partie ; que, si l'acte sous seing privé du 28 juin 2006, signé par M. A..., mettait à sa charge une obligation de non-concurrence, il stipulait aussi qu'il ne deviendrait parfait qu'à compter de la signature de l'acte authentique, lequel n'a pas été signé par M. A...; qu'en ayant néanmoins décidé que M. A...était tenu d'une obligation contractuelle de non-concurrence à l'égard de M. X..., la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1165 du code civil ;
Mais attendu qu'ayant retenu que l'acte notarié avait rendu la cession parfaite sans la modifier, la cour d'appel en a exactement déduit que M. A...était tenu par la clause de non-concurrence stipulée dans l'acte sous seing privé auquel il était partie ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen pris en sa seconde branche :
Vu l'article 1134 du code civil ;
Attendu que pour accueillir la demande, l'arrêt retient que M. A..., en travaillant pour la société MCV, s'intéresse au fonds de commerce de celle-ci puisque, même comme salarié chargé de la vente et de la manutention, il le fait évidemment fonctionner et que, de ce fait, il viole l'interdiction de concurrence à laquelle il est tenu à l'égard de M. X...;
Attendu qu'en se déterminant ainsi, sans préciser en quoi le comportement d'un salarié chargé de la vente et de la manutention dans un fonds de commerce de vente de chaussures, entrait dans les prévisions de la clause aux termes de laquelle il s'était interdit « de s'intéresser directement ou indirectement à aucun fonds similaire en tout ou partie à celui cédé », la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 mai 2012, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence, autrement composée ;
Condamne M. X...aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, le condamne à payer à M. A...la somme de 3 000 euros et rejette sa demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq juin deux mille treize.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils, pour M. A...
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir condamné M. Serge A...à payer à M. Guy X...20 000 euros de dommages-intérêts pour violation d'une interdiction de concurrence,
Aux motifs que « la vente du fonds de commerce de la société SCOOTER SHOES à la famille X...a été conclue tant par l'acte sous seing privé du 28 juin 2006 que par l'acte notarié du 26 octobre suivant. L'interdiction de concurrence stipulée par le premier acte à l'encontre du vendeur et de ses trois associés dont M. A...a été reprise à l'identique par le second acte et de ce fait doit s'appliquer. S'il est exact que M. A...n'a signé que le premier acte, il n'avait pas à être signataire du second puisque le vendeur la société SCOOTER SHOES, était logiquement représentée par son gérant, M. Gérard B... ; pour autant aucun élément ne justifiait que l'interdiction de concurrence stipulée le 28 juin 2006 ne soit pas reprise le 26 octobre suivant, d'autant que M. A...en qualité d'associé de la société SCOOTER SHOES avait le 30 juin donné mandat au gérant de celle-ci de vendre son fonds de commerce sans aucune restriction ; de plus le second acte a rendu la vente parfaite mais sans la modifier, même si les 3 personnes initiales de l'acheteur ont été réduite à 2. Il y a donc eu engagement de M. A...pour l'interdiction contractuelle de faire concurrence à M. X...» ;
Et aux motifs que « M. A..., en travaillant pour la société MCV, s'intéresse au fonds de commerce de celle-ci puisque, même comme salarié chargé de la vente et de la manutention, il le fait effectivement fonctionner ; de ce fait, il viole l'interdiction de concurrence à laquelle il est tenu vis-à-vis de M. X...en application des articles 1134 et 1147 du code civil » ;
Alors que 1°) une personne ne peut voir sa responsabilité contractuelle engagée pour manquement à une obligation de non-concurrence stipulée dans une convention à laquelle elle n'est pas partie ; que, si l'acte sous seing privé du 28 juin 2006, signé par M. A..., mettait à sa charge une obligation de non-concurrence, il stipulait aussi qu'il ne deviendrait parfait qu'à compter de la signature de l'acte authentique, lequel n'a pas été signé par M. A...; qu'en ayant néanmoins décidé que M. A...était tenu d'une obligation contractuelle de non-concurrence à l'égard de M. X..., la cour d'appel a violé les articles 1134, 1147 et 1165 du code civil ;
Alors que 2°) la cour d'appel qui a relevé que M. A...avait été engagé par la société MCV en vertu d'un contrat « initiative emploi » comme simple vendeur de chaussures, n'a pas précisé en quoi son comportement entrait dans les prévisions de la clause litigieuse interdisant de « s'intéresser » à un commerce similaire, privant sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil.