LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° Q 16-83.659 F-P+B
N° 488
FAR
28 MARS 2017
CASSATION
M. GUÉRIN président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, a rendu l'arrêt suivant :
CASSATION sur le pourvoi formé par M. [J] [I], contre l'arrêt de la cour d'appel de Caen, chambre correctionnelle, en date du 13 mai 2016, qui, pour usage d'un téléphone tenu en main par conducteur d'un véhicule en circulation, l'a condamné à 375 euros d'amende ;
La COUR, statuant après débats en l'audience publique du 7 février 2017 où étaient présents dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Guérin, président, M. Larmanjat, conseiller rapporteur, M. Straehli, conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Guichard ;
Sur le rapport de M. le conseiller LARMANJAT, les observations de la société civile professionnelle FOUSSARD et FROGER, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DESPORTES ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, préliminaire, 537, 591 et 593 du code de procédure pénale :
"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. [I] coupable des faits qui lui étaient reprochés et l'a condamné en répression à 375 euros d'amende ;
"aux motifs que, selon les dispositions de l'article 537 du code de procédure pénale, les procès-verbaux ou rapports établis par les officiers et agents de police judiciaire et les agents de police judiciaire adjoints, ou les fonctionnaires ou agents chargés de certaines fonctions de police judiciaire , auxquels la loi a attribué le pouvoir de constater les contraventions, font foi jusqu'à preuve contraire ; que la preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins ; qu'il résulte de ce texte, le mot témoin étant au pluriel, que la preuve contraire doit être apportée par au moins deux témoins de telle sorte que l'attestation écrite d'un seul témoin ne suffit pas à contredire les énonciations d'un procès-verbal ; qu'en conséquence, M. [I] n'apportant pas, dans le conditions prévues par l'article 537 du code de procédure pénale, la preuve contraire aux énonciations du procès-verbal constatant l'usage d'un téléphone tenu en mains, il convient de confirmer la décision de la juridiction de proximité sur sa culpabilité ;
"alors que, dans le cas où un procès-verbal peut être établi, faisant foi jusqu'à preuve contraire des faits qu'il constate, le droit au procès équitable et les droits de la défense postulent que la preuve contraire puisse être rapportée par le prévenu par tous moyens ; qu'il doit être légalement admis, par suite, que la preuve contraire puisse résulter d'un seul témoignage dès lors qu'il peut être regardé comme digne de foi ; qu'ayant décidé à tort qu'à raison du pluriel affectant le terme "témoin", l'article 537 du code de procédure pénale excluait que le prévenu puisse établir l'inexactitude des faits constatés sur la base d'un seul témoignage, l'arrêt doit être censuré pour violation de l'article préliminaire du code de procédure pénale, l'article 6, § 1, de la Convention européenne des droits de l'homme, ensemble de l'article 537 du code de procédure pénale" ;
Vu les articles 6, § 3, de la Convention européenne des droits de l'homme, 537 et 593 du code de procédure pénale ;
Attendu que, selon le premier de ces textes, tout prévenu a le droit de faire entendre les témoins à décharge ;
Attendu que, selon le second de ces textes, les procès-verbaux dressés par les officiers et agents de police judiciaire font foi jusqu'à preuve contraire des contraventions qu'ils constatent ; que la preuve contraire ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué, du jugement qu'il confirme et des pièces de procédure que M. [I] a été verbalisé pour avoir fait usage d'un téléphone portable, tenu en main, alors qu'il conduisait un véhicule automobile, qu'il a été poursuivi devant la juridiction de proximité d'Argentan qui, après avoir entendu un témoin, Mme [P], l'a déclaré coupable et l'a condamné à 250 euros d'amende ; que M. [I] et l'officier du ministère public ont relevé appel de cette décision ;
Attendu que, pour confirmer cette décision sur la culpabilité du prévenu, l'arrêt attaqué énonce qu'il ressort des termes de l'article 537 du code de procédure pénale, le mot témoin y étant employé au pluriel, que la preuve contraire doit être apportée par au moins deux témoins et qu'en conséquence un seul témoin ne suffit pas à contredire les énonciations d'un procès-verbal ;
Mais attendu qu'en se déterminant ainsi, alors que la preuve contraire aux énonciations des procès-verbaux dressés en matière contraventionnelle ne peut être rapportée que par écrit ou par témoins et qu'il appartient au juge du fond d'apprécier souverainement la valeur des éléments soumis aux débats, notamment d'un témoignage, à décharge, fait devant lui, seul étant à prendre en considération le caractère probant de la déclaration de chaque témoin cité, fût-il unique, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le second moyen de cassation :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Caen, en date du 13 mai 2016, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Caen, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Caen et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président le vingt-huit mars deux mille dix-sept ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre.