LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 juin 2021
Cassation partielle
M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 569 F-B
Pourvoi n° D 20-13.722
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 30 JUIN 2021
La société Allianz IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-13.722 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 2, chambre 1), dans le litige l'opposant à la société Mandataires judiciaires associés (MJA), société d'exercice libéral à forme anonyme, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Bélaval, conseiller, les observations de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Allianz IARD, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Mandataires judiciaires associés, après débats en l'audience publique du 18 mai 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Bélaval, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 novembre 2019), la société MJA a été désignée en qualité de liquidateur de M. [M] en mai 2003, des sociétés La Cinq, Ciné Cinq, Régie Cinq, la Cinq droits audiovisuels (les sociétés La Cinq) en juillet 2003 et de la société Duranton-Desmoulins en juillet 2006. Elle a confié des missions à M. [C], avocat au barreau de Bordeaux, qui, à l'occasion de ces missions, s'est rendu coupable de détournements de fonds revenant aux différentes liquidations judiciaires.
2. Par un arrêt, devenu irrévocable, du 11 mars 2015, la société Allianz, assureur des avocats inscrits au barreau de Bordeaux pour la représentation des fonds et valeurs reçus par eux à l'occasion de leur activité professionnelle, a été condamnée à verser diverses sommes à la société MJA au titre des détournements commis par son assuré au préjudice des trois liquidations judiciaires.
3. La société Allianz a engagé une action subrogatoire en responsabilité contre la société MJA à titre personnel.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en ses première, deuxième et troisième branches, ci-après annexé
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Et sur le moyen, pris en ses sixième, septième et huitième branches
Enoncé du moyen
5. La société Allianz fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes, alors :
« 6°/ qu'un mandataire judiciaire ne peut confier à des tiers, tel un avocat, des tâches relevant de sa mission qu'à la double condition que le recours à ces tiers soit autorisé par le président du tribunal de la procédure collective et que la rémunération de ces tiers soit assurée sur les fonds propres du mandataire ; qu'en l'espèce, s'agissant du dossier La Cinq, la cour d'appel a considéré que M. [C] était intervenu dans le différend entre d'une part la société Lagardère et d'autre part la société MJA, et que cette dernière avait confié à M. [C] la mission de la représenter en justice, ce qui avait "permis la rédaction du protocole transactionnel avec la société Lagardère, ayant donné lieu au paiement d'une indemnité également détournée" ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée si M. [C] avait été chargé de rédiger le protocole transactionnel, ou désigné comme représentant de la société MJA pour participer à cet acte, ce qui n'était pas le cas, de sorte qu'il n'était pas intervenu en qualité d'avocat mais en tant que mandataire spécial du liquidateur judiciaire lorsqu'il a perçu ces fonds, ce qui supposait une autorisation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 812-1 du code de commerce et de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;
7°/ qu'un mandataire judiciaire ne peut confier à des tiers, tel un avocat, des tâches relevant de sa mission qu'à la double condition que le recours à ces tiers soit autorisé par le président du tribunal de la procédure collective et que la rémunération de ces tiers soit assurée sur les fonds propres du mandataire ; qu'en l'espèce, s'agissant du dossier La Cinq, la cour d'appel a considéré que M. [C] était intervenu dans le différend entre d'une part la société Lagardère et d'autre part la société MJA, et que cette dernière avait confié à M. [C] la mission de la représenter en justice, ce qui avait "permis la rédaction du protocole transactionnel avec la société Lagardère, ayant donné lieu au paiement d'une indemnité également détournée" ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée si M. [C] avait effectivement accompli des diligences en tant qu'avocat dans le dossier La Cinq, préalablement à la conclusion de la transaction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 812-1 du code de commerce et de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;
8°/ qu'un mandataire judiciaire ne peut confier à des tiers, tel un avocat, des tâches relevant de sa mission qu'à la double condition que le recours à ces tiers soit autorisé par le président du tribunal de la procédure collective et que la rémunération de ces tiers soit assurée sur les fonds propres du mandataire ; qu'en l'espèce, s'agissant du dossier La Cinq, la cour d'appel a considéré que M. [C] était intervenu dans le différend entre d'une part la société Lagardère et d'autre part la société MJA, et que cette dernière avait confié à M. [C] la mission de la représenter en justice, ce qui avait "permis la rédaction du protocole transactionnel avec la société Lagardère, ayant donné lieu au paiement d'une indemnité également détournée" ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que la perception de fonds par un avocat dans le cadre de l'exécution d'une transaction ne relève ni d'une mission de représentation en justice ni d'une mission d'assistance en justice, de sorte qu'elle devait être autorisée par le juge de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article L. 812-1 du code de commerce et l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code. »
Réponse de la Cour
6. En donnant à un avocat la mission de le représenter en justice, ès qualités, un mandataire judiciaire au redressement et à la liquidation des entreprises ne confie pas à un tiers une partie des tâches que comporte l'exécution de son mandat et qui lui incombent personnellement au sens de l'article L. 812-1, alinéa 2, du code de commerce.
7. L'arrêt relève d'abord, s'agissant des affaires concernant les sociétés La Cinq, que la société MJA justifie avoir, par un courrier du 3 août 2007, confié à M. [C] la rédaction d'une requête au juge-commissaire excluant le groupe Lagardère, principal actionnaire, des répartitions et rapporte la preuve, en produisant sa lettre du 28 mai 2008 à M. [C], qu'elle avait confié à ce dernier sa représentation en justice. Il relève ensuite que cette procédure a donné lieu à la rédaction d'un protocole transactionnel avec la société Lagardère ayant abouti au paiement d'une indemnité qui a été détournée par M. [C] et, par motifs adoptés, que M. [C], qui a représenté la société MJA en justice, a assuré la rédaction d'actes pour le compte de celle-ci. De ces constatations, dont il résulte que cette transaction s'inscrivait dans une procédure judiciaire pour laquelle M. [C] était investi d'un mandat de représentation en justice, la cour d'appel, qui a procédé aux recherches invoquées par les sixième et septième branches, a exactement déduit que les sommes n'avaient pas été détournées à l'occasion d'une activité qu'aurait accomplie M. [C] alors qu'elle incombait personnellement à la société MJA.
8. Le moyen n'est donc pas fondé.
Mais sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
9. La société Allianz fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'un mandataire judiciaire ne peut confier à des tiers, tel un avocat, des tâches relevant de sa mission qu'à la double condition que le recours à ces tiers soit autorisé par le président du tribunal de la procédure collective et que la rémunération de ces tiers soit assurée sur les fonds propres du mandataire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré, s'agissant du dossier Duranton Desmoulins, que M. [C] avait reçu les fonds détournés dans le cadre de sa profession d'avocat, et ce "au sein d'un processus d'assistance en justice de la société MJA" après avoir retenu que M. [C] avait "activement" assisté la société MJA dans la conclusion d'un avenant de résiliation amiable du contrat de bail, qui avait donné lieu à versement des sommes litigieuses par le locataire ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que le fait pour un avocat d'assister un client pour la conclusion d'une convention ne relève ni d'une représentation en justice ni d'une assistance en justice, la cour d'appel a violé l'article L. 812-1 du code de commerce et l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1382, devenu 1240, du code civil, et l'article L. 812-1, alinéa 2, du code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 6 août 2015 :
10. Aux termes du premier de ces textes, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Aux termes du second, les tâches que comporte l'exécution de leur mandat incombent personnellement aux mandataires judiciaires désignés par le tribunal. Ils peuvent toutefois, lorsque le bon déroulement de la procédure le requiert et sur autorisation motivée du président du tribunal, confier sous leur responsabilité à des tiers une partie de ces tâches.
11. Pour débouter la société Allianz de ses demandes au titre des détournements commis par M. [C] à l'occasion des opérations de la liquidation judiciaire de la société Duranton-Desmoulins, l'arrêt relève que le litige intéressant le bail commercial d'un local appartenant à cette société avait donné lieu à une assignation en paiement des loyers en 2000 et s'était terminé par un avenant de résiliation amiable rétroactive de ce bail du 31 juillet 2008, conclu avec l'assistance de M. [C], qui avait débouché sur le paiement par le locataire d'une somme de 126 613,73 euros et retient que l'intervention de M. [C] ne s'était pas bornée à recevoir une somme d'argent mais s'était située au sein d'un processus d'assistance en justice de la société MJA. Il en déduit que la tâche confiée à M. [C] ne faisait pas partie de celles qu'un liquidateur doit accomplir personnellement.
12. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que les détournements de fonds commis par M. [C] avaient été rendus possibles par une assistance de celui-ci à la société MJA, hors de tout mandat de représentation en justice, à l'occasion de la conclusion d'un avenant de résiliation d'un bail commercial, qui constituait une tâche incombant personnellement au liquidateur, et qu'à supposer que le bon déroulement de la procédure eût requis l'assistance de M. [C], il convenait de soumettre, sous la responsabilité du liquidateur, l'intervention de l'avocat à une autorisation motivée du président du tribunal, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute la société Allianz IARD de ses demandes dirigées contre la société MJA au titre des détournements commis par M. [C] à l'occasion des opérations de la liquidation judiciaire de la société Duranton-Desmoulins et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 5 novembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;
Condamne la société MJA aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société MJA et la condamne à payer à la société Allianz IARD la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trente juin deux mille vingt et un.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat aux Conseils, pour la société Allianz IARD.
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir débouté la société Allianz IARD de l'ensemble de ses demandes indemnitaires à l'encontre de la société MJA ;
AUX MOTIFS PROPRES QU'aux termes de l'article L 812-1 du code de commerce dans sa version applicable aux faits de l'espèce, les tâches que comporte l'exécution du mandat des mandataires judiciaires leur incombent personnellement ; qu'ils peuvent toutefois, lorsque le bon déroulement de la procédure le requiert et sur autorisation motivée du président du tribunal, confier sous leur responsabilité à des tiers une partie de ces tâches ; qu'en donnant toutefois à un avocat la mission de le représenter en justice, ès qualités, un mandataire judiciaire au redressement et à la liquidation des entreprises ne confie pas à un tiers une partie des tâches que comporte l'exécution de son mandat et qui lui incombent personnellement au sens de l'article précité ; que la société Allianz ne conteste pas, s'agissant de l'affaire [M] dont la société MJA était le mandataire liquidateur, que celle-ci a bien fait intervenir Me [C] pour l'assister en justice et qu'elle n'avait en conséquence pas à solliciter d'autorisation judiciaire à cette fin; qu'elle invoque une faute consistant pour la société MJA à avoir recruté cet avocat dont elle ne pouvait pas ignorer qu'il avait commis des détournements dans une précédente affaire [B] en 2006 ; mais considérant que dans le dossier Y?, Me [C] a perçu à l'issue de la vente du château de M. [B] la somme de 1 021 190,86 euros dont il a retenu une partie, envoyant à la société MJA un chèque de 950 000 euros ; que Me [C] précisait dans son courrier à Me [H], mandataire judiciaire et associée de la société MJA, que cette somme était à valoir sur le prix de vente ; que cette formulation laissait entendre que des comptes devaient être faits après la réalisation de la purge des hypothèques qui avait été confiée à Me [C] ; que si la charge finale des frais de purge devait être supportée par l'acquéreur et non pas la société MJA, ès qualités de venderesse, il ne pouvait être exclu la nécessité pour Me [C] de faire l'avance de frais même si ceux-ci devaient être ensuite récupérés ; qu'à ce stade, il ne peut être fait grief à la société MJA, alors qu'elle avait travaillé avec Me [C] depuis plusieurs années sans rencontrer de problèmes, de n'avoir pas soupçonné un détournement de fonds et d'avoir estimé qu'elle se trouvait en présence tout au plus d'un différend sur l'ampleur du montant de la provision réclamée par un avocat à son client ; que le fait que Me [C], avocat belge, avait utilisé un compte ouvert en Belgique, ne pouvait davantage la conduire à la conclusion qu'elle était confrontée à un détournement nécessitant de déposer plainte et de suspendre tout rapport avec cet avocat ; dès lors qu'il ne résulte pas de ces éléments la preuve qu'une faute a été commise par la société MJA dans sa décision de recourir à Me [C] dans le dossier [M] et les autres dossiers en cause ; s'agissant des dossiers Duranton-Dumoulin et de la Cinq, qu'il convient d'examiner les conditions d'intervention de Me [C] aux côtés de la société MJA ; sur le dossier Duranton-Dumoulin que la société MJA justifie avoir, par courrier du 1er avril 2009, confié à Me [C] sa représentation en justice à l'occasion d'une assignation en référé qui lui avait été délivrée, ès qualités, par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3], ayant abouti à une ordonnance de désistement du 5 mai 2009 du juge des référés du tribunal de grande instance d'Agen ; que, par ordonnance du 22 juillet 2009, le juge commissaire de la liquidation judiciaire de la SCI Duranton Desmoulins a autorisé la vente de lots appartenant à celle-ci et expressément prévu que la société MJA, assistée de Me Eddy [C], avocat, devra satisfaire aux dispositions de l'article 141 du décret du 27 décembre 1985 pour la purge des inscriptions et l'ouverture de l'ordre et le versement du prix à la Caisse des dépôts et consignations ; que ces opérations s'inscrivaient dans une série d'interventions à caractère judiciaire relatives à la liquidation de la SCI Duranton Desmoulins, concernant les différents lots qu'elle possédait, notamment le litige intéressant le bail commercial d'un local sis [Adresse 4], qui avait donné lieu à une assignation en paiement des loyers en 2000 et qui s'est terminé par l'avenant de résiliation amiable rétroactive en date du 31 juillet 2008 de ce bail, conclu avec l'assistance de Me [C] et qui a débouché sur le paiement par le locataire d'une somme de 126 613,73 euros ; qu'ainsi l'intervention de Me [C] ne s'est pas bornée à recevoir une somme d'argent, qu'il a ensuite détournée, mais s'est située au sein d'un processus d'assistance en justice de la société MJA ; que la tâche confiée à Me [C], avocat, ne fait ainsi pas partie de celles qu'un mandataire liquidateur doit accomplir personnellement ; s'agissant des affaires concernant les sociétés de la Cinq, que Me [C] est intervenu aux côtés de la société MJA dans le différend entre, d'une part, la société Lagardère, qui avait absorbé la société Hachette, principale actionnaire du groupe la Cinq, ayant versé à la liquidation judiciaire 100 millions de francs dans le cadre d'une action en comblement de passif, la société Lagardère revendiquant son droit de participer aux dividendes et répartitions au nom des créanciers indemnisés et, d'autre part, le liquidateur judiciaire qui estimait qu'aux termes d'un jugement du 23 novembre 1992, la société Lagardère y avait renoncé ; que la société MJA justifie avoir, par courrier du 3 août 2007, confié à Me [C] la rédaction d'une requête au juge commissaire excluant le groupe Lagardère des répartitions ; qu'elle rapporte la preuve en produisant sa lettre du 28 mai 2008 à Me [C], qu'elle lui a confié sa représentation en justice ; que cette procédure a permis la rédaction du protocole transactionnel avec la société Lagardère, ayant donné lieu au paiement d'une indemnité également détournée ; qu'il ne peut dans ces conditions être soutenu que cette transaction, qui s'inscrivait dans une procédure judiciaire, ait fait partie des tâches que la société MJA devait accomplir personnellement ; en définitive qu'aucune des sommes détournées par Me [C] ne l'a été à l'occasion d'activités que celui-ci aurait accomplies alors qu'elles incombaient à la Selafa MJA; que celle-ci n'a par conséquent pas engagé sa responsabilité personnelle du fait des infractions pénales commises par Me [C] dans le cadre de son activité d'avocat, exercée de façon indépendante, dans des conditions insusceptibles d'entraîner de son fait la responsabilité de la société MJA ; que le jugement critiqué doit dès lors être confirmé en toutes ses dispositions (arrêt, p. 3 à 5) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE la société Allianz reproche à la MJA d'avoir recouru aux services d'un avocat, en ses lieu et place pour effectuer une partie des missions qu'elle seule pouvait exercer, et ce au mépris des dispositions légales, sans autorisation du président du tribunal de commerce ; que le tribunal rappelle à cet égard que, si l'article L. 812-1 du code de commerce alinéa 2, applicable à la cause prévoit que "Les tâches que comporte l'exécution de leur mandat incombent personnellement aux mandataires judiciaires désignés par le tribunal. [ ... ] Ils peuvent, en outre, lorsque le bon déroulement de la procédure le requiert et sur autorisation motivée du président du tribunal, confier sous leur responsabilité à des tiers une partie de ces tâches.", ces dispositions ne sauraient toutefois faire obstacle au recours à un avocat pour accomplir des missions qui relèvent de son office ; qu'il en est ainsi, en particulier, des missions dévolues aux avocats conformément au premier alinéa de l'article 4 de la loin° 71-1130 du 31 décembre 1971 qui énonce que : "Nul ne peut, s'il n'est avocat, assister ou représenter les parties, postuler et plaider devant les juridictions et les organismes juridictionnels ou disciplinaires de quelque nature que ce soit, sous réserve des dispositions régissant les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation." ; qu'au-delà, il convient de rappeler que tout avocat peut se voir confier des tâches de consultations juridiques ou de rédaction d'actes sous seing privé, régies par les articles 54 à 65 de cette même loi, quoique celles-ci ne relèvent pas d'un monopole conféré aux avocats et qu'elles soient susceptibles d'être accomplies par un administrateur judiciaire ou un mandataire-liquidateur dans le cadre de leur activité principale, sous réserve pour les actes rédigés qu'ils constituent effectivement l'accessoire direct de la prestation fournie ; qu'en l'espèce, d'une part, il n'est pas sérieusement contestable que les tâches accomplies par Me [C], qui a successivement assisté la MJA et l'a représentée en justice, a assuré la rédaction d'actes pour le compte de celle-ci, relevaient bien de l'office de tout avocat et qu'il était inscrit en cette qualité au barreau de Bordeaux ; que d'autre part, il n'apparaît pas que le recours à Me [C] pour accomplir ces tâches puisse s'analyser en une délégation de la part de la MJA d'avoir à effectuer des tâches personnelles qui incombaient exclusivement à cette dernière dans le cadre de sa mission ; qu'alors que la société Allianz reproche encore à la MJA le choix en particulier de Me [C] pour effectuer les missions qu'elle lui a confiées, il ne résulte pas des éléments débattus que MJA aurait poursuivi sa relation avec cet avocat en n'ignorant pas un premier détournement, pas plus qu'il ne saurait être prétendu que le lieu de résidence de celui-ci ni même d'autres faits étaient susceptibles d'appeler l'attention de la MJA quant à sa probité ; qu'en effet, alors que Me [C] avait été désigné à la demande de l'acquéreur à l'effet de procéder aux opérations de purge des inscriptions hypothécaires à la suite de la vente d'un bien immobilier par la société MJA agissant en sa qualité de mandataire à la liquidation de M. [B], celle-ci ne pouvait manifestement pas, au seul vu du chèque de 950.000 ? tiré par Me [C] sur la banque Fortis banque en Belgique, en déduire l'existence de détournements de la part de ce dernier, outre qu'elle n'avait eu connaissance d'aucun incident l'incitant à une vigilance particulière à l'égard de l'intéressé qui intervenait depuis de nombreuses années dans le cadre de procédures collectives ; qu'enfin, alors que la société Allianz soutient que la MJA devrait répondre des fautes commises par Me [C] en application conjuguée des dispositions des articles L. 812-1 alinéa 2 du code de commerce et 1242 nouveau du code civil, le tribunal doit rappeler que, d'une part, une telle responsabilité suppose un lien de subordination caractérisé par le pouvoir du commettant de donner des ordres à son préposé, que, d'autre part, un avocat est un professionnel libéral exerçant à titre habituel, de manière indépendante et sous sa responsabilité ; qu'en l'espèce, Me [C] ayant agi dans le cadre de sa mission d'avocat et alors qu'il n'est en tout état de cause pas établi que la MJA aurait disposé d'un pouvoir de contrôle sur ce dernier, celle-ci ne saurait être tenue de ses agissements ; qu'il suit de ce qui précède que la société Allianz doit être déboutée de l'ensemble de ses demandes (jugement, p. 6 et 7) ;
1°) ALORS QUE le liquidateur judiciaire engage sa responsabilité délictuelle envers les tiers auxquels il cause un préjudice en commettant une faute dans l'exercice de ses fonctions ; qu'en l'espèce, la société Allianz IARD faisait valoir que la société MJA avait commis une faute dans le choix de M. [C] pour accomplir des prestations relevant de sa mission en tant que liquidateur judiciaire dans les dossiers [M], La Cinq et SCI Duranton Dumoulin, dès lors qu'elle avait eu connaissance d'un détournement de fonds commis par M. [C] dans le cadre d'un précédent dossier [B], dont elle n'avait pu ignorer la réalité (concl., p. 7 § 6 et 7 et p. 8) ; qu'elle exposait que M. [C], mandaté par la société MJA pour recueillir les fonds issus de la vente d'un bien immobilier relevant de la liquidation judiciaire de M. [B], soit un total de 1.021.100,86 ?, n'avait restitué que la somme de 950.000 ? au prétexte qu'il devait conserver la somme de 71.190 ? au titre des frais de radiation des inscriptions, tandis que cette radiation et les coûts afférents étaient à la charge de l'acquéreur ; qu'elle en déduisait que la société MJA ne pouvait légitimement croire à l'explication fournie par M. [C], qui n'était pas crédible ; que la cour d'appel a pourtant jugé que la somme restituée par M. [C] était « à valoir sur le prix de vente », ce qui laissait entendre que des comptes devaient être faits après la réalisation de la purge des hypothèques qui lui avait été confiée et que « si la charge finale des frais de purge devait être supportée par l'acquéreur et non par la société MJA, ès qualités de venderesse, il ne pouvait être exclu la nécessité pour Me [C] de faire l'avance de frais même si ceux-ci devaient être ensuite récupérés », ce qui n'était pas de nature à éveiller les soupçons de la société MJA qui avait l'habitude de travailler avec M. [C] (arrêt, p. 4) ; qu'en se prononçant ainsi, tout en ayant constaté que M. [C], contrairement à ses habitudes, avait retenu une somme sur les fonds qu'il avait perçus pour le compte de la société MJA, au prétexte de l'accomplissement de formalités qui n'étaient pas à la charge de cette dernière, et dont elle ne devait pas supporter le coût, ce qui aurait dû conduire la société MJA à soupçonner un détournement de fonds, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;
2°) ALORS QUE le liquidateur judiciaire engage sa responsabilité délictuelle envers les tiers auxquels il cause un préjudice en commettant une faute dans l'exercice de ses fonctions ; qu'en l'espèce, la société Allianz IARD faisait valoir dans ses écritures que, dans le cadre du dossier [B], M. [C] n'avait restitué à la société MJA qu'une somme de 950.000 ? au moyen d'un chèque tiré sur un compte ouvert à son en Belgique, tandis que les fonds perçus ne pouvaient transiter que par la Carpa du barreau de Bordeaux, auquel M. [C] était inscrit (concl., p. 8) ; que pour écarter ce moyen, la cour d'appel a considéré que « le fait que Me [C], avocat belge, avait utilisé un compte ouvert en Belgique, ne pouvait davantage la conduire à la conclusion qu'elle était confrontée à un détournement nécessitant de déposer plainte et de suspendre tout rapport avec cet avocat » (arrêt, p. 4 § 8) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis qu'elle avait constaté que M. [C] exerçait la profession d'avocat en France, dépendant du barreau de Bordeaux (arrêt, p. 2 § 9), ce dont il résultait nécessairement que tous les fonds perçus dans le cadre de cette profession devaient transiter par son compte Carpa, de sorte que la société MJA ne pouvait considérer comme régulier le paiement par un chèque tiré sur un compte personnel ouvert en Belgique, peu important que M. [C] soit de nationalité belge, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;
3°) ALORS QU'un mandataire judiciaire ne peut confier à des tiers, tel un avocat, des tâches relevant de sa mission qu'à la double condition que le recours à ces tiers soit autorisé par le président du tribunal de la procédure collective et que la rémunération de ces tiers soit assurée sur les fonds propres du mandataire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré, s'agissant du dossier [M], que la société Allianz ne contestait pas que la société MJA avait fait intervenir M. [C] pour l'assister en justice « et qu'elle n'avait pas en conséquence à solliciter d'autorisation judiciaire à cette fin » (arrêt, p. 4 § 3) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 7 § 5 et p. 8 § 3), si la remise de fonds à M. [C] dans le cadre du dossier [M] était distincte du mandat d'assistance et de représentation en justice qui lui avait été confié dans ce dossier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 812-1 du code de commerce et de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;
4°) ALORS QU'un mandataire judiciaire ne peut confier à des tiers, tel un avocat, des tâches relevant de sa mission qu'à la double condition que le recours à ces tiers soit autorisé par le président du tribunal de la procédure collective et que la rémunération de ces tiers soit assurée sur les fonds propres du mandataire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré, s'agissant du dossier SCI Duranton Desmoulins, qu'il résultait d'un courrier du 1er avril 2009 que la société MJA avait confié à M. [C] sa représentation en justice à l'occasion d'une assignation en référé délivrée par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] puis que le juge-commissaire avait autorisé la vente des lots appartenant à la SCI et prévu que la société MJA serait assistée de M. [C] (arrêt, p. 4 dernier §) ; qu'elle a jugé que « ces opérations s'inscrivaient dans une série d'interventions à caractère judiciaire » et qu'ainsi « l'intervention de Me [C] ne s'est pas bornée à recevoir une somme d'argent, qu'il a ensuite détournée, mais s'est située au sein d'un processus d'assistance en justice de la société MJA », ajoutant que la tâche confiée à M. [C] ne faisait par conséquent pas partie de celles qu'un mandataire liquidateur doit accomplir personnellement (arrêt, p. 5 § 1) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 9 § 4), si M. [C] avait perçu les fonds litigieux, dans le dossier SCI Duranton Desmoulins, non dans le cadre d'un mandat d'assistance ou de représentation en justice, mais à la suite d'une résiliation du bail conclu avec le locataire, étrangère aux missions précédemment confiées en tant qu'avocat, et si le recueil de ces fonds relevait de la mission personnelle de la société MJA, qui devait dès lors être autorisée à recourir au service d'un tiers pour cela, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 812-1 du code de commerce et de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;
5°) ALORS QU'un mandataire judiciaire ne peut confier à des tiers, tel un avocat, des tâches relevant de sa mission qu'à la double condition que le recours à ces tiers soit autorisé par le président du tribunal de la procédure collective et que la rémunération de ces tiers soit assurée sur les fonds propres du mandataire ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a considéré, s'agissant du dossier Duranton Desmoulins, que M. [C] avait reçu les fonds détournés dans le cadre de sa profession d'avocat, et ce « au sein d'un processus d'assistance en justice de la société MJA » après avoir retenu que M. [C] avait « activement » assisté la société MJA dans la conclusion d'un avenant de résiliation amiable du contrat de bail, qui avait donné lieu à versement des sommes litigieuses par le locataire (arrêt, p. 5 § 1) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que le fait pour un avocat d'assister un client pour la conclusion d'une convention ne relève ni d'une représentation en justice ni d'une assistance en justice, la cour d'appel a violé l'article L. 812-1 du code de commerce et l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;
6°) ALORS QU'un mandataire judiciaire ne peut confier à des tiers, tel un avocat, des tâches relevant de sa mission qu'à la double condition que le recours à ces tiers soit autorisé par le président du tribunal de la procédure collective et que la rémunération de ces tiers soit assurée sur les fonds propres du mandataire ; qu'en l'espèce, s'agissant du dossier La Cinq, la cour d'appel a considéré que M. [C] était intervenu dans le différend entre d'une part la société Lagardère et d'autre part la société MJA, et que cette dernière avait confié à M. [C] la mission de la représenter en justice, ce qui avait « permis la rédaction du protocole transactionnel avec la société Lagardère, ayant donné lieu au paiement d'une indemnité également détournée » (arrêt, p. 5 § 2) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 9 § 4) si M. [C] avait été chargé de rédiger le protocole transactionnel, ou désigné comme représentant de la société MJA pour participer à cet acte, ce qui n'était pas le cas, de sorte qu'il n'était pas intervenu en qualité d'avocat mais en tant que mandataire spécial du liquidateur judiciaire lorsqu'il a perçu ces fonds, ce qui supposait une autorisation judiciaire, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 812-1 du code de commerce et de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;
7°) ALORS QU'un mandataire judiciaire ne peut confier à des tiers, tel un avocat, des tâches relevant de sa mission qu'à la double condition que le recours à ces tiers soit autorisé par le président du tribunal de la procédure collective et que la rémunération de ces tiers soit assurée sur les fonds propres du mandataire ; qu'en l'espèce, s'agissant du dossier La Cinq, la cour d'appel a considéré que M. [C] était intervenu dans le différend entre d'une part la société Lagardère et d'autre part la société MJA, et que cette dernière avait confié à M. [C] la mission de la représenter en justice, ce qui avait « permis la rédaction du protocole transactionnel avec la société Lagardère, ayant donné lieu au paiement d'une indemnité également détournée » (arrêt, p. 5 § 2) ; qu'en se prononçant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée (concl., p. 9 § 4) si M. [C] avait effectivement accompli des diligences en tant qu'avocat dans le dossier La Cinq, préalablement à la conclusion de la transaction, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 812-1 du code de commerce et de l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code ;
8°) ALORS QU'un mandataire judiciaire ne peut confier à des tiers, tel un avocat, des tâches relevant de sa mission qu'à la double condition que le recours à ces tiers soit autorisé par le président du tribunal de la procédure collective et que la rémunération de ces tiers soit assurée sur les fonds propres du mandataire ; qu'en l'espèce, s'agissant du dossier La Cinq, la cour d'appel a considéré que M. [C] était intervenu dans le différend entre d'une part la société Lagardère et d'autre part la société MJA, et que cette dernière avait confié à M. [C] la mission de la représenter en justice, ce qui avait « permis la rédaction du protocole transactionnel avec la société Lagardère, ayant donné lieu au paiement d'une indemnité également détournée » (arrêt, p. 5 § 2) ; qu'en se prononçant ainsi, tandis que la perception de fonds par un avocat dans le cadre de l'exécution d'une transaction ne relève ni d'une mission de représentation en justice ni d'une mission d'assistance en justice, de sorte qu'elle devait être autorisée par le juge de la procédure collective, la cour d'appel a violé l'article L. 812-1 du code de commerce et l'article 1382 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016, devenu l'article 1240 du même code.