LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 9 novembre 2022
Cassation partielle
M. MOLLARD, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 655 F-D
Pourvoi n° J 21-11.753
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 NOVEMBRE 2022
M. [H] [W], domicilié [Adresse 3], [Localité 1], a formé le pourvoi n° J 21-11.753 contre l'arrêt rendu le 19 novembre 2020 par la cour d'appel d'Aix-en-Provence (chambre 3-4), dans le litige l'opposant à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], [Localité 4], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Boutié, conseiller référendaire, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de M. [W], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société générale, après débats en l'audience publique du 20 septembre 2022 où étaient présents M. Mollard, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Boutié, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Aix-en-Provence, 19 novembre 2020), le 22 mars 2000, M. [W], a ouvert un compte-titres et un compte-espèces dans les livres de la Société générale (la banque) et a réalisé des opérations d'achat et de vente de titres via le service internet mis à sa disposition entre 2000 et 2007.
2. Estimant que la banque avait manqué à ses obligations d'information, de conseil et de mise en garde, M. [W] l'a assignée en responsabilité.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. M. [W] fait grief à l'arrêt de rejeter l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la banque, alors « que la cour d'appel ne pouvait refuser d'indemniser le client de la banque, sous prétexte que son dommage ne peut s'analyser qu'en une perte de chance et que ledit client a seulement demandé la réparation intégrale de son préjudice ; que la cour d'appel a donc, pour cette première raison, violé l'article 1147, devenu article 1231-1 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 4 et 1147, devenu 1231-1, du code civil :
4. Il résulte de ces textes que le juge ne peut refuser d'indemniser une perte de chance de ne pas subir un dommage, dont il constate l'existence, en se fondant sur le fait que seule une réparation intégrale de ce dommage lui a été demandée.
5. Pour rejeter la demande d'indemnisation de M. [W], l'arrêt, après avoir retenu que le préjudice résultant du manquement de la banque à son obligation d'information et de mise en garde s'analyse en une perte de chance d'échapper aux risques qui se sont réalisés et que la perte de chance est un préjudice distinct de celui qui résulte de la perte en raison des opérations effectivement réalisées, relève que M. [W] ne se prévaut d'aucun préjudice de perte de chance.
6. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a dit que les demandes pour la période antérieure au 17 juin 2003 sont prescrites, l'arrêt rendu le 19 novembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;
Remet, sauf sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence autrement composée ;
Condamne la Société générale aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf novembre deux mille vingt-deux.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour M. [W].
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué
D'AVOIR débouté Monsieur [W] de l'intégralité de ses demandes à l'encontre de la banque Société Générale
1) ALORS QUE la Cour d'appel ne pouvait refuser d'indemniser le client de la banque, sous prétexte que son dommage ne peut s'analyser qu'en une perte de chance et que ledit client a seulement demandé la réparation intégrale de son préjudice ; que la Cour d'appel a donc, pour cette première raison, violé l'article 1147 (devenu article 1231-1) du code civil ;
2) ALORS QUE la faute de la victime ne peut avoir pour effet l'exonération totale du défendeur en responsabilité que si elle présente les caractères de la force majeure et qu'elle est la cause exclusive du dommage ; que la Cour d'appel a expressément constaté que la banque ne démontrait pas avoir rempli ses obligations, notamment en ce qui concernait l'information sur les caractéristiques des produits proposés et sur leur adéquation avec la situation personnelle du client (arrêt attaqué, page 6, avant dernier alinéa) ; que dès lors, elle ne pouvait exonérer totalement la banque, au motif que Monsieur [W], se comportant comme un investisseur compétent, avait pris des risques déraisonnables et que sa faute avait contribué à la réalisation de son propre préjudice (arrêt, page 7, alinéa 5) ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a, de plus fort, violé l'article 1147 (devenu article 1231-1) du code civil.