LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
CH.B
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 4 janvier 2023
Rejet
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 1 F-D
Pourvoi n° H 21-15.385
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 4 JANVIER 2023
1°/ M. [N] [H], domicilié [Adresse 1],
2°/ M. [N] [H], agissant en qualité de représentant légal de Mme [Y] [H],
3°/ M. [N] [H], domicilié [Adresse 1], agissant en qualité de représentant légal de Mme [O] [H],
4°/ M. [Z] [P],
5°/ Mme [W] [D], épouse [P],
domiciliés tous deux [Adresse 3], agissant tant en leurs noms personnels, qu'en leur qualité d'ayants droit de [I] [P],
6°/ M. [V] [P], domicilié [Adresse 4], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de [I] [P],
7°/ Mme [A] [P], domiciliée [Adresse 1], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de [I] [P],
8°/ M. [S] [P], domicilié [Adresse 7], agissant tant en son nom personnel qu'en sa qualité d'ayant droit de [I] [P],
9°/ Mme [T] [F], épouse [P], domiciliée [Adresse 5],
ont formé le pourvoi n° H 21-15.385 contre l'arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 9), dans le litige les opposant :
1°/ à la société Compagnie de participations commerciales industrielles et financières - Pacifico, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société Etablissements Maurel et Prom, société anonyme, dont le siège est [Adresse 6],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les cinq moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lefeuvre, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. [H], de MM. [Z], [V] et [S] [P] et de Mmes [W] et [A] [P], et de Mme [T] [P], de Me Laurent Goldman, avocat de la société Etablissements Maurel et Prom, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Compagnie de participations commerciales industrielles et financières - Pacifico, après débats en l'audience publique du 8 novembre 2022 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Lefeuvre,
conseiller référendaire rapporteur, M. Mollard, conseiller doyen, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 18 mars 2021) et les productions, par une décision du 13 novembre 2015, l'Autorité des marchés financiers a approuvé la fusion-absorption de la société MPI par la société Maurel et Prom (la société MetP), disant n'y avoir obligation, pour la société MetP, de lancer une offre publique de retrait.
2. L'opération a été votée lors des assemblées générales des sociétés MPI et MetP du 17 décembre 2015. Les publications au registre du commerce et des sociétés ont été effectuées en février 2016.
3. Le 24 août 2016, la société Pacifico, principal actionnaire de la société MetP, a cédé l'ensemble des titres qu'elle détenait dans le capital de celle-ci.
4. Le 7 mars 2016, soutenant que la société Pacifico, détenant plus de 30 % des droits de vote de la société MPI, aurait dû déclencher une offre publique d'achat et que la parité de fusion retenue leur avait causé un préjudice, MM. [Z], [V] et [S] [P] et Mmes [W], [A] et [T] [P] (les consorts [P]) ainsi que [I] [P], M. [H] et Mmes [Y] et [O] [H] (les consorts [H]), actionnaires minoritaires des sociétés MPI et MetP ont assigné celles-ci et la société Pacifico en annulation des assemblées générales des sociétés MPI et MetP du 17 décembre 2015.
5. [I] [P] étant décédé en cours d'instance, M. [Z] [P], M. [V] [P], M. [S] [P], Mme [W] [P] et Mme [A] [P] ont repris l'instance en ses lieu et place.
Examen des moyens
Sur les quatrième et cinquième moyens, ci-après annexés
6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces moyens qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
7. Les consorts [H] et [P] font grief à l'arrêt de constater que leur demande de production de pièces n'était plus soutenue, alors « que, dans leurs dernières écritures d'appel, en date du 4 janvier 2021, les consorts [H] sollicitaient la production forcée par Pacifico de toutes les pièces permettant de constater les transferts des actions MetP entre les années 2009 et 2015 et demandait à la cour de tirer les conséquences qui s'imposaient en cas de refus de produire ; que cette demande figurait dans la discussion et dans le dispositif de leurs conclusions ; que toutefois, pour statuer comme ils l'ont fait, les juges du second degré ont relevé que "la demande de production de pièces n'est plus soutenue" ; qu'en statuant de la sorte, les juges du fond ont dénaturé les conclusions en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause. »
Réponse de la Cour
8. Après avoir retenu qu'il est légal et de pratique courante pour un actionnaire d'effectuer des mouvements de titres du nominatif au porteur afin d'éviter d'acquérir les droits de vote double attachés aux actions nominatives pour ne pas franchir certains seuils de droits de vote, l'arrêt relève que sont produits aux débats les documents de référence de la société MetP sur la structure de son actionnariat, faisant apparaître que la société Pacifico n'a jamais détenu plus de 30 % des droits de vote avant la fusion.
9. La cour d'appel a, par ces seuls motifs dont il résulte que les pièces versées aux débats étaient suffisantes pour lui permettre d'apprécier le bien-fondé des demandes d'annulation de la résolution 1A de l'assemblée générale de la société MetP du 17 décembre 2015 et des opérations de fusion-absorption fondées sur l'absence de déclaration de franchissement de seuil, légalement justifié sa décision de ce chef.
10. Le moyen, inopérant en ce qu'il attaque des motifs erronés mais surabondants, ne peut donc être accueilli.
Et sur les deuxième et troisième moyens, réunis
Enoncé des moyens
11. Par leur deuxième moyen, les consorts [H] et [P] font grief à l'arrêt de dire irrecevable comme prescrite l'action fondée sur l'abus de majorité, alors :
« 1°/ que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but ; qu'en considérant que la demande fondée sur un abus de majorité et visant l'anéantissement de la fusion-absorption de MPI par MetP était prescrite au motif que cette contestation n'avait pas été soulevée dans l'assignation du 7 mars 2016, mais pour la première fois par conclusions du 28 février 2019, sans s'interroger sur le point de savoir si, comme le faisaient valoir les consorts [H] et [P], les demandes telles que formulées dans l'assignation n'avaient pas également pour but l'anéantissement de la fusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2241 du code civil ;
2°/ que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but ; que la Cour d'appel a considéré que ce n'est que par conclusions en date du 28 février 2019 que les consorts [H] et [P] ont pour la première fois formulé une demande tendant à la nullité de la fusion-absorption de MPI par MetP sur le fondement d'un abus de majorité ; qu'en statuant ainsi alors qu'elle décidait par ailleurs que la demande en nullité formulée par les consorts [H] et [P] dès l'assignation du 7 mars 2016 devait être rejetée quand bien même la société Pacifico avait violé ses obligations résultant du dépassement du seuil de 30 % dès lors que cette violation n'avait eu aucun effet sur la régularité de l'assemblée générale et de la résolution relative à la fusion, ce dont il résultait nécessairement que la demande fondée sur le franchissement de seuil visait également à l'anéantissement de la fusion, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil. »
12. Par leur troisième moyen, les consorts [H] et [P] font grief à l'arrêt de dire irrecevables comme prescrites les actions en nullité des résolutions 2A et 1A des assemblées générales mixtes des sociétés MetP et MPI fondées sur la comptabilisation des votes, alors :
« 1°/ que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but ; qu'en considérant que la demande fondée sur la violation des règles régissant les droits de vote formulée pour la première fois par conclusions du 11 octobre 2018 était prescrite au motif qu'elle visait l'annulation des résolutions approuvant la fusion-absorption de MPI par MetP, quand l'assignation, déposée dans le délai de prescription, ne visait que l'annulation des assemblées générales au cours desquelles ces résolutions ont été approuvées, sans s'interroger sur le point de savoir si, comme le faisaient valoir les consorts [H] et [P], les demandes telles que formulées dans l'assignation n'avaient pas également pour but l'anéantissement de la fusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2241 du code civil ;
2°/ que si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but ; que la cour d'appel a considéré que ce n'est que par conclusions en date du 11 octobre 2018 que les consorts [H] et [P] ont pour la première fois formulé une demande tendant à la nullité de la fusion-absorption de MPI par MetP [fondée sur la violation des règles régissant les droits de vote] ; qu'en statuant ainsi alors qu'elle décidait par ailleurs que la demande en nullité formulée par les consorts [H] et [P] dès l'assignation du 7 mars 2016 devait être rejetée quand bien même la société Pacifico avait violé ses obligations résultant du dépassement du seuil de 30 % dès lors que cette violation n'avait eu aucun effet sur la régularité de l'assemblée générale et la résolution relative à la fusion, ce dont il résultait nécessairement que la demande fondée sur le franchissement de seuil visait également à l'anéantissement de la fusion, la cour d'appel a violé l'article 2241 du code civil ;
3°/ que la recevabilité d'une action en justice ne peut être subordonnée à la démonstration préalable de son bien-fondé ; que si l'article L. 233-14 du code de commerce ne sanctionne le défaut de déclaration de franchissement de seuil que par la privation des droits de vote attachés aux actions excédant la fraction qui n'a pas été régulièrement déclarée pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait jusqu'à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date de régularisation de la notification et que l'absence de dépôt d'un projet d'offre publique d'achat n'est pas non plus systématiquement sanctionnée par l'annulation des assemblées générales, les consorts [H] et [P] développaient un argumentaire visant à démontrer que les violations invoquées devaient en l'espèce entraîner la nullité des assemblées générales du 17 décembre 2015 et, par conséquence, de l'opération de fusion adoptée durant ces assemblées ; qu'en considérant que les demandes fondées sur la violation par Pacifico de ses obligations découlant du franchissement de seuil n'avaient pas pour but l'annulation de la fusion, à raison de la nature des sanctions prévues, la cour d'appel a préjugé du bien-fondé de l'action pour exclure son effet interruptif de prescription ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 2241 du code civil et 122 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
13. Selon l'article 2243 du code civil, l'interruption de la prescription résultant de la demande en justice est non avenue si celle-ci est définitivement rejetée.
14. L'arrêt, qui constate que les consorts [H] et [P] ne sollicitent plus, en appel, la nullité des assemblées générales des sociétés MIP et MetP ayant statué sur la fusion-absorption, n'infirme pas le jugement en tant qu'il a rejeté cette demande, formulée dans l'assignation du 7 mars 2016.
15. Il en résulte que ce rejet est devenu irrévocable et que l'interruption de la prescription, par l'assignation du 7 mars 2016, était non avenue à la date du 11 octobre 2018.
16. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt se trouve légalement justifié en ce qu'il déclare irrecevables comme prescrites les demandes d'annulation des résolutions 2A et 1A des assemblées générales des sociétés MPI et MetP du 17 décembre 2015 fondées sur la comptabilisation des votes et sur l'abus de majorité.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [Z] [P], M. [V] [P], M. [S] [P], Mme [W] [P], Mme [A] [P], en leur nom personnel et en qualité d'ayant droit de [I] [P], Mme [T] [P], M. [H], en son nom personnel et en sa qualité de représentant légal de Mmes [Y] et [O] [H], aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [Z] [P], M. [V] [P], M. [S] [P], Mme [W] [P], Mme [A] [P], en leur nom personnel et en qualité d'ayants droit de [I] [P], Mme [T] [P], M. [H], en son nom personnel et en sa qualité de représentant légal de Mmes [Y] et [O] [H], et les condamne à payer aux sociétés Compagnie de participations commerciales industrielles et financières - Pacifico et Etablissements Maurel et Prom la somme globale de 3 000 euros chacune ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre janvier deux mille vingt-trois.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt :
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. [H], de MM. [Z], [V] et [S] [P] et de Mmes [W] et [A] [P], agissant tant en leurs noms personnels qu'en leurs qualités d'ayants droit de [I] [P], et de Mme [T] [P].
PREMIER MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué, critiqué par les consorts [H], encourt la censure ;
EN CE QU' il a constaté que la demande de production de pièces formulée par les consorts [H] n'était plus soutenue ;
ALORS QUE dans leurs dernières écritures d'appel, en date du 4 janvier 2021, les consorts [H] sollicitaient la production forcée par PACIFICO de toutes les pièces permettant de constater les transferts des actions MAUREL et PROM entre les années 2009 et 2015 et demandait à la Cour de tirer les conséquences qui s'imposaient en cas de refus de produire ; que cette demande figurait dans la discussion et dans le dispositif de leurs conclusions (conclusions du 4 janvier 2021, motifs p. 53 § 6-7 et dispositif p. 58 pt. 1) ; que toutefois, pour statuer comme ils l'ont fait, les juges du second degré ont relevé que « la demande de production de pièces n'est plus soutenue » (arrêt p. 7 § 3 et p. 13 § 4) ; qu'en statuant de la sorte, les juges du fond ont dénaturé les conclusions en violation du principe selon lequel le juge ne doit pas dénaturer les documents de la cause.
DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué, critiqué par les consorts [H] et [P], encourt la censure ;
EN CE QUE, confirmant le jugement, il a dit irrecevable comme prescrite l'action fondée sur l'abus de majorité ;
ALORS QUE, premièrement, si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but ; qu'en considérant que la demande fondée sur un abus de majorité et visant l'anéantissement de la fusion-absorption de MPI par MAUREL et PROM était prescrite au motif que cette contestation n'avait pas été soulevée dans l'assignation du 7 mars 2016, mais pour la première fois par conclusions du 28 février 2019, sans s'interroger sur le point de savoir si, comme le faisaient valoir les consorts [H] et [P], les demandes telles que formulées dans l'assignation n'avaient pas également pour but l'anéantissement de la fusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2241 du Code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but ; que la Cour d'appel a considéré que ce n'est que par conclusions en date du 28 février 2019 que les consorts [H] et [P] ont pour la première fois formulé une demande tendant à la nullité de la fusion-absorption de MPI par MAUREL et PROM sur le fondement d'un abus de majorité ; qu'en statuant ainsi alors qu'elle décidait par ailleurs que la demande en nullité formulée par les consorts [H] et [P] dès l'assignation du 7 mars 2016 devait être rejetée quand bien même la société PACIFICO avait violé ses obligations résultant du dépassement du seuil de 30 % dès lors que cette violation n'avait eu aucun effet sur la régularité de l'assemblée générale et de la résolution relative à la fusion, ce dont il résultait nécessairement que la demande fondée sur le franchissement de seuil visait également à l'anéantissement de la fusion, la cour d'appel a violé l'article 2241 du Code civil.
TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué, critiqué par les consorts [H] et [P], encourt la censure ;
EN CE QU'il a dit irrecevables comme prescrites les actions en nullité des résolutions 2A et 1A des assemblées générales mixtes des sociétés MAUREL et PROM et MPI fondées sur la comptabilisation des votes ;
ALORS QUE, premièrement, si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but ; qu'en considérant que la demande fondée sur la violation des règles régissant les droits de vote formulée pour la première fois par conclusions du 11 octobre 2018 était prescrite au motif qu'elle visait l'annulation des résolutions approuvant la fusion-absorption de MPI par MAUREL et PROM, quand l'assignation, déposée dans le délai de prescription, ne visait que l'annulation des assemblées générales au cours desquelles ces résolutions ont été approuvées, sans s'interroger sur le point de savoir si, comme le faisaient valoir les consorts [H] et [P], les demandes telles que formulées dans l'assignation n'avaient pas également pour but l'anéantissement de la fusion, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 2241 du Code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, si, en principe, l'interruption de la prescription ne peut s'étendre d'une action à une autre, il en est autrement lorsque les deux actions, bien qu'ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but ; que la Cour d'appel a considéré que ce n'est que par conclusions en date du 11 octobre 2018 que les consorts [H] et [P] ont pour la première fois formulé une demande tendant à la nullité de la fusion-absorption de MPI par MAUREL et PROM ; qu'en statuant ainsi alors qu'elle décidait par ailleurs que la demande en nullité formulée par les consorts [H] et [P] dès l'assignation du 7 mars 2016 devait être rejetée quand bien même la société PACIFICO avait violé ses obligations résultant du dépassement du seuil de 30 % dès lors que cette violation n'avait eu aucun effet sur la régularité de l'assemblée générale et la résolution relative à la fusion, ce dont il résultait nécessairement que la demande fondée sur le franchissement de seuil visait également à l'anéantissement de la fusion, la cour d'appel a violé l'article 2241 du Code civil ;
ALORS QUE, troisièmement, la recevabilité d'une action en justice ne peut être subordonnée à la démonstration préalable de son bien-fondé ; que si l'article L. 233-14 du Code de commerce ne sanctionne le défaut de déclaration de franchissement de seuil que par la privation des droits de vote attachés aux actions excédant la fraction qui n'a pas été régulièrement déclarée pour toute assemblée d'actionnaires qui se tiendrait jusqu'à l'expiration d'un délai de deux ans suivant la date de régularisation de la notification et que l'absence de dépôt d'un projet d'offre publique d'achat (OPA) n'est pas non plus systématiquement sanctionnée par l'annulation des assemblées générales, les consorts [H] et [P] développaient un argumentaire visant à démontrer que les violations invoquées devaient en l'espèce entraîner la nullité des assemblées générales du 17 décembre 2015 et, par conséquence, de l'opération de fusion adoptée durant ces assemblées (assignation du 7 mars 2016, p. 8-10 ; conclusions des consorts [H] du 4 janvier 2021, p. 34-36 ; conclusions des consorts [P] du 5 janvier 2021, p. 30-31 et 35-36) ; qu'en considérant que les demandes fondées sur la violation par PACIFICO de ses obligations découlant du franchissement de seuil n'avaient pas pour but l'annulation de la fusion, à raison de la nature des sanctions prévues, la cour d'appel a préjugé du bien-fondé de l'action pour exclure son effet interruptif de prescription ; qu'en statuant de la sorte, la cour d'appel a violé les articles 2241 du code civil et 122 du code de procédure civile.
QUATRIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué, critiqué par les consorts [H] et [P], encourt la censure ;
EN CE QUE, confirmant le jugement, il a débouté les consorts [H] et [P] de leurs demandes en nullité des délibérations des assemblées générales et des opérations de fusion-absorption fondées sur le franchissement de seuil, et il a débouté les consorts [H] et [P] de leurs demandes de dommages et intérêts ;
ALORS QUE, premièrement, il résulte de l'article L. 433-3 I du Code monétaire et financier que tout actionnaire d'une société dont le siège social est établi en France, et dont les actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat membre de l'Union européenne, venant à détenir, directement ou indirectement, plus des trois dixièmes du capital ou des droits de vote est tenu d'en informer immédiatement l'Autorité des marchés financiers et de déposer un projet d'offre publique en vue d'acquérir une quantité déterminée des titres de la société ; que la violation de cette obligation peut participer d'une fraude aux droits des actionnaires minoritaires justifiant l'annulation de l'assemblée générale ayant donné lieu à la fraude de même que l'attribution de dommages-intérêts aux actionnaires minoritaires lésés ; qu'en rejetant les demandes en ce sens des consorts [H] et [P] au motif péremptoire que « la violation de cette obligation n'a eu aucun effet sur l'assemblée générale et sur les résolutions qui ont été adoptées » (arrêt p. 12 § 3), la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, et à tout le moins, les consorts [H] et [P] faisaient valoir que le dépôt d'une offre publique d'achat aurait conduit à l'ajournement des assemblées générales du 17 décembre 2015 ayant décidé de la fusion-absorption et leur auraient permis de se faire racheter leurs actions par la société PACIFICO, à des conditions beaucoup plus avantageuses ; qu'ils faisaient encore valoir que c'est dans le but d'éviter un tel rachat que la société PACIFICO, consciente du dépassement de seuil, avait sciemment manqué à ses obligations de déclaration et de dépôt d'une offre publique d'achat et permis ainsi la fusion des sociétés MPI et MAUREL et PROM, dans le seul intérêt de cette dernière et de ses actionnaires majoritaires, de manière frauduleuse ; qu'en considérant cependant que la violation par la société PACIFICO de ses obligations n'avait eu aucun effet sur les résolutions adoptées, et qu'il n'en était résulté aucun préjudice pour les actionnaires minoritaires, sans répondre aux conclusions des consorts [H] et [P], la Cour d'appel a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;
ALORS QUE, troisièmement, il résulte de l'article L. 433-3 I alinéa 4 du Code monétaire et financier que le règlement général de l'Autorité des marchés financiers fixe les conditions dans lesquelles l'autorité peut accorder une dérogation à l'obligation de déposer un projet d'offre publique ; que cette possibilité de dérogation n'est toutefois ni automatique, ni de droit ; qu'à considérer que la Cour d'appel a rejeté les demandes des consorts [H] et [P] aux motifs que l'obligation de déposer une offre publique en cas de dépassement du seuil de 30 % du capital ou des droits de vote est tempérée par plusieurs exceptions et dérogations et qu'il appartient à l'AMF de déterminer si l'actionnaire qui dépasse ce seuil est tenu ou non de procéder à une offre publique (arrêt p. 12 § 2), que le franchissement de seuil est principalement dû au retard dans la tenue des assemblées générales et que si celles-ci avaient eu lieu à la date prévue du 7 décembre il n'y aurait eu aucun franchissement de seuil, ou encore que le franchissement de seuil a été très bref (arrêt p. 11 in fine), quand elle relevait qu'en l'espèce l'AMF ne s'était pas prononcée sur le franchissement de seuil qui ne lui avait pas été soumis et notamment sur la nécessité de déposer une offre publique d'acquisition (arrêt p. 11 § 5), la Cour d'appel a violé l'article L. 433-3 I du Code monétaire et financier.
CINQUIEME MOYEN DE CASSATION :
L'arrêt attaqué, critiqué par les consorts [H] et [P], encourt la censure ;
EN CE QUE, confirmant le jugement, il a débouté les consorts [H] et [P] de leurs demandes en nullité des délibérations des assemblées générales et des opérations de fusion-absorption fondées sur le franchissement de seuil, et il a débouté les consorts [H] et [P] de leurs demandes de dommages et intérêts ;
ALORS QUE, les consorts [H] et [P] faisaient valoir, aux termes d'une démonstration détaillée, que la société PACIFICO avait, postérieurement à la fusion, et à tout le moins au 24 décembre 2015, dépassé le seuil des 30 % des droits de vote dans la société MAUREL et PROM sans pour autant déposer une offre publique d'achat, de sorte qu'elle avait violé les obligations pesant sur elle au titre de l'article L. 433-3 I du Code monétaire et financier (conclusions des consorts [H] p. 48-49 ; conclusions des consorts [P], p. 40) ; que pour conclure à l'absence de dépassement du seuil après la fusion, la Cour d'appel s'est contentée de relever que « le document de référence de MetP sur la structure de l'actionnariat au 31/01/2016 montre que Pacifico détient 24,53 % et non plus de 31 % » (arrêt p. 13 § 1) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à exclure qu'entre le 23 décembre 2015, date de la fusion, et le 31 janvier 2016, la société PACIFICO avait dépassé le seuil des 30 %, la Cour d'appel a violé l'article L. 433-3 I du Code monétaire et financier.