LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CZ
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 13 décembre 2023
Cassation
Mme LACQUEMANT, conseiller le plus ancien
faisant fonction de président
Arrêt n° 2179 F-D
Pourvoi n° M 22-10.126
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 13 DÉCEMBRE 2023
M. [N] [C], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 22-10.126 contre l'arrêt rendu le 5 novembre 2021 par la cour d'appel de Rennes (8e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Cleoval, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3], prise en la personne de Mme [V] [T], venant aux droits de la société [G] [O], en qualité de liquidateur de la société Phone boutique,
2°/ à l'AGS CGEA de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Lacquemant, conseiller le plus ancien faisant fonction de président, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [C], après débats en l'audience publique du 14 novembre 2023 où étaient présents Mme Lacquemant, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Nirdé-Dorail, conseiller, Mme Valéry, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Dumont, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée en application de l'article L. 431-3 alinéa 2 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 5 novembre 2021), rendu sur renvoi après cassation (Soc. 21 octobre 2020, pourvoi n° 19-10.635) M. [C] a été engagé le 7 février 2010 en qualité de directeur commercial par la société Phone boutique (la société).
2. Par jugement du 21 mai 2014, le tribunal de commerce de Vannes a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société, puis a prononcé sa liquidation judiciaire le 24 juin 2015, M. [O], aux droits duquel se trouve la société Cleoval, étant désigné en qualité de mandataire liquidateur.
3. M. [C] a saisi, le 15 octobre 2015, la juridiction prud'homale pour voir fixer au passif de la liquidation judiciaire diverses sommes à titre d'indemnités de rupture et de dommages-intérêts.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa cinquième branche
Enoncé du moyen
4. M. [C] fait grief à l'arrêt de le débouter de l'ensemble de ses demandes liées à la reprise et à la rupture du contrat de travail après l'ouverture de la procédure collective visant la société Phone boutique et du surplus de ses demandes, alors « que le simple fait que le salarié, dont le contrat de travail est suspendu pendant l'exercice d'un mandat social, ne se tienne pas à la disposition de l'employeur ne permet pas d'établir que son contrat de travail a disparu ; que si l'arrêt devait être compris comme n'ayant pas retenu l'existence d'une démission ou d'une novation, il serait considéré qu'en se bornant à énoncer que M. [C], dont le contrat de travail avait été suspendu pendant l'exercice de son mandat social, ne se considérait manifestement plus comme salarié de la société Phone boutique et ne se tenait plus, dans les faits, à disposition de l'employeur, la cour d'appel, qui a statué par des motifs impropres à établir que le contrat de travail avait disparu, a violé l'article L. 1221-1 du code du travail ».
Réponse de la Cour
Vu les articles L. 1221-1 et L. 1231-1 du code du travail :
5. Aux termes du premier de ces textes, le contrat de travail est soumis aux règles de droit commun. Il peut être établi selon les formes que les parties contractantes décident d'adopter.
6. Selon le second, le contrat de travail à durée indéterminée peut être rompu à l'initiative de l'employeur ou du salarié, ou d'un commun accord dans certaines conditions.
7. Sauf novation ou convention contraire, le contrat de travail d'un salarié devenu mandataire social et qui cesse d'exercer des fonctions techniques dans un état de subordination à l'égard de la société est suspendu pendant la durée du mandat, pour retrouver tous ses effets lorsque le mandat social prend fin.
8. Pour débouter l'intéressé de ses demandes liées à la poursuite et à la rupture du contrat de travail, l'arrêt, après avoir écarté la réalité d'une démission de M. [C] au 30 septembre 2011 et retenu que le contrat de travail de ce dernier avait été suspendu lorsque celui-ci était devenu président de la société le 17 octobre 2011, constate que la société a été liée à la SP Consulting par une convention de prestations de services, les deux sociétés étant gérées par M. [C], que la procédure collective ouverte en 2014 et ayant donné lieu au jugement du 24 juin 2015 prononçant la liquidation judiciaire de la société, a mis fin au mandat social de M. [C], que si l'intéressé a mentionné son nom et sa qualité de directeur commercial dans la liste des salariés établie le 25 juin 2015, il n'a pas repris le travail, postérieurement au jugement de liquidation judiciaire, ni ne s'est manifesté auprès des organes de la procédure pour reprendre son activité antérieure, qu'il avait créé en 2013 la société Chantepie où il était supposé travailler. L'arrêt déduit de ces éléments que M. [C] ne se considérait plus comme salarié depuis octobre 2011 et ne se tenait plus dans les faits à la disposition de l'employeur, de sorte que le contrat de travail liant ce dernier à la société, dont les conditions n'étaient plus réunies depuis le 17 octobre 2011, n'avait pas repris ses effets après la procédure d'ouverture collective.
9. En statuant ainsi, par des motifs impropres à écarter la reprise des effets du contrat de travail, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 novembre 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;
Condamne la société Cleoval prise en la personne de Mme [T] en qualité de liquidateur judiciaire de la société Phone boutique aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Cleoval ès qualités à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du treize décembre deux mille vingt-trois.