LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 avril 2024
Cassation
M. SOMMER, président
Arrêt n° 400 FS-B+R
Pourvoi n° B 22-20.352
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 24 AVRIL 2024
M. [J] [W], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° B 22-20.352 contre l'arrêt rendu le 23 juin 2022 par la cour d'appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l'opposant à l'association Société des habous et lieux saints de l'Islam, dont le siège est [Adresse 5], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Valéry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [W], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de l'association Société des habous et lieux saints de l'Islam, et l'avis de M. Juan, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mars 2024 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Valéry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Capitaine, conseiller doyen, Mmes Lacquemant, Nirdé-Dorail, Salomon, Palle, conseillers, Mmes Pecqueur, Laplume, MM. Chiron, Leperchey, conseillers référendaires, M. Juan, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 23 juin 2022), M. [W], imam, tout d'abord détaché par les autorités algériennes auprès de l'Institut [3] de la Mosquée de [Localité 4], a été recruté à compter du 1er septembre 1993 en qualité de professeur de théologie par l'Institut [3], devenu l'Institut [2] à compter de 1994, et a notamment exercé une activité de formation des futurs imams et aumôniers au sein de différentes structures de la Grande mosquée de [Localité 4], établissement régi par l'association Société des habous et lieux saints de l'Islam (l'association).
2. Il a saisi la juridiction prud'homale d'une demande de reconnaissance de l'existence d'un contrat de travail avec cette association.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
3. M. [W] fait grief à l'arrêt de dire que ses fonctions relevaient du statut de ministre du culte, de constater l'absence de relation de travail avec l'association et de constater l'incompétence du conseil de prud'hommes au profit du tribunal judiciaire, alors « que l'existence d'une relation de travail salariée dépend des seules conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs, les juges chargés de trancher un conflit relatif à l'existence d'un contrat de travail devant rechercher le lien de subordination à partir des conditions réelles d'exercice de l'activité litigieuse ; que la cour d'appel en se fondant, pour écarter l'existence d'un lien de subordination et débouter, en conséquence, l'exposant de sa demande tendant à voir reconnaître l'existence d'un contrat de travail le liant à l'association, dont elle avait bien constaté qu'elle était une association de la loi de 1901, sur les circonstances inopérantes selon lesquelles l'exposant avait le statut de religieux, exerçait depuis son détachement en février 1989 des fonctions d'enseignant en théologie et de théologien, relevant du système propre aux ministres du culte, la Camac/Cavimac, et était rémunéré sous forme de casuel, circonstances qui n'étaient pas de nature à exclure l'existence d'un lien de subordination et, partant, celle d'une relation de travail salarié, a violé les dispositions de l'article L. 1221-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1221-1 du code du travail :
4. Il résulte de ce texte que l'existence d'une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu'elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l'activité des travailleurs.
5. Selon la jurisprudence constante de la Cour (Soc., 13 novembre 1996, pourvoi n° 94-13.187, Bull. V n° 386), le lien de subordination est caractérisé par l'exécution d'un travail sous l'autorité d'un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d'en contrôler l'exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné.
6. La Cour de cassation juge que l'engagement religieux d'une personne n'est susceptible d'exclure l'existence d'un contrat de travail que pour les activités qu'elle accomplit pour le compte et au bénéfice d'une congrégation ou d'une association cultuelle légalement établie (Soc., 20 janvier 2010, pourvoi n° 08-42.207, Bull. 2010, V, n° 15).
7. Pour constater l'incompétence de la juridiction prud'homale pour connaître des demandes de M. [W], l'arrêt retient que l'intéressé exerçait pour l'association Société des habous et lieux saints de l'Islam, association « loi 1901 », des fonctions d'enseignant en théologie et de théologien relevant du système propre aux ministres du culte et des missions exclusivement religieuses, et que ces fonctions sont, en droit français, incompatibles avec une position salariée.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que l'association n'avait pas le statut d'association cultuelle et qu'il lui appartenait donc d'analyser concrètement les conditions effectives dans lesquelles M. [W] avait exercé son activité et de vérifier si celle-ci s'était exercée dans un lien de subordination avec l'association, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 23 juin 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne l'association Société des habous et lieux saints de l'Islam aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Société des habous et lieux saints de l'Islam et la condamne à payer à M. [W] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille vingt-quatre.