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19/06/2024 | FRANCE | N°42400300

France | France, Cour de cassation, Chambre commerciale, 19 juin 2024, 42400300


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


COMM.


FM






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 19 Juin 2024








Cassation sans renvoi




M. VIGNEAU, président






Arrêt n° 300 F-B


Pourvoi n° S 21-19.741








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 MAI 2024


La Société girondine de viandes en gros, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 21-...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

COMM.

FM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 Juin 2024

Cassation sans renvoi

M. VIGNEAU, président

Arrêt n° 300 F-B

Pourvoi n° S 21-19.741

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 29 MAI 2024

La Société girondine de viandes en gros, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 21-19.741 contre l'arrêt rendu le 15 juin 2021 par la cour d'appel de Bordeaux (4e chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ au directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1],

2°/ au receveur des impôts régional de la direction régionale des douanes et des droits indirects de [Localité 4], dont le siège est [Adresse 1],

3°/ au directeur général des douanes et droits indirects, dont le siège est [Adresse 2],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SAS Hannotin, avocat de la Société girondine de viandes en gros, de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat du directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 4], du receveur régional de la direction régionale des douanes et des droits indirects de [Localité 4] et du directeur général des douanes et droits indirects, après débats en l'audience publique du 3 avril 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 15 juin 2021) et les productions, le 22 juin 2017, l'administration des douanes a notifié à la société Société girondine de viande en gros (la société Sogivig) l'infraction, prévue à l'article 426, 4, du code des douanes, de manoeuvre ayant pour but ou pour effet d'obtenir, en tout ou partie, un droit réduit ou un avantage quelconque attachés à l'importation, concernant des importations de viande de volaille, effectuées entre le 19 juillet 2013 et le 1er avril 2016, sous le bénéfice de certificats d'importation délivrés par FranceAgriMer au titre des contingents tarifaires des groupes 5A et 5B.

2. Le 10 juillet 2017, l'administration des douanes a émis contre la société Sogivig un avis de mise en recouvrement (AMR) des droits de douane et de la taxe sur la valeur ajoutée à l'importation éludés.

3. Après le rejet de sa contestation, la société Sogivig a assigné l'administration des douanes en annulation de l'AMR.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et deuxième branches

Enoncé du moyen

4. La société Sogivig fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement ayant rejeté ses demandes, dit que les importations en cause ne pouvaient bénéficier d'un droit de douane réduit, dit qu'elle était redevable de droits de douane sur la marchandise importée pour un montant restant dû de 209 589 euros et de la taxe sur la valeur ajoutée pour un montant de 11 531 euros, alors :

« 1°/ qu'en présence d'un certificat ouvrant droit, pour son titulaire, à l'importation à droits réduits dans le cadre d'un contingent tarifaire décidé au niveau de l'Union européenne, certificat octroyé par FranceAgriMer, établissement public administratif spécialisé, l'administration des douanes ne dispose pas du pouvoir de remettre en cause cette taxation à taux réduit au motif que la délivrance du certificat n'aurait, selon elle, pas été justifiée en l'espèce ; que seule FranceAgriMer est compétente pour rapporter un certificat qui serait considéré comme ayant été obtenu de façon irrégulière, infondée ou abusive ; qu'au cas présent, la cour d'appel de Bordeaux a considéré que l'administration des douanes aurait "qualité pour remettre en cause l'autorisation accordée par FranceAgriMer" à la société Sogivig pour importer de la viande de volaille dans le cadre d'un contingent tarifaire au motif que, d'une part, "FranceAgriMer ne procède pas à un examen de fond mais opère juste un contrôle pour vérifier la conformité des pièces et la validité", d'autre part, l'administration des douanes aurait "compétence [...] pour recouvrer l'avantage financier indu" ; que le premier juge a directement remis en cause l'appréciation portée par FranceAgriMer sur la condition "d'antériorité" posée pour l'obtention des certificats auprès de FranceAgriMer ; qu'en statuant ainsi, cependant que, si l'administration des douanes dispose du pouvoir de tirer les conséquences pécuniaires de la remise en cause du certificat, cette remise en cause elle-même relève de la compétence exclusive de FranceAgriMer, la cour d'appel a violé l'article 4 du règlement (CE) n° 616/2007 du 4 juin 2007, l'annexe I au règlement d'exécution (UE) 2016/1239 du 18 mai 2016, l'article 3 du règlement (CE) n° 1301/2006 du 31 août 2006, l'article L. 621-3 du code rural, ensemble les principes de spécialité des établissements publics et de parallélisme des formes ;

2°/ que le contrôle opéré par FranceAgriMer pour l'octroi comme pour la révocation de certificats d'importation dans le cadre de contingents tarifaires, sur délégation de l'Union européenne, n'est pas un contrôle purement formel mais s'attache à la vérification que les conditions de fond d'attribution de l'avantage tarifaire sont bien remplies par le pétitionnaire ; qu'au cas présent, la cour d'appel de Bordeaux a retenu qu'une des raisons pour lesquelles les certificats délivrés par FranceAgriMer ne pourraient être dignes de foi, et les avantages obtenus sur leur fondement être directement remis en cause par l'administration des douanes sans discuter ni détruire lesdits certificats, tiendrait à ce que leur délivrance ne procéderait que d'un contrôle formel ; qu'en statuant ainsi, cependant que le contrôle opéré par FranceAgriMer dans le cadre de ses compétences déléguées par l'Union européenne n'est pas uniquement formel, la cour d'appel a violé l'article 4 du règlement (CE) n° 616/2007 du 4 juin 2007, les articles 3 et 5 du règlement (CE) n° 1301/2006 du 31 août 2006 et l'article L. 621-3 du code rural. »

Réponse de la Cour

5. Il résulte des articles L. 621-1, L. 621-3, 4°, et D. 621-4 du code rural et de la pêche maritime que l'établissement public administratif FranceAgriMer a pour mission de délivrer les certificats d'importation pour les produits agricoles prévus par la réglementation de l'Union.

6. Selon l'article 13, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 2913/92 du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) n° 648/2005 du 13 avril 2005, les autorités douanières peuvent effectuer, conformément aux conditions fixées par les dispositions en vigueur, tous les contrôles qu'elles jugent nécessaires pour garantir l'application correcte de la réglementation douanière et des autres dispositions législatives régissant l'entrée, la sortie, le transit, le transfert et la destination particulière des marchandises circulant entre le territoire douanier de la Communauté et les pays tiers.

7. Selon l'article 217, paragraphe 1, alinéa 1er, du même règlement, tout montant de droits à l'importation ou de droits à l'exportation qui résulte d'une dette douanière doit être calculé par les autorités douanières dès qu'elles disposent des éléments nécessaires et faire l'objet d'une inscription par lesdites autorités dans les registres comptables ou sur tout autre support qui en tient lieu.

8. En outre, aux termes de l'article 323, 1, du code des douanes, les infractions aux lois et règlements douaniers peuvent être constatées par un agent des douanes, ou de toute autre administration.

9. Il en résulte qu'en présence d'un certificat délivré par FranceAgriMer ouvrant droit, pour son titulaire, à l'application de droits à l'importation réduits, l'administration des douanes dispose du pouvoir de remettre en cause cette taxation à taux réduit au motif que la délivrance du certificat n'aurait, selon elle, pas été justifiée en l'espèce.

10. Le moyen, qui postule le contraire en sa première branche et qui est inopérant en sa deuxième branche en ce qu'il critique des motifs surabondants, n'est donc pas fondé.

Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche

Enoncé du moyen

11. La société Sogivig fait le même grief à l'arrêt, alors « que la remise en cause des certificats délivrés ne peut résulter que de deux situations : premièrement, celle dans laquelle les conditions de fond de l'obtention des certificats n'étaient pas remplies, deuxièmement, celle dans laquelle l'obtention desdits certificats résulterait d'un abus de droit ; qu'en ce qui concerne le premier cas, l'obtention des certificats est subordonnée à l'importation préalable par le pétitionnaire d'une certaine quantité de marchandises de type identique (ici de la viande de volaille) pendant une certaine période ; que l'octroi du certificat n'est pas subordonné à une qualité de "véritable importateur" qui serait appréciée par référence à autre chose qu'à cet historique ; qu'au cas présent, le juge du fond a retenu qu'il serait libre de définir la notion de "véritable importateur", à laquelle serait subordonné l'octroi, et donc la révocation, du certificat d'importation de viande de volaille, pour estimer que n'aurait pas eu cette qualité la société Sogivig "puisqu'elle n'endosse cette qualité [d'importateur] que durant le temps des opérations de dédouanement en vue de faire bénéficier Hapi Trading de ses propres certificats d'importation", de sorte qu'il s'agirait d'une "opération spéculative" ; qu'en statuant ainsi, cependant que la qualité de "véritable importateur" était définie par la réglementation par référence à un tonnage précis d'importation, et qu'elle ne pouvait dès lors être appréciée de manière prétorienne par référence au circuit dans lequel s'inscrivait l'importateur Sogivig, la cour d'appel a violé l'article 4 du règlement (CE) n° 616/2007 du 4 juin 2007, dans sa rédaction applicable en la cause, tel qu'interprété à la lumière du considérant 3 du règlement (UE) n° 257/2011 du 16 mars 2011 ayant modifié le règlement (CE) n° 616/2007 précité, ensemble les articles 3 et 5 du règlement (CE) n° 1301/2006 du 31 août 2006. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 5, alinéas 1 et 2, du règlement (CE) n° 1301/2006 du 31 août 2006 établissant des règles communes pour l'administration des contingents tarifaires d'importation pour les produits agricoles gérés par un système de certificats d'importation, et 4, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 616/2007 du 4 juin 2007 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires dans le secteur de la viande de volaille originaire de Brésil, Thaïlande et autres pays tiers, tel que modifié par le règlement d'exécution (UE) n° 302/2013 du 27 mars 2013 :

12. Selon le premier de ces textes, au moment de leur première demande portant sur une période de contingent tarifaire d'importation donnée, les demandeurs fournissent aux autorités compétentes de l'État membre où ils sont établis la demande de certificat d'importation, accompagnée de la preuve qu'au moment du dépôt de leur demande, ils ont exercé une activité dans les échanges avec les pays tiers de produits couverts par l'organisation commune des marchés concernée durant la période de douze mois précédant immédiatement le dépôt de cette demande et durant celle de douze mois précédant immédiatement la période précitée. La preuve des échanges depuis les pays tiers est apportée exclusivement au moyen du document douanier de mise en libre pratique, dûment visé par les autorités douanières et faisant référence au demandeur du certificat comme étant le destinataire.

13. Aux termes du second, aux fins de l'application du premier, en ce qui concerne les groupes 5A et 5B, le demandeur de droits d'importation, au moment de la présentation de sa première demande portant sur une année contingentaire donnée, fournit la preuve qu'il a importé, au cours de chacune des deux périodes visées à l'article 5 du règlement (CE) n° 1301/2006, au moins 250 tonnes de produits relevant de l'annexe I, partie XX, du règlement (CE) n° 1234/2007 ou de préparations relevant du code NC 0210 99 39.

14. Pour juger que la société Sogivig ne remplissait pas les conditions d'obtention des droits d'importation litigieux, l'arrêt énonce, par motifs propres et adoptés, que le pétitionnaire doit justifier non seulement d'une certaine antériorité et d'un certain volume d'échange, mais aussi, ainsi qu'il résulte du considérant 3 du règlement (UE) n° 257/2011 du 16 mars 2011 ayant modifié le règlement (CE) n° 616/2007 du 4 juin 2007, de la qualité de « véritable importateur » et que cette notion, qui n'est pas définie par le règlement, ne peut s'entendre que comme se rapportant à celui qui importe pour son propre compte en vue de vendre ou transformer les produits importés et en tirer un bénéfice. Il retient que tel n'est pas le cas de la société Sogivig, qui n'est propriétaire des marchandises que le temps de leur dédouanement et n'importe pas pour ses propres besoins.

15. En statuant ainsi, alors qu'il n'était pas contesté que la société Sogivig apparaissait sur les documents douaniers comme le destinataire des marchandises litigieuses, de sorte qu'elle respectait les conditions formelles prévues par la réglementation de l'Union pour obtenir les droits d'importation litigieux, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 juin 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Bordeaux ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris ;

Condamne le directeur général des douanes et droits indirects, le directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 4] et le receveur régional de la direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 4] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par le directeur général des douanes et droits indirects, le directeur régional des douanes et droits indirects de [Localité 4] et le receveur régional de la direction régionale des douanes et droits indirects de [Localité 4] et les condamne à payer à la Société girondine de viandes en Gros la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix-neuf juin deux mille vingt-quatre.


Synthèse
Formation : Chambre commerciale
Numéro d'arrêt : 42400300
Date de la décision : 19/06/2024
Sens de l'arrêt : Cassation sans renvoi

Analyses

DOUANES - Droits - Remboursement ou remise des droits à l'importation ou à l'exportation - Certificat délivré par FranceAgriMer ouvrant droit à l'application de droits à l'importation réduits - Remise en cause de cette taxation par l'administration des douanes - Conditions - Délivrance non justifiée

Il résulte des articles L. 621-1, L. 621-3, 4°, et D. 621-4 du code rural et de la pêche maritime, 13, § 1, et 217, § 1, alinéa 1, du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le règlement (CE) n° 648/2005 du Parlement européen et du Conseil du 13 avril 2005, et 323, 1, du code des douanes qu'en présence d'un certificat délivré par FranceAgriMer ouvrant droit, pour son titulaire, à l'application de droits à l'importation réduits, l'administration des douanes dispose du pouvoir de remettre en cause cette taxation à taux réduit au motif que la délivrance du certificat n'aurait, selon elle, pas été justifiée en l'espèce


Références :

Articles L. 621-1, L. 621-3, 4°, et D. 621-4 du code rural et de la pêche maritime

article 13, § 1, et 217, § 1, alinéa 1, du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire, tel que modifié par le
règlement (CE) n° 648/2005 du Parlement européen et du Conseil du 13 avril 2005

article 323, 1, du code des douanes.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Bordeaux, 15 juin 2021


Publications
Proposition de citation : Cass. Com., 19 jui. 2024, pourvoi n°42400300


Composition du Tribunal
Président : M. Vigneau
Avocat(s) : SAS Hannotin Avocats, SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret

Origine de la décision
Date de l'import : 23/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2024:42400300
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