LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
SH
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 septembre 2024
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 454 F-D
Pourvoi n° N 23-17.721
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 11 SEPTEMBRE 2024
1°/ M. [G] [V], domicilié [Adresse 1], [Localité 12],
2°/ Mme [C] [X], domiciliée [Adresse 8], [Localité 5],
ont formé le pourvoi n° N 23-17.721 contre les arrêts rendus les 20 avril 2023 et 15 juin 2023 par la cour d'appel de Bourges (chambre commerciale), dans le litige les opposant :
1°/ à la société [G] [I], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 10], [Localité 4], en la personne de M. [G] [I], pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société [G] [V], de M. [G] [V], de Mme [C] [X] et des sociétés de l'Annonciade [Localité 18], In Poculis, La Gabarre, [Localité 20], Poule Chien, La Pérouse et Le Chasselas,
2°/ à la caisse régionale de Crédit agricole mutuel Centre Loire (CRCAM), société coopérative à capital et personnel variables, dont le siège est [Adresse 16], [Localité 6],
3°/ à la Société générale, société anonyme, dont le siège est [Adresse 9], [Localité 14],
4°/ au Fonds commun de titrisation fct cedrus, dont le siège est [Adresse 13], [Localité 15], pris en la personne de M. [H], notaire, [Adresse 2] [Localité 17],
5°/ à M. le comptable du service des impôts des particuliers, dont le siège est [Adresse 7], [Localité 12],
6°/ au Centre de gestion et d'études AGS (CGEA AGS) d'[Localité 19], dont le siège est [Adresse 3], [Localité 11],
défenderesses à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Vallansan, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. [V] et de Mme [X], de la SARL Le Prado - Gilbert, avocat de la société [G] [I], ès qualités, après débats en l'audience publique du 11 juin 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Vallansan, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon les arrêts attaqués (Bourges, 20 avril 2023, rectifié le 15 juin 2023) et les productions, un jugement du 17 octobre 2017 a prononcé la résolution du plan de redressement qui avait été arrêté au profit de la société [G] [V], de M. [V] et de son épouse, Mme [X], ainsi que de plusieurs SCI, et a prononcé leur liquidation judiciaire. La société [I] a été désignée liquidateur.
2. Un jugement du 17 juillet 2020 a prononcé le divorce de M. [V] et Mme [X], mariés sous le régime de la communauté légale.
3. Le liquidateur a présenté au juge-commissaire une requête tendant à le voir autoriser à faire vendre un immeuble. M. [V] et Mme [X] ont soulevé l'irrecevabilité de la demande en soutenant que le bien immobilier, résidence principale de M. [V], était insaisissable.
Sur le moyen
Enoncé du moyen
4. M. [V] et Mme [X] font grief à l'arrêt de déclarer recevable la requête du liquidateur et d'ordonner la vente aux enchères de l'immeuble, alors « que l'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale reconnue à un époux placé en liquidation judiciaire fait obstacle à la licitation du bien, tant à la demande de ses propres créanciers qu'à la demande de ceux de son conjoint ; qu'il en résulte que le liquidateur de ce conjoint n'est pas recevable à demander la licitation du bien ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a elle-même constaté qu'il était constant que le bien immobilier acquis par M. [V] et Mme [X], constituant "la résidence principale de M. [V]", était "insaisissable dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire diligentée à l'égard de celui-ci" ; qu'il en résultait, ainsi que le faisaient valoir M. [V] et Mme [X], que "'insaisissabilité légale (...) fait que cet immeuble n'est pas concerné par l'effet réel de la procédure collective" de sorte que "les droits de Mme [X] sur cet immeuble n'entrent pas dans le domaine du dessaisissement de cette dernière" et que "le mandataire liquidateur ne peut donc exercer, en représentation des droits patrimoniaux de Mme [X], une quelconque action sur cet immeuble aux fins qu'il soit vendu dans le cadre de la liquidation judiciaire de cette dernière" ; qu'en retenant que "les droits de Mme [X] sur le bien immobilier litigieux ont été appréhendés par le gage commun de ses créanciers" de sorte que "la SCP [G] [I] peut en conséquence valablement poursuivre la licitation", la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article L. 526-1 du code de commerce dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015, ensemble l'article L. 641-9 du même code. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 526-1 du code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :
5. L'insaisissabilité de plein droit de la résidence principale de la personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel résultant de ce texte a effet, en application de l'article 206, IV, alinéa 1er, de cette loi, à l'égard de la procédure collective ouverte après la publication de la loi. Il en résulte, dans un tel cas, que le liquidateur ne peut demander au juge-commissaire d'ordonner la vente de l'immeuble devenu indivis et constituant la résidence principale de l'indivisaire en liquidation judiciaire.
6. Pour ordonner la vente des biens immobiliers, l'arrêt retient que l'insaisissabilité légale dont M. [V] peut prétendre bénéficier personnellement en application de l'article L. 526-1 du code de commerce ne peut s'opposer au principe de poursuite du paiement des dettes dont chaque époux est tenu sur les biens communs résultant des articles 1413 et suivants du code civil, les droits de Mme [X] sur le bien litigieux étant appréhendés par le gage commun de ses créanciers.
7. En statuant ainsi, alors que le liquidateur avait présenté sa requête en qualité de liquidateur, tant de Mme [X] que de M. [V], et que les droits indivis insaisissables détenus par M. [V] sur l'immeuble n'étaient pas entrés dans le gage commun des créanciers, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Orléans ;
Condamne la société [G] [I], ès qualités, de M. [V], de Mme [X], des sociétés La Gabarre, [Localité 20], Poule chien, La Pérouse et Le Chasselat, aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze septembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui-même et Mme Vaissette, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile,