LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 2 octobre 2024
Cassation
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 977 F-D
Pourvoi n° A 23-18.492
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 2 OCTOBRE 2024
La société Yan'services plus, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° A 23-18.492 contre l'arrêt rendu le 26 mai 2023 par la cour d'appel de Douai (chambre sociale, prud'hommes), dans le litige l'opposant à M. [X] [R], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Yan'services plus, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [R], après débats en l'audience publique du 4 septembre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, Mme Cavrois, conseiller, et Mme Thuillier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Douai, 26 mai 2023), M. [R] a été engagé en qualité de chauffeur par la société Yan'services plus, ayant pour activité le convoyage de véhicules industriels et particuliers, la location de véhicules et le transport public routier de marchandises, selon contrat à durée indéterminée du 16 juin 2014 à temps complet de 39 heures. Un avenant du 1er octobre 2014 a porté la durée hebdomadaire du travail à 43 heures.
2. Le 13 juin 2019, le salarié a démissionné.
3. Le 19 juillet 2019, le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en requalification de la démission en prise d'acte et en paiement d'heures supplémentaires non rémunérées.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
4. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de le condamner à payer au salarié certaines sommes au titre des heures supplémentaires non rémunérées de 2016 à 2019, outre congés payés afférents, de rappel de salaire au titre du repos compensateur, outre congés payés afférents, d'indemnité de licenciement, d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors « que la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; qu'un temps de trajet ou déplacement ne peut dès lors s'analyser en un temps de travail effectif que lorsque le salarié est tenu de se conformer aux directives de l'employeur sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles ; qu'en s'abstenant de caractériser que pendant les temps de déplacement litigieux, le salarié était tenu de se conformer aux directives de l'employeur sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 3121-1 du code du travail. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 3121-1 du code du travail :
5. Aux termes de ce texte, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles.
6. Pour condamner l'employeur au paiement d'un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, l'arrêt retient que les feuilles d'heures produites par le salarié sont renseignées conformément au règlement intérieur de l'entreprise, lequel comporte la définition de quatre périodes de temps : A : temps de conduite, B : période de transport (train, métro, taxi), C : période d'attente ou de mise à disposition, D : période de repos, coupure ou repas, qu'en l'espèce, doivent être qualifiées d'une part les temps de transport pour se rendre d'un lieu de convoyage à l'autre, et le temps d'attente dans les lieux de convoyage (rubriques B et C), que les rubriques A et D ne posent pas de difficultés puisque la première constitue du temps de travail effectif, dont doivent être exclus les temps de repos ou de coupure de la rubrique D.
7. L'arrêt ajoute, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 3121-4 du code du travail, que contrairement à ce qu'affirme l'employeur, le temps de trajet pour se rendre d'un lieu de travail à un autre lieu de travail, constitue un temps de travail effectif dès lors que le salarié reste à la disposition de l'employeur et ne peut vaquer à des occupations personnelles, puisqu'il se conforme à une directive de l'employeur en se rendant sur le lieu de travail suivant, qu'il s'agit d'un temps distinct de celui pour se rendre du domicile sur le lieu de travail et qu'il n'y a pas donc lieu de déduire les heures de temps de transport (rubrique C) figurant au décompte du salarié, qu'en revanche, le temps d'attente dans les locaux des clients ne constitue pas, en l'espèce, du temps de travail effectif dans la mesure où le salarié pouvait librement vaquer à ses obligations.
8. En se déterminant ainsi, alors que le salarié se bornait à soutenir que pendant les temps de déplacement en semaine, et en particulier pendant ses temps de trajets pour se rendre à l'hôtel afin d'y dormir, et en repartir, il était tenu de se conformer aux directives de l'employeur sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, la cour d'appel, qui n'a pas précisé les éléments sur lesquels elle se fondait pour retenir qu'il s'agissait uniquement de déplacements entre deux lieux de travail ni caractérisé en quoi, pendant ces temps de déplacement, le salarié était tenu de se conformer aux directives de l'employeur sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles, a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la
Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 26 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Douai autrement composée ;
Condamne M. [R] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du deux octobre deux mille vingt-quatre.