LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
CH9
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 23 octobre 2024
Cassation
Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1066 F-D
Pourvoi n° E 23-18.381
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 23 OCTOBRE 2024
M. [V] [B], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° E 23-18.381 contre l'arrêt rendu le 11 mai 2023 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à la société C2LV, enseigne Fitness Park Evreux, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Maitral, conseiller référendaire, les observations de la SARL Cabinet Rousseau et Tapie, avocat de M. [B], après débats en l'audience publique du 24 septembre 2024 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Maitral, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Pontonnier, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 11 mai 2023) et les productions, M. [B] a été engagé en qualité de manager sportif au mois de mai 2016 par la société C2LV exploitant une salle de sport sous l'enseigne Fitness Park Evreux.
2. Licencié pour faute grave le 13 mars 2020, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes au titre de la rupture de son contrat de travail.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
3. Le salarié fait grief à l'arrêt de dire que son licenciement était justifié par une faute grave et de le débouter de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, de l'indemnité de licenciement et du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire, alors « qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail ou se rattache à la vie professionnelle ; que pour dire le licenciement justifié par une faute grave et débouter le salarié de ses demandes, la cour d'appel a retenu qu'en participant à une séance d'entraînement au sein d'une salle de sport concurrente à celle de son employeur, en diffusant cette séance sur les réseaux sociaux, en assortissant cette diffusion de commentaires élogieux, le salarié avait gravement manqué à son obligation de loyauté ; qu'en statuant ainsi, cependant qu'il ne résulte pas de ces motifs que le salarié était soumis à une obligation particulière de loyauté, la cour d'appel a violé l'article 9 du code civil et les articles L. 1235-3, L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail, dans leur rédaction applicable en la cause. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 1121-1 du code du travail :
4. Il résulte de ce texte qu'un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire sauf s'il constitue un manquement de l'intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
5. Pour dire le licenciement justifié par une faute grave et débouter le salarié de ses demandes au titre de ses demandes subséquentes, l'arrêt retient qu'en participant à une séance d'entraînement au sein d'une salle de sport concurrente à celle de son employeur et en diffusant cette séance sur un réseau social, assortie de commentaires élogieux, le salarié a gravement manqué à son obligation de loyauté, de sorte que son comportement rendait impossible la poursuite du contrat de travail.
6. En statuant ainsi, alors que le fait pour un manager sportif de pratiquer une activité sportive dans une salle concurrente et de diffuser des images de son entraînement sur un réseau social, dans le cadre de sa vie personnelle, ne saurait être regardé comme une méconnaissance par l'intéressé de ses obligations découlant de son contrat de travail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Caen ;
Condamne la société C2LV aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société C2LV à payer à M. [B] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois octobre deux mille vingt-quatre.