LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
HM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 novembre 2024
Cassation partielle
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 613 F-D
Pourvoi n° A 23-18.814
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 6 NOVEMBRE 2024
La société La Banque Populaire du Sud, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 23-18.814 contre l'arrêt rendu le 23 mai 2023 par la cour d'appel de Montpellier (chambre commerciale), dans le litige l'opposant à M. [F] [U], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de la société La Banque Populaire du Sud, après débats en l'audience publique du 17 septembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 23 mai 2023), par un acte authentique du 26 septembre 2006, la société Cadau (la société) a acquis un fonds de commerce, pour un prix de 365 000 euros, financé au moyen de deux prêts consentis par la société Banque populaire du Sud (la banque) pour des montants de 275 000 euros et 25 000 euros.
2. Le 25 septembre 2006, M. [U] s'est rendu caution, en garantie du prêt de 275 000 euros, à hauteur de 137 500 euros.
3. Le 29 septembre 2006, M. [U] s'est rendu caution du prêt de 25 000 euros à hauteur de 32 500 euros.
4. Le 1er juillet 2010, M. [U] s'est rendu caution à hauteur de 26 000 euros, en garantie d'un prêt d'un montant de 20 000 euros consenti par la banque à la société le 19 juillet 2010.
5. Le 20 février 2012, M. [U] et son épouse, Mme [I], se sont rendus, chacun, caution des engagements de la société au titre d'un prêt à hauteur de 357 000 euros.
6. La société ayant été mise en redressement puis liquidation judiciaires, la banque a assigné en paiement M. [U], qui lui a opposé la disproportion manifeste de ses engagements à ses biens et revenus, sur le fondement de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable en la cause.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
7. La banque fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes formées à l'encontre de M. [U], alors « que la disproportion manifeste de l'engagement de la caution commune en biens s'apprécie tant au regard des biens propres et des revenus de la caution qu'au regard des biens communs, lesquels incluent les revenus du conjoint de la caution ; qu'en retenant, pour juger que l'engagement de caution de M. [U] du 20 février 2012 était manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus, que les revenus annuels de M. [U] s'élevaient à 24 447 euros et que son épouse n'avait pas expressément donné son accord à l'acte de cautionnement, la cour d'appel qui a ainsi refusé de prendre en compte les revenus communs de la caution, incluant les revenus de son épouse, a violé l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, applicable au litige. »
Réponse de la Cour
8. Il ne résulte ni de l'arrêt ni des conclusions de M. [U] que les époux [U] étaient communs en biens.
9. Le moyen est donc nouveau et, étant mélangé de fait et de droit, irrecevable.
Mais sur le moyen, pris en sa troisième branche
Enoncé du moyen
10. La banque fait le même grief à l'arrêt, alors « que si un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus, cette disproportion manifeste s'apprécie au regard non seulement des éléments de son patrimoine mais également de ses revenus, peu important que ces derniers aient ou non été déclarés par la caution dans la fiche de renseignements sollicitée par la banque avant la conclusion du cautionnement ; qu'en se bornant à retenir, pour juger que l'engagement de caution de M. [U] du 29 septembre 2006 était manifestement disproportionné à ses biens et revenus, qu'il avait déclaré, lors de son engagement, détenir une maison d'habitation évaluée à 300 000 euros, gagée à hauteur de 120 000 euros et sur laquelle existait un crédit en cours de 120 000 euros, et qu'il s'était déjà porté caution personnelle et solidaire à hauteur de 137 500 euros du prêt de 275 000 euros souscrit par la société Cadau le 26 septembre 2006, sans rechercher, comme elle y était pourtant invitée, si ce dernier ne disposait pas, en sus, de revenus d'un montant annuel de 13 466 euros ainsi que de revenus fonciers, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 341-4 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 14 mars 2016 :
11. Pour rejeter les demandes de la banque au titre du cautionnement du 29 septembre 2006, après avoir relevé, d'une part, que M. [U] avait rempli une « fiche de caution » le 14 avril 2006, dans laquelle il avait déclaré, au titre de son patrimoine immobilier, une maison d'habitation, dont il avait évalué la valeur à 300 000 euros, acquise à l'aide d'un prêt de 120 000 euros, grevé d'un « gage » à hauteur de cette même somme, d'autre part, qu'il s'était rendu caution, le 25 septembre 2006, à hauteur de 137 500 euros, l'arrêt retient que l'engagement de caution était manifestement disproportionné par rapport à ses biens et revenus.
12. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si M. [U] ne disposait pas, en sus de sa maison d'habitation, de revenus d'un montant annuel de 13 466 euros ainsi que de revenus fonciers, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette les demandes de la société Banque populaire du Sud contre M. [U] au titre de ses engagements de caution des 29 septembre 2006 et 20 février 2012, l'arrêt rendu le 23 mai 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Nîmes ;
Condamne M. [U] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. [U] à payer à la société Banque populaire du Sud la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre, et signé par lui, le conseiller rapporteur et Mme Labat, greffier, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.