LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
SOC.
JL10
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 6 novembre 2024
Rejet
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 1113 F-D
Pourvoi n° V 23-16.164
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 6 NOVEMBRE 2024
La société Sanofi Pasteur, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 23-16.164 contre l'arrêt rendu le 4 mai 2023 par la cour d'appel de Rouen (chambre sociale et des affaires de sécurité sociale), dans le litige l'opposant à M. [W] [C], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Sanofi Pasteur, de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [C], après débats en l'audience publique du 2 octobre 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rouen, 4 mai 2023), M. [C] a été mis à la disposition de la société Sanofi Pasteur en qualité d'opérateur de production suivant plusieurs contrats de mission entre le 14 avril 2020 et le 15 juin 2021.
2. Le 6 mai 2021, le salarié a saisi la juridiction prud'homale d'une demande en requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée et en paiement de rappel de salaire et d'indemnités.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. L'employeur fait grief à l'arrêt de prononcer la requalification de la relation contractuelle en contrat à durée indéterminée à effet au 14 avril 2020 et de le condamner à payer au salarié une certaine somme à titre d'indemnité de requalification, alors :
« 1°/ que le caractère saisonnier d'un emploi concerne des tâches normalement appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ; que le salarié doit être affecté à l'accomplissement de tâches à caractère saisonnier ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté d'une part, que M. [C] était exclusivement affecté à l'étape initiale de fabrication Vrac du vaccin contre la grippe et d'autre part, qu'il ne pouvait être contesté que la fabrication du vaccin contre la grippe était saisonnière, en ce qu'à chaque hiver de l'hémisphère Nord et Sud, l'Organisation mondiale de la santé définissait les souches devant constituer le vaccin avec une modification bi-annuelle des souches de vaccin ; qu'en retenant néanmoins que n'était pas en cause un emploi à caractère saisonnier alors qu'il résultait de ses constatations que la fabrication du vaccin contre la grippe était saisonnière, correspondant ainsi à des tâches appelées à se répéter chaque année à des dates à peu près fixes en fonction de critères indépendants de la volonté de l'employeur et que M. [C] était uniquement affecté à la fabrication dudit vaccin, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé l'article L. 1251-6 3° du code du travail ;
2°/ qu'en outre, en affirmant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que l'activité de production et de commercialisation du vaccin contre la grippe s'exerçait tout au long de l'année de sorte que l'emploi de M. [C] était lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, cependant qu'il ne résultait ni des énonciations de l'arrêt, ni des écritures de M. [C] que celui-ci avait soutenu un tel moyen, ce dernier se bornant à affirmer que la circonstance que la fabrication du vaccin Vrac puisse s'étaler sur près de huit mois avec une cessation complète d'activité pendant quatre mois empêchait de considérer qu'était en cause un emploi saisonnier, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
3°/ qu'à tout le moins, le juge doit en toutes circonstances faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; qu'en retenant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que l'activité de production et de commercialisation du vaccin contre la grippe s'exerçait tout au long de l'année de sorte que l'emploi de M. [C] était lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, cependant qu'il ne résultait ni des énonciations de l'arrêt, ni des écritures de M. [C] que celui-ci avait soutenu un tel moyen, ce dernier se bornant à affirmer que la circonstance que la fabrication du vaccin Vrac puisse s'étaler sur près de huit mois avec une cessation complète d'activité pendant quatre mois empêchait de considérer qu'était en cause un emploi saisonnier, la cour d'appel, qui a soulevé ce moyen d'office sans mettre les parties en mesure d'en débattre contradictoirement, a violé l'article 16 du code de procédure civile ;
4°/ qu'en toute hypothèse, le fait qu'une société spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de vaccins ait une activité normale et permanente n'exclut pas le recours aux contrats de travail saisonniers dès lors que la fabrication de l'un des vaccins est saisonnière et que le salarié est exclusivement affecté à la fabrication de celui-ci ; qu'en l'espèce, en retenant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que l'activité de production et de commercialisation du vaccin contre la grippe s'exerçait tout au long de l'année de sorte que l'emploi de M. [C] était lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, après avoir pourtant relevé que M. [C] était exclusivement affecté à l'étape initiale de fabrication Vrac du vaccin contre la grippe et d'autre part, qu'il ne pouvait être contesté que la fabrication du vaccin contre la grippe était saisonnière, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant a violé l'article L. 1251-6 3° du code du travail ;
5°/ qu'au surplus, en retenant, pour se déterminer comme elle l'a fait, que l'activité de production et de commercialisation du vaccin contre la grippe s'exerçait tout au long de l'année de sorte que l'emploi de M. [C] était lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise après avoir pourtant relevé que M. [C] était exclusivement affecté à l'étape initiale de fabrication Vrac du vaccin contre la grippe et en aucun cas au processus entier de fabrication et à sa commercialisation, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a derechef, violé l'article L. 1251-6 3° du code du travail ;
6°/ qu'encore, dans ses écritures, la société Sanofi Pasteur avait démontré, sans être contestée et pièces à l'appui, que chaque étape de la production d'un vaccin allant de l'atelier vrac à l'atelier mirage, répartition puis conditionnement faisait l'objet d'une formation spécifique et que la permutabilité sur ces postes n'était pas envisageable ; qu'en affirmant, pour statuer comme elle l'a fait, que l'activité de production et de commercialisation du vaccin contre la grippe s'exerçait tout au long de l'année sans s'expliquer sur les écritures de la société dont il ressortait que M. [C], lorsque l'étape saisonnière de fabrication en Vrac n'était pas en activité, ne pouvait être affecté à un autre poste de sorte que son emploi, exclusivement affecté à l'étape Vrac, avait nécessairement un caractère saisonnier, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 1251-6 3° du code du travail ;
7°/ que par ailleurs, en affirmant qu'il résultait du graphique établi par la société Sanofi Pasteur que l'étape initiale de production ''Vrac-Formulation'' constituait une activité quasi-ininterrompue à l'exception d'une courte suspension entre la fin du mois de décembre et la mi-janvier, quand il résultait pourtant précisément de ce graphique, qu'outre la période allant de mi-décembre à mi-janvier, l'activité était totalement interrompue de mi-juin à mi-septembre, la cour d'appel, qui a dénaturé cette pièce déterminante, a violé le principe suivant lequel il est interdit au juge de dénaturer l'écrit ;
8°/ que de plus fort, dans ses écritures et tel que la société Sanofi Pasteur n'avait pas manqué de le faire valoir, M. [C] reconnaissait lui-même qu'il résultait du graphique établi par la société que la durée de fabrication du vaccin contre la grippe était en moyenne de huit mois avec une fermeture totale du service le reste du temps ; qu'en retenant que l'activité de fabrication initiale du vaccin contre la grippe à laquelle était affecté M. [C] était quasi-ininterrompue sur l'année avec une seule courte suspension entre la fin du mois de décembre et de la mi-janvier, la cour d'appel, qui a dénaturé les termes du litige, a violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile ;
9°/ qu'enfin, en affirmant que l'analyse suivant laquelle était en cause une activité normale et permanente de l'entreprise était confirmée par la durée du contrat initial de M. [C] qui n'était pas prévue pour la durée de la saison, la cour d'appel, qui a statué par un motif inopérant, a derechef violé l'article L. 1251-6 3° du code du travail. »
Réponse de la Cour
4. Ayant énoncé, à bon droit, qu'il incombait à l'entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé au contrat de mission et, appréciant souverainement, sans dénaturation, les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, constaté que la production du vaccin contre la grippe représentait 30 à 35 % de l'activité de l'entreprise utilisatrice et que l'étape de fabrication des souches de ce vaccin, à laquelle le salarié était affecté en qualité d'opérateur production « vrac », avait une durée quasiment interrompue, chaque année, de septembre à juin à l'exception d'une courte période de suspension entre la fin décembre et la mi-janvier, le site de production étant fermé entre la fin du mois de juin et le début du mois de septembre, la cour d'appel, qui, abstraction faite de motifs surabondants, a retenu que le salarié, employé suivant plusieurs contrats de mission entre le 14 avril 2020 et le 15 juin 2021, occupait un emploi correspondant à l'activité normale et permanente de l'entreprise, a pu, sans méconnaître les termes du litige ni le principe de la contradiction, en déduire que la requalification de la relation de travail en un contrat à durée indéterminée devait être ordonnée à compter du premier contrat de mission irrégulier.
5. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Sanofi Pasteur aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Sanofi Pasteur et la condamne à payer à M. [C] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du six novembre deux mille vingt-quatre.