LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° S 23-86.656 F-D
N° 01527
SL2
17 DÉCEMBRE 2024
REJET
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 17 DÉCEMBRE 2024
M. [M] [V] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-13, en date du 30 novembre 2022, qui a déclaré irrecevable sa requête en révision de condamnation civile.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Goanvic, conseiller, les observations de la SCP Lesourd, avocat de M. [M] [V], les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société [1], et les conclusions de M. Aubert, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 19 novembre 2024 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Goanvic, conseiller rapporteur, M. Sottet, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Déclaré coupable le 24 mai 2000 des chefs d'abus de biens sociaux et abus du crédit social, M. [M] [V] a été condamné sur intérêts civils, par arrêt du 21 novembre 2002, à payer diverses sommes à la société [1].
3. Le 22 juillet 2022, M. [V] a saisi la Cour de révision et de réexamen d'une requête en révision de l'arrêt susmentionné, sur le fondement de l'article 622 du code de procédure pénale. Cette requête a été déclarée irrecevable par ordonnance du 24 août 2022 de la commission d'instruction de ladite Cour.
4.Le 26 juillet suivant, Il a déposé une requête aux mêmes fins, sur le fondement des articles 595 et suivants du code de procédure civile, devant la chambre des appels correctionnels de la cour d'appel.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré irrecevable la requête de M. [V] aux fins de révision des condamnations civiles prononcées à son encontre par la cour d'appel de Paris par arrêt du 21 novembre 2002, amodié par arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 2004, portant la somme totale à payer à 29 103 765,08 euros, alors :
« 1°/ que les dispositions de l'article 622 du code de procédure pénale sont contraires à la Constitution et notamment aux articles 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui fondent les principes à valeur constitutionnelle de libre accès au juge et d'égalité, en ce qu'elles n'ouvrent pas aux justiciables la possibilité d'un recours en révision des décisions civiles définitives rendues par les juridictions répressives selon des modalités propres ou par renvoi aux dispositions du code de procédure civile, qu'une jurisprudence constante déclare inapplicables devant le juridictions pénales en raison de leur caractère réglementaire, alors même que ces mêmes justiciables disposeraient d'un tel recours si ces décisions avaient été rendues par une juridiction civile ; que la déclaration d'inconstitutionnalité du texte précité, qui sera prononcée après renvoi de la question prioritaire de constitutionnalité posée par écrit distinct et motivé au Conseil constitutionnel, privera l'arrêt attaqué de tout fondement juridique ;
2°/ que le recours en révision prévu par les articles 593 et suivants du code de procédure civile est ouvert à l'encontre de toutes les décisions des juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière civile, ce qui inclut les décisions rendues par une juridiction pénale se prononçant sur les intérêts civils ; qu'en jugeant néanmoins irrecevable le recours en révision formé par M. [V] fondé sur les articles 593 et suivants du code de procédure civile et visant à obtenir la révision de sa condamnation à payer des intérêts civils, en ce que ces articles du code de procédure civile ne pouvaient s'appliquer devant les juridictions répressives, la cour d'appel a violé les articles 595 et 749 du code de procédure civile, ensemble les articles 6, § 1, et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
3°/ que le droit à un recours juridictionnel effectif et les principes d'égalité des citoyens devant la loi et de non-discrimination, commandent que le condamné civilement par une juridiction répressive se voie offrir une voie de recours en révision de cette condamnation, de la même manière que celui qui serait condamné à payer des intérêts civils en raison des mêmes infractions par une juridiction civile ; qu'en jugeant irrecevable le recours en révision fondé sur les articles 593 et suivants du code de procédure civile, au motif que cette voie de recours n'a pas été spécifiquement prévue par la législation, la cour d'appel a violé les articles 6, § 1, et 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. »
Réponse de la Cour
6. Pour déclarer irrecevable la requête, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé que le recours en révision est fondé sur la notion de fraude, à laquelle se serait livrée la société [1] pour obtenir les dommages et intérêts auxquels l'intéressé a été condamné, énonce que les dispositions des articles 595 et suivants du code de procédure civile sont inapplicables en matière pénale.
7. En statuant ainsi, la cour d'appel n'a méconnu aucun des textes visés au moyen, pour les motifs qui suivent.
8. En premier lieu, la question prioritaire de constitutionnalité relative à l'article 622 du code de procédure pénale ayant été déclarée non applicable au litige, le grief tiré de l'inconstitutionnalité de ces dispositions est devenu sans objet.
9. En deuxième lieu, les recours ordinaires ou extraordinaires à l'encontre des décisions du juge pénal, y compris lorsque ce dernier statue sur l'action civile accessoire à l'action publique, relèvent de la procédure pénale, donc de la loi, et ne peuvent être prévus et organisés, en l'absence de renvoi législatif, par des dispositions de nature réglementaire telles que l'article 593 du code de procédure civile.
10. En troisième lieu, d'une part, le droit à un recours juridictionnel effectif ne s'applique pas à une décision devenue définitive, d'autre part, les justiciables ne se trouvent pas dans des situations analogues selon que l'action civile est exercée accessoirement à l'action publique ou de manière autonome.
11. Dès lors, le moyen doit être écarté.
12. Par ailleurs, l'arrêt est régulier en la forme.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
FIXE à 2 500 euros la somme que M. [V] devra payer à la société [1] en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du dix-sept décembre deux mille vingt-quatre.