LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 5 février 2025
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 57 F-B
Pourvoi n° F 23-16.749
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 5 FÉVRIER 2025
La société Thelia, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4], exerçant sous l'enseigne Super U, venant aux droits de la société Expan [Localité 3], a formé le pourvoi n° F 23-16.749 contre l'arrêt rendu le 9 mars 2023 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à la société Locam-location automobiles matériels, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2],
2°/ à la société [U] [S], société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de Mme [U] [N], pris en qualité de mandataire ad hoc de la société Home master led,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Guillou, conseiller, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de la société Thelia, venant aux droits de la société Expan [Localité 3], de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société Locam-location automobiles matériels, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Guillou, conseiller rapporteur, Mme Schmidt, conseiller doyen, et Mme Sezer, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Lyon, 9 mars 2023), le 26 juin 2014, la société Expan [Localité 3], a conclu avec la société Locam-location automobiles matériels (la société Locam) un contrat de crédit-bail portant sur du matériel d'éclairage destiné à réaliser des économises d'énergie, fournis et installés par la société Home master led. Le même jour, la société Expan [Localité 3] a conclu avec la société Home master led un contrat intitulé « contrat d'éclairage économique. Garanties maintenance et service » d'une durée de dix ans.
2. La société Home master led a été mise en redressement puis liquidation judiciaires les 26 avril et 21 novembre 2017. Par une ordonnance du 21 mars 2019, le juge-commissaire a constaté la résiliation du contrat conclu avec la société Expan [Localité 3] à la date du 21 novembre 2017.
3. Le 14 juin 2019, soutenant que les contrats de crédit-bail et de maintenance étaient interdépendants, la société Expan [Localité 3], aux droits de laquelle vient la société Thelia, a assigné la société Locam et le liquidateur de la société Home master led pour voir constater la caducité du contrat de crédit-bail et obtenir le remboursement de loyers.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce grief qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Mais sur le moyen, pris en sa deuxième branche
Enoncé du moyen
La société Thélia fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes, alors « que le juge ne peut modifier les termes du litige, tels qu'il résultent des conclusions des parties ; qu'en l'espèce, les parties s'accordaient sur l'existence d'un contrat de maintenance ayant lié les sociétés Expan [Localité 3], aux droits de laquelle est venue la société Thelia, et Home Master Led ; qu'en jugeant pourtant que l'existence de ce contrat de maintenance n'était pas établie, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation de l'article 4 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 4 du code de procédure civile :
5. Selon ce texte, l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.
6. Pour statuer comme il fait, l'arrêt retient que la société Thelia ne justifie pas de l'existence d'un contrat de maintenance passé avec la société Home Master Led et reste taisante sur les modalités contractuelles, que le bon de commande correspondant à la fourniture, installation et mise en service du matériel prévoit dans l'article 4 de ses conditions générales que la maintenance est assurée par la société Home master led, mais aussi qu'elle fera l'objet d'un contrat additionnel dissocié du contrat de fourniture du matériel. L'arrêt retient enfin qu'il n'est pas démontré que la société Home master led se soit engagée à assurer la maintenance de l'équipement.
7. En statuant ainsi, alors qu'aucune des parties ne contestait l'existence d'un contrat de maintenance, la cour d'appel, qui a modifié l'objet du litige, a violé le texte susvisé.
Et sur le moyen, pris en sa quatrième branche
Enoncé du moyen
8. La société Thelia fait le même grief à l'arrêt, alors « que, lorsque l'exécution de deux contrats s'inscrit dans la réalisation d'une même opération et que l'un d'eux disparaît, l'autre est caduc si l'exécution du contrat disparu était une condition déterminante du consentement d'une partie ; qu'en se bornant à énoncer que la société Thelia ne prouvait pas le défaut de fonctionnement des équipements loués, qu'elle ne prétendait pas avoir été privée de leur usage, ni qu'elle avait dû les remplacer en faisant le cas échéant appel à une entreprise tierce, sans rechercher si, comme cela était soutenu, l'exécution du contrat de maintenance n'avait pas été une condition déterminante du consentement de la société Expan [Localité 3] au contrat de location avec option d'achat conclu avec la société Locam, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des 1134 et 1184 du code civil, dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2016 131 du 10 février 2016. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 :
9. Il résulte de ce texte que lorsqu'un contrat de crédit-bail et un contrat de maintenance sont interdépendants, la résiliation du second entraîne, à la date à laquelle elle produit ses effets, la caducité du premier.
10. Pour rejeter les demandes de la société Thelia, l'arrêt retient qu'à supposer même que la société Home master led se soit engagée à assurer la maintenance du matériel loué, la société Thelia n'apporte aucun élément de nature à caractériser le défaut de fonctionnement des équipements loués et ne prétend pas avoir été privée de leur usage ni avoir dû les faire remplacer par une entreprise tierce, et en déduit que l'interdépendance contractuelle ne concerne que le bon de commande du matériel et le contrat de crédit-bail.
11. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui était demandé, si le contrat de crédit-bail, destiné à financer du matériel « d'économiseur d'énergie » n'avait pas été souscrit en considération de la conclusion du contrat de maintenance et service, en exécution duquel la société Home master led devait notamment entretenir et garantir du matériel permettant de réaliser des économies d'énergies qu'elle garantissait à hauteur de 27 731 euros par an, et si, dès lors, la résiliation du second ne devait pas entraîner, à sa date, la caducité du premier, le crédit-preneur cessant, dans ce cas, d'être tenu au paiement des loyers et les clauses prévues en cas de résiliation du contrat se trouvant inapplicables, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le dernier grief, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 9 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Lyon ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne la société Locam-location automobiles matériels aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Locam-location automobiles matériels et la condamne à payer à la société Thelia, venant aux droits de la société Expan [Localité 3], la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé en l'audience publique du cinq février deux mille vingt-cinq et signé par Mme Schmidt , conseiller doyen en ayant délibéré, en remplacement de M. Vigneau président, empêché, le conseiller rapporteur et le greffier de chambre aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.