LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
MB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 mars 2025
Cassation
M. VIGNEAU, président
Arrêt n° 91 F-B
Pourvoi n° Y 23-16.949
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 MARS 2025
La commune de [Localité 2], dont le siège est [Adresse 3], représentée par son maire en exercice, a formé le pourvoi n° Y 23-16.949 contre l'arrêt rendu le 28 février 2023 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Animalis, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.
La société Animalis a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, deux moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l'appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Tostain, conseiller référendaire, les observations de la SAS Boulloche, Colin, Stocletet Associés, avocat de la commune de [Localité 2], représentée par son maire en exercice, de la SARL Meier-Bourdeau, Lécuyer et associés, avocat de la société Animalis, et l'avis de M. Lecaroz, avocat général, après débats en l'audience publique du 17 décembre 2024 où étaient présents M. Vigneau, président, Mme Tostain, conseiller référendaire rapporteur, M. Ponsot, conseiller doyen, et Mme Bendjebbour, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 28 février 2023), le 31 décembre 2016, la commune de [Localité 2] a émis contre la société Animalis deux titres de recette pour le recouvrement de la taxe locale sur la publicité extérieure (TLPE) des années 2014 et 2015.
2. Soutenant que la procédure d'imposition était irrégulière et la superficie taxable surévaluée, la société Animalis a assigné la commune de [Localité 2] en annulation des titres de recette et en décharge totale des taxes réclamées.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
3. La commune de [Localité 2] fait grief à l'arrêt d'annuler le titre de recette n° T3682 délivré le 31 décembre 2016 contre la société Animalis pour un montant de 22 070,70 euros en recouvrement de la TLPE de l'année 2014 et d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné cette société à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que la nullité d'un titre de recette ne peut être prononcée que si elle est prévue par un texte ; que les articles R. 2333-14 et R. 2333-15 du code général des collectivités territoriales relatifs au recouvrement de la taxe locale pour la publicité extérieure sanctionnent par la nullité, en premier lieu, la proposition de rectification ne mentionnant pas les droits résultant des rectifications, les voies et délais de recours ouverts au redevable ainsi que la faculté pour lui de se faire assister d'un conseil de son choix pour discuter la proposition ou pour y répondre, en deuxième lieu, la lettre du maire faisant connaître sa position définitive ne mentionnant pas les droits résultant des rectifications ainsi que les voies et délais de recours juridictionnels, en troisième lieu, l'avis de taxation d'office n'indiquant pas les droits résultant des rectifications, les voies et délais de recours ouverts au redevable ainsi que la faculté pour lui de se faire assister d'un conseil de son choix pour présenter ses observations ; que pour prononcer l'annulation du titre de recettes n° T3682 en recouvrement de la TLPE de l'année 2014, la cour d'appel a retenu que la commune avait, par un courrier du 31 octobre 2016, informé la société Animalis qu'après avoir pris connaissance de sa réclamation, elle admettait une erreur sur la superficie d'assiette de l'imposition et entendait reprendre la procédure de recouvrement, qu'elle faisait ainsi nécessairement référence à un courrier de réclamation adressé le 7 août 2015 après que la commune eut décidé de raviver cette procédure de recouvrement à l'occasion de laquelle un avis des sommes à payer avait été émis avec un avis à tiers détenteur puis l'eut abandonné, que la commune ne disconvenait pas de l'existence d'un délai de près de quinze mois s'étant ainsi écoulé sans aucun événement entre les dates du 7 août 2015 et du 19 ou du 31 octobre 2016 et que la commune n'avait, de ce fait, pas respecté son obligation de faire connaître sa position définitive et dûment motivée dans le délai de quinzaine avec mention motivée à peine de nullité notamment des droits résultant des rectifications, que ce soit en application des dispositions précitées de l'article R. 2333-14, alinéa 5, en cas de validité de la substitution de la procédure dialoguée à la procédure de taxation d'office ou en application des dispositions de l'article R. 2333-15, alinéa 5, concernant la procédure de taxation d'office ; qu'en se prononçant ainsi par des motifs impropres à justifier l'annulation du titre de recette litigieux, aucune disposition ne prévoyant que le non-respect du délai de quinze jours entre la présentation de ses observations par le redevable et la réponse du maire donnant sa réponse définitive emporte la nullité, elle a violé les articles L. 2333-14, R. 2333-14 et R. 2333-15 du code général des collectivités territoriales. »
Réponse de la Cour
Vu les articles R. 2333-14, alinéa 5, et R. 2333-15, alinéa 5, du code général des collectivités territoriales :
4. Selon le premier de ces textes, lorsque le redevable de la taxe locale sur la publicité extérieure a produit des observations à la suite de la notification de la proposition de rectification et que le désaccord persiste sur cette proposition, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale fait connaître sa position définitive par une réponse dûment motivée et notifiée dans les quinze jours suivant la réception des observations du redevable.
5. Selon le second, lorsque l'exploitant du support publicitaire présente des observations à la suite de la notification de l'avis de taxation d'office, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale fait connaître sa position définitive par une réponse dûment motivée et notifiée dans les quinze jours suivant la réception des observations de l'exploitant.
6. Toutefois, le non-respect du délai de quinze jours prévu à ces textes demeure sans conséquence sur le bien-fondé de la taxation s'il est établi que le contribuable n'a été privé d'aucune garantie.
7. Pour prononcer l'annulation du titre de recette émis contre la société Animalis en recouvrement de la TLPE de l'année 2014, l'arrêt, après avoir relevé que cette société avait produit des observations le 7 août 2015 et que le maire de la commune de [Localité 2] n'y avait répondu que le 31 octobre 2016, retient que ce dernier n'a pas respecté son obligation de faire connaître sa position définitive et dûment motivée dans le délai de quinzaine prévu aux articles R. 2333-14, alinéa 5, et R. 2333-15, alinéa 5, du code général des collectivités territoriales.
8. En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il lui incombait, si l'irrégularité qu'elle avait constatée avait privé la société Animalis d'une garantie, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.
Et sur le second moyen du pourvoi principal
Enoncé du moyen
9. La commune de [Localité 2] fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la société Animalis tendant à l'annulation du titre n° T3681 délivré en recouvrement de la TLPE de l'année 2015 sauf en ce qui concerne la superficie totale taxable, de dire que cette superficie doit être ramenée de 181,50 m² à 88,50 m², et d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Animalis à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, alors « que la TLPE est assise sur la superficie exploitée du support, hors encadrement, et que la superficie taxable est celle du support utilisable, peu important que les inscriptions, formes ou images y figurant n'en occupent pas tout l'espace ; que pour réduire à 88,50 m² la superficie taxable, la cour d'appel a retenu que la détermination des surfaces réellement taxables relève au cas par cas du pouvoir souverain d'appréciation du juge du fond, qu'en l'espèce, la prise en compte de la totalité de la superficie de la partie supérieure de la façade du bâtiment était abusive dans la mesure où les intitulés "Animalis" et "les animaux à vivre et à aimer" et les dessins d'animaux étaient disséminés et ne couvraient pas la totalité de la façade litigieuse, que, de même, les dessins d'animaux ne couvraient pas toute la surface du totem dressé à l'entrée du parking du magasin, et qu'il y avait lieu de retenir la contre-proposition faite par la société Animalis consistant à retenir l'aire de la forme géométrique passant par les points extrêmes de la figure ou dans laquelle s'inscrit chaque surface découpée, en excluant de la taxation tous les espaces vierges intermédiaires ; qu'en se prononçant ainsi, elle a violé l'article L. 2333-7 du code général des collectivités territoriales. »
Réponse de la Cour
Recevabilité du moyen
10. La société Animalis conteste la recevabilité du moyen. Elle soutient qu'il est contraire aux écritures d'appel de la commune de [Localité 2].
11. Cependant, dans ses conclusions d'appel, la commune de [Localité 2] soutenait que la superficie taxable comprenait la totalité de la surface du panneau publicitaire et devait en conséquence être fixée à 181,50 m².
12. Le moyen est donc recevable.
Bien-fondé du moyen
Vu les articles L. 2333-7 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2014-1335 du 6 novembre 2014, et L. 581-3 du code de l'environnement :
13. Il résulte de la combinaison de ces textes que la superficie taxable est celle du support utilisable, peu important que les inscription, forme ou image y figurant n'en occupent pas tout l'espace.
14. Pour réduire la superficie taxable au titre de la TLPE de l'année 2015, l'arrêt retient la contre-proposition de la société Animalis qui exclut de la taxation tous les espaces vierges intermédiaires des supports publicitaires en cause.
15. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur le pourvoi incident, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 février 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Bourges ;
Condamne la société Animalis aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Animalis et la condamne à payer à la commune de [Localité 2] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq, et M. Doyen, greffier de chambre, qui a assité au prononcé de l'arrêt, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.