LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
COMM.
FM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 12 mars 2025
Cassation partielle sans renvoi
M. PONSOT,
conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 133 F-D
Pourvoi n° C 23-19.483
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 12 MARS 2025
M. [T] [M], domicilié [Adresse 4], a formé le pourvoi n° C 23-19.483 contre l'arrêt rendu le 7 juin 2023 par la cour d'appel d'Orléans (chambre des urgences), dans le litige l'opposant :
1°/ à Mme [D] [F], domiciliée [Adresse 1],
2°/ à Mme [C] [U], domiciliée [Adresse 4],
3°/ à Mme [O] [K], domiciliée [Adresse 2], en qualité de mandataire judiciaire à la protection des majeurs, tutrice de [C] [U], veuve [M],
4°/ au GAEC de [Adresse 3], groupement agricole d'exploitation en commun, dont le siège est [Adresse 3], en la personne de M. [H] [E], pris en qualité de liquidateur,
défendeurs à la cassation.
Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme de Lacaussade, conseiller, les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de M. [M], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de Mme [F], après débats en l'audience publique du 21 janvier 2025 où étaient présents M. Ponsot, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme de Lacaussade, conseiller rapporteur, Mme Graff-Daudret, conseiller, et M. Doyen, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Orléans, 7 juin 2023), [N] [M], Mme [U], son épouse et leur fils, M. [T] [M], ont constitué un groupement agricole d'exploitation en commun (GAEC), dont ils ont, tous trois, été nommés gérants.
2. Le GAEC a été dissous par la survenance du terme statutaire, le 30 août 2014, les opérations de liquidation étant reportées au 30 juin 2016.
3. Le 29 janvier 2017, [N] [M] est décédé, en laissant pour lui succéder Mme [U] et leurs deux enfants, Mme [D] [M] épouse [F] (Mme [F]) et M. [T] [M].
4. Par ordonnance du 13 juillet 2017, M. [E], mandataire judiciaire, a été désigné en qualité de liquidateur du GAEC.
5. Mme [F] a assigné Mme [U] et M. [T] [M] afin d'être désignée mandataire commun de l'indivision constituée des parts sociales appartenant à [N] [M] avant son décès avec pour mission de représenter les indivisaires dans l'exercice de leur droit de vote ainsi que des autres droits dont ils sont titulaires en leur qualité d'associés indivisaires.
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa première branche
Enoncé du moyen
6. M. [T] [M] fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir qu'il a opposée à la demande de Mme [F] et de la désigner en qualité de mandataire commun habilité à représenter les copropriétaires des parts sociales du GAEC devenues indivises à la suite du décès de [N] [M], avec notamment pour mission de représenter les indivisaires dans l'exercice de leur droit de vote ainsi que dans l'exercice des autres droits dont ils sont titulaires, alors « que l'héritier de parts sociales, qui n'a pas été agréé selon la procédure prévue par les statuts de la société, n'a pas la qualité d'associé ; qu'il ne peut donc solliciter au titre de l'article 1844 du code civil la désignation d'un mandataire pour le représenter dans l'exercice d'un droit de vote dont il n'est pas titulaire, ni dans celui d'autres droits sociaux ; qu'en jugeant recevable l'action intentée par Mme [F], dont il était constant qu'elle n'avait pas été agréée en qualité d'associée du GAEC, et en désignant cette dernière comme administrateur avec notamment pour mission de représenter les indivisaires dans l'exercice de leur droit de vote ainsi que dans l'exercice des autres droits dont ils sont titulaires, aux motifs que "M. [T] [M] ne devrait pas confondre la qualité d'indivisaire et la qualité d'associé, puisque, conformément aux articles 1844 du code civil et 17.4 des statuts du GAEC, l'action aux fins de désignation d'un mandataire commun aux parts sociales et à l'initiative du plus diligent des indivisaires" et que contrairement à ce qu'il prétend, "aucun agrément n'est nécessaire", la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article 1844 du code civil. »
Réponse de la Cour
Vu les articles 1844, alinéa 2, 1870, alinéa 1, et 1870-1 du code civil :
7. Selon le deuxième de ces textes, une société civile n'est pas dissoute par le décès d'un associé, mais continue avec ses héritiers ou légataires, sauf à prévoir dans les statuts qu'ils doivent être agréés par les associés.
8. Selon le troisième, les héritiers ou légataires qui ne deviennent pas associés n'ont droit qu'à la valeur des parts sociales de leur auteur.
9. Selon le premier, les copropriétaires d'une part sociale indivise sont représentés par un mandataire unique, choisi parmi les indivisaires ou en dehors d'eux.
10. L'arrêt déclare recevable l'action en désignation d'un mandataire commun formée par Mme [F].
11. En statuant ainsi, alors qu'elle relevait, d'une part, par motifs adoptés, que l'article 10, § 2, des statuts du GAEC stipule que les ayants cause de l'associé décédé qui désirent faire partie du groupement doivent être agréés par le ou les associés survivants, d'autre part, par motifs propres, que Mme [F] n'avait pas été agréée en qualité d'associée du GAEC, ce dont il résultait qu'elle n'avait pas la qualité d'associée du GAEC et ne pouvait, par suite, demander la désignation d'un mandataire commun chargé de représenter les indivisaires dans l'exercice de leur droit de vote, la cour d'appel a violé les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.
13. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.
14. Mme [F] n'ayant pas la qualité d'associée du GAEC, elle n'est pas recevable, faute de qualité, à demander la désignation d'un mandataire commun de l'indivision constituée des parts sociales appartenant à [N] [M] avant son décès, avec pour mission de représenter les indivisaires dans l'exercice de leur droit de vote ainsi que des autres droits dont ils sont titulaires en leur qualité d'associés indivisaires.
15. L'action en désignation d'un mandataire commun formée par Mme [F] est donc irrecevable.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce que, confirmant l'ordonnance prononcée le 7 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Montargis selon la procédure accélérée au fond, il rejette l'exception d'incompétence formée par M. [T] [M], l'arrêt rendu le 7 juin 2023, entre les parties, par la cour d'appel d'Orléans ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Infirme l'ordonnance précitée en ce qu'elle rejette la fin de non-recevoir de M. [T] [M], désigne Mme [D] [M], épouse [F], en qualité de mandataire commun habilité à représenter les copropriétaires des parts sociales du GAEC de [Adresse 3] devenues indivises à la suite du décès de [N] [M], avec notamment pour mission de représenter les indivisaires dans l'exercice de leur droit de vote ainsi que dans l'exercice des autres droits dont ils sont titulaires, et condamne M. [T] [M] aux dépens, ainsi qu'à payer à Mme [D] [M], épouse [F], la somme de 600 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Déclare irrecevable l'action en désignation d'un mandataire commun formée par Mme [D] [M], épouse [F] ;
Condamne Mme [D] [M], épouse [F], aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par Mme [D] [M], épouse [F], et la condamne à payer à M. [T] [M] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze mars deux mille vingt-cinq.