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19/03/2025 | FRANCE | N°52500302

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 19 mars 2025, 52500302


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


SOC.


ZB1






COUR DE CASSATION
______________________




Audience publique du 19 mars 2025








Cassation partielle partiellement sans renvoi




M. SOMMER, président






Arrêt n° 302 FP-B+R


Pourvoi n° V 23-19.154




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E


_________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
___________________

______




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MARS 2025


La société Savoie rectification, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 23-19.154 contre l'ar...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

ZB1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 19 mars 2025

Cassation partielle partiellement sans renvoi

M. SOMMER, président

Arrêt n° 302 FP-B+R

Pourvoi n° V 23-19.154

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 19 MARS 2025

La société Savoie rectification, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 23-19.154 contre l'arrêt rendu le 8 mars 2023 par la cour d'appel de Chambéry (chambre sociale), dans le litige l'opposant à M. [U] [O], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prieur, conseiller référendaire, les observations de la SCP Françoise Fabiani - François Pinatel, avocat de la société Savoie rectification, et l'avis de Mme Grivel, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 février 2025 où étaient présents M. Sommer, président, Mme Prieur, conseiller référendaire rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, Mmes Capitaine, Monge, Mariette, M. Rinuy, Mmes Cavrois, Ott, Degouys, M. Barincou, MM. Flores, Seguy, Mme Lacquemant, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Valéry, Thomas-Davost, conseillers référendaires, Mme Grivel, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application des articles R. 421-4-1 et R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Chambéry, 8 mars 2023), M. [O] a été engagé en qualité de rectifieur, le 15 juillet 2013, par la société Savoie rectification (la société).

2. Licencié pour faute grave par lettre du 29 novembre 2017, le salarié a saisi la juridiction prud'homale pour contester cette rupture.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième à sixième branches

Enoncé du moyen

3. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement du salarié était dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner à lui verser diverses sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents, d'indemnité légale de licenciement et de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, alors :

« 1°/ qu'il résulte de l'article 6, § 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe de liberté de la preuve en matière prud'homale garantissant le droit à un procès équitable, que si le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés, c'est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l'identité est néanmoins connue par l'employeur, lorsque ceux-ci sont corroborés par d'autres éléments ; que pour dire le licenciement sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel a considéré qu'étaient dépourvus de valeur probante les deux constats établis par huissier dès lors qu'ils consistaient en un recueil de témoignages anonymes de salariés de l'entreprise, quand ces témoignages, s'ils étaient anonymisés en raison de la crainte de leurs auteurs de représailles, avaient été recueillis par un officier public et ministériel et faisaient foi jusqu'à preuve contraire, de sorte qu'ils étaient parfaitement recevables, la précaution tenant à ce que les propos aient été retranscrits par un huissier de justice en assurant la crédibilité, à charge pour le juge d'en préciser la valeur et la portée ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé le texte et le principe susvisés ;

3°/ qu'en retenant qu'en application du principe du contradictoire, les originaux des constats d'huissier contenant l'identité des témoins n'étaient pas recevables dès lors que ces pièces n'avaient pas été contradictoirement débattues, quand les deux constats reprenant les contenus des auditions de cinq témoins évoquaient des négligences volontaires de M. [O] dans le cadre de son travail ainsi que son attitude irrespectueuse voire agressive, tant verbalement que physiquement, envers ses collègues, de sorte que le salarié était en mesure de débattre de manière contradictoire de la matérialité des griefs ainsi formulés à son encontre, indépendamment même de la question de la connaissance de l'identité de leurs auteurs, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile ;

4°/ que l'employeur est tenu à l'égard de ses salariés d'une obligation de sécurité ; qu'il ne peut être exigé de lui qu'il obtienne des salariés ayant témoigné du comportement agressif et menaçant d'un collègue de travail à leur égard qu'ils révèlent leur identité alors même qu'ils craignent des représailles de la part de ce dernier ; qu'en se bornant à retenir que la société Savoie rectification ne démontrait pas la réalité de la faute grave commise par M. [O] en produisant deux constats recueillant les témoignages anonymes de salariés, sans rechercher si cette anonymisation n'était précisément pas justifiée par la nature des faits dénoncés et les risques de représailles invoqués par les témoins, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1, L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

5°/ que l'employeur, tenu à l'égard de ses salariés d'une obligation de sécurité, doit, dès lors qu'un risque est identifié, prendre toutes les mesures nécessaires pour le faire disparaître ; qu'en retenant que la société Savoie rectification ne pouvait se fonder pour justifier le licenciement pour faute grave de M. [O] sur les constats d'un huissier ayant recueilli des témoignages anonymisés de ses collègues, sans prendre en considération la nature particulière du manquement reproché et le fait que la peur exprimée par les salariés d'être reconnus les avaient conduit à édulcorer certains récits pour ne pas être identifiés par leur collègue et à refuser systématiquement que leur identité n'apparaisse, la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard des articles L. 4121-1, L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail ;

6°/ que la cour d'appel a retenu que l'argument de la société selon lequel elle était dans l'obligation légale de recueillir des témoignages anonymes afin d'assurer la sécurité de ses employés ne pouvait prospérer dans la mesure où elle ne produisait aucun élément de nature à démontrer que leur sécurité aurait été menacée par la révélation de leur identité ; qu'en statuant de la sorte quand lesdits salariés se plaignaient précisément du comportement agressif et violent, tant verbalement que physiquement, de M. [O] à leur égard et de leur crainte de représailles de sa part, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à justifier sa décision et l'a privée de base légale au regard des articles L. 4121-1, L. 1232-1 et L. 1234-1 du code du travail. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail :

4. La Cour européenne des droits de l'homme juge que le principe du contradictoire et celui de l'égalité des armes, étroitement liés entre eux, sont des éléments fondamentaux de la notion de « procès équitable » au sens de l'article 6, § 1, de la Convention. Ils exigent un « juste équilibre » entre les parties ; chacune doit se voir offrir une possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires. Toutefois, le droit à la divulgation des preuves pertinentes n'est pas absolu, en présence d'intérêts concurrents tels que, notamment, la nécessité de protéger des témoins risquant des représailles, qui doivent être mis en balance avec les droits du justiciable. Seules sont légitimes au regard de l'article 6, § 1, les limitations des droits de la partie à la procédure qui n'atteignent pas ceux-ci dans leur substance. Pour cela, toutes les difficultés causées à la partie requérante par une limitation de ses droits doivent être suffisamment compensées par la procédure suivie devant les autorités judiciaires. Il y a lieu pour le juge de procéder à un examen au regard de la procédure considérée dans son ensemble et de rechercher si les limitations aux principes du contradictoire et de l'égalité des armes, tels qu'applicables dans la procédure civile, ont été suffisamment compensées par d'autres garanties procédurales (CEDH, 19 septembre 2017, Regner c/ République tchèque, n° 35189/11, § 146, 148 et 151).

5. Il en résulte que si, en principe, le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés, c'est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l'identité est néanmoins connue par la partie qui les produit, lorsque sont versés aux débats d'autres éléments aux fins de corroborer ces témoignages et de permettre au juge d'en analyser la crédibilité et la pertinence. En l'absence de tels éléments, il appartient au juge, dans un procès civil, d'apprécier si la production d'un témoignage dont l'identité de son auteur n'est pas portée à la connaissance de celui à qui ce témoignage est opposé, porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le principe d'égalité des armes et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte au principe d'égalité des armes à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.

6. Il résulte par ailleurs des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

7. Pour dire le licenciement du salarié sans cause réelle et sérieuse et condamner l'employeur à lui payer diverses sommes, l'arrêt, après avoir constaté que la lettre de licenciement reprochait au salarié de faire régner un climat de peur au sein de l'entreprise et d'avoir repris ses horaires d'équipe de l'après-midi, sans l'accord de son employeur qui l'avait affecté en équipe de nuit avec horaires aménagés à sa demande, afin de « neutraliser, sans heurts, (ses) capacités de nuisance et limiter au maximum (ses) contacts avec les salariés s'étant ouverts de leurs peurs à (son) encontre » relève, d'abord, que la société, pour caractériser la faute du salarié, produit uniquement deux constats d'audition aux fins de preuve établis par huissier de justice, les 11 février et 26 mars 2020, reprenant les contenus des auditions effectuées par cet huissier de cinq témoins dont l'identité n'est jamais mentionnée, à la demande de ces personnes, et que ces témoignages évoquent son attitude irrespectueuse voire agressive tant verbalement que physiquement envers ses collègues.

8. Il retient, ensuite, que ces deux constats d'audition aux fins de preuve établis par huissier consistent dans le recueil de témoignages anonymes ne comportant ni l'identité des témoins, ni la période durant laquelle ces personnes auraient travaillé avec le salarié, ni leur qualité au sein de l'entreprise. Il ajoute que la proposition de l'employeur de produire aux seuls membres de la cour d'appel les originaux, non anonymisés, des constats d'huissier doit être rejetée, de telles pièces ne pouvant être déclarées recevables, et que les constats anonymisés, en application de l'article 16 du code de procédure civile et de l'article 6, § 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être déclarés "non probants", de sorte que l'existence d'une faute grave n'est pas démontrée.

9. En statuant ainsi, alors, d'une part, que relève de l'admissibilité des preuves et non de l'examen au fond le fait de déclarer non probante une pièce au motif de son défaut de contradiction et, d'autre part, qu'il résultait de ses constatations que la teneur des témoignages anonymisés, c'est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs, mais dont l'identité était connue de l'employeur et de l'huissier de justice qui avait recueilli ces témoignages, avait été portée à la connaissance du salarié, que ces témoignages avaient été recueillis par un huissier de justice responsable de la rédaction de ses actes pour les indications matérielles qu'il a pu lui-même vérifier en application des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 alors applicable, et qu'il n'était pas contesté que le salarié avait déjà été affecté à une équipe de nuit pour un comportement similaire à celui reproché dans la lettre de licenciement, de sorte que la production de ces témoignages anonymisés était indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur tenu d'assurer la sécurité et de protéger la santé des travailleurs et que l'atteinte portée au principe d'égalité des armes était strictement proportionnée au but poursuivi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

10. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

11. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue partiellement au fond, en disant n'y avoir lieu à écarter des débats les deux constats d'audition aux fins de preuve établis par huissier de justice, les 11 février et 26 mars 2020.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il fixe le salaire brut moyen à la somme de 2 727,40 euros et déclare recevable la société Savoie rectification en son appel, l'arrêt rendu le 8 mars 2023, entre les parties, par la cour d'appel de Chambéry ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi sur l'admissibilité aux débats des deux constats d'audition aux fins de preuve établis par huissier de justice, les 11 février et 26 mars 2020 ;

DIT n'y avoir lieu à les écarter des débats ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;

Condamne M. [O] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Savoie rectification ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, prononcé et signé par M. Huglo, conseiller doyen, en ayant délibéré et en remplacement du président empêché, en son audience publique du dix-neuf mars deux mille vingt-cinq, conformément aux dispositions des articles 452, 456 et 1021 du code de procédure civile.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 52500302
Date de la décision : 19/03/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle partiellement sans renvoi

Analyses

PREUVE - Règles générales - Moyen de preuve - Administration - Moyen illicite ou déloyal - Conflit avec d'autres droits et libertés - Admission - Conditions - Production indispensable et proportionnée au but poursuivi - Cas - Production de témoignages anonymisés - Office du juge - Détermination - Portée

PRUD'HOMMES - Procédure - Pièces - Production - Témoignages anonymisés - Admission - Conditions - Office du juge - Détermination - Portée CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 6, § 1 - Equité - Egalité des armes - Violation - Défaut - Cas - Droit à la preuve - Conflit avec d'autres droits et libertés - Production en justice de témoignages anonymisés - Admission - Conditions - Office du juge - Détermination - Portée

Il résulte de l'article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales garantissant le droit à un procès équitable, que si, en principe, le juge ne peut fonder sa décision uniquement ou de manière déterminante sur des témoignages anonymes, il peut néanmoins prendre en considération des témoignages anonymisés, c'est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs mais dont l'identité est néanmoins connue par la partie qui les produit, lorsque sont versés aux débats d'autres éléments aux fins de corroborer ces témoignages et de permettre au juge d'en analyser la crédibilité et la pertinence. En l'absence de tels éléments, il appartient au juge, dans un procès civil, d'apprécier si la production d'un témoignage dont l'identité de son auteur n'est pas portée à la connaissance de celui à qui ce témoignage est opposé, porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le principe d'égalité des armes et les droits antinomiques en présence, le droit à la preuve pouvant justifier la production d'éléments portant atteinte au principe d'égalité des armes à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l'atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. Il résulte par ailleurs des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité envers les salariés, doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Il ne méconnaît pas cette obligation légale s'il justifie avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail. Doit en conséquence être censuré l'arrêt qui, pour dire le licenciement d'un salarié sans cause réelle et sérieuse, ayant relevé que l'employeur produit uniquement deux constats d'audition aux fins de preuve établis par huissier de justice reprenant les contenus des auditions effectuées par cet huissier de cinq témoins dont l'identité n'est jamais mentionnée, à la demande de ces personnes, et que ces témoignages évoquent son attitude irrespectueuse voire agressive tant verbalement que physiquement envers ses collègues, retient que les constats anonymisés, en application de l'article 16 du code de procédure civile et de l'article 6, § 1 et 3, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doivent être déclarés " non probants ", alors, d'une part, que relève de l'admissibilité des preuves et non de l'examen au fond le fait de déclarer non probante une pièce au motif de son défaut de contradiction et, d'autre part, qu'il résultait de ses constatations que la teneur des témoignages anonymisés, c'est-à-dire rendus anonymes a posteriori afin de protéger leurs auteurs, mais dont l'identité était connue de l'employeur et de l'huissier de justice qui avait recueilli ces témoignages, avait été portée à la connaissance du salarié, que ces témoignages avaient été recueillis par un huissier de justice responsable de la rédaction de ses actes pour les indications matérielles qu'il a pu lui-même vérifier en application des articles 1er et 2 de l'ordonnance n° 45-2592 du 2 novembre 1945 alors applicable, et qu'il n'était pas contesté que le salarié avait déjà été affecté à une équipe de nuit pour un comportement similaire à celui reproché dans la lettre de licenciement, de sorte que la production de ces témoignages anonymisés était indispensable à l'exercice du droit à la preuve de l'employeur tenu d'assurer la sécurité et de protéger la santé des travailleurs et que l'atteinte portée au principe d'égalité des armes était strictement proportionnée au but poursuivi


Références :

Article 6, §1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales

articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.
Publié au bulletin

Décision attaquée : Cour d'appel de Chambéry, 08 mars 2023

Sur les conditions d'admission de témoignages anonymisés, à rapprocher : CEDH, arrêt du 19 septembre 2017, Regner c. République tchèque, n° 35189/11 ;

Soc., 19 avril 2023, pourvoi n° 21-20308, Bull., (cassation partielle) et l'arrêt cité ;

Ass. plén., 22 décembre 2023, pourvoi n° 20-20648, Bull., (cassation partielle) et les arrêts cités.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 19 mar. 2025, pourvoi n°52500302


Composition du Tribunal
Président : M. Sommer
Avocat(s) : SCP Françoise Fabiani - François Pinatel

Origine de la décision
Date de l'import : 01/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:52500302
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