LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° T 23-86.427 F-D
N° 00450
SL2
2 AVRIL 2025
CASSATION PARTIELLE
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 2 AVRIL 2025
MM. [M] [W], [F] [A], [D] [E], [K] [V], [P] [C] et [J] [G] ont formé des pourvois contre l'arrêt de la cour d'appel de Nancy, chambre correctionnelle, en date du 13 décembre 2022, qui, pour escroquerie aggravée et fraude fiscale, a condamné le premier à quatre ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis probatoire, six ans d'interdiction de gérer et une confiscation, et pour escroquerie aggravée a condamné le deuxième, à un an d'emprisonnement avec sursis et une confiscation, le troisième, à trois ans d'emprisonnement avec sursis, sept ans d'interdiction de gérer et une confiscation, le quatrième, à six mois d'emprisonnement avec sursis, le cinquième, à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, six ans d'interdiction de gérer et une confiscation et le sixième, à quatre ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis et six ans d'interdiction de gérer, et a prononcé sur les intérêts civils.
Les pourvois sont joints en raison de la connexité.
Des mémoires ont été produits, en demande et en défense.
Sur le rapport de Mme Bloch, conseiller référendaire, les observations de Me Descorps-Declère, avocat de MM. [M] [W], [F] [A], [D] [E], [K] [V], les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de l'Etat français, la direction générale des finances publiques et la direction régionale des finances publiques du département du Bas-Rhin, et les conclusions de M. Crocq, avocat général, après débats en l'audience publique du 5 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, Mme Bloch, conseiller rapporteur, Mme de la Lance, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. Le 22 avril 2011, l'administration fiscale a dénoncé au procureur de la République une fraude à la TVA intracommunautaire.
3. Des véhicules d'occasion étaient acquis hors taxes auprès de négociants allemands par des sociétés facturières espagnoles, qui les revendaient ensuite à des acheteurs professionnels français. Ces derniers procédaient à une déclaration fiscale de la TVA éventuellement due au titre de cet achat, par le certificat visé par l'article 298 sexies du code général des impôts.
4. Les juges du premier degré ont condamné, des chefs d'escroquerie en bande organisée et fraude fiscale, M. [M] [W] à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis, dix ans d'interdiction de gérer et une confiscation, et du chef d'escroquerie en bande organisée M. [J] [G] à quatre ans d'emprisonnement dont deux ans avec sursis et dix ans d'interdiction de gérer, M. [P] [C] à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, cinq ans d'interdiction de gérer et une confiscation, M. [D] [E] à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis, sept ans d'interdiction de gérer et une confiscation, M. [F] [A] à dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et une confiscation et M. [K] [V] à un an d'emprisonnement avec sursis.
5. Les prévenus ont relevé appel de cette décision.
Déchéance des pourvois formés par MM. [G] et [C]
6. MM. [G] et [C] n'ont pas déposé dans le délai légal, personnellement ou par leur avocat, un mémoire exposant leurs moyens de cassation. Il y a lieu, en conséquence, de les déclarer déchus de leur pourvoi par application de l'article 590-1 du code de procédure pénale.
Examen des moyens
Sur les premiers moyens, les seconds moyens, pris en leurs premières, deuxièmes, troisièmes et quatrièmes branches, proposés pour MM. [A], [W], [E] et [V] et le second moyen, pris en sa cinquième branche, proposé pour M. [W]
7. Les griefs ne sont pas de nature à permettre l'admission du pourvoi au sens de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale.
Mais sur le second moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, proposé pour M. [A], le second moyen, pris en ses sixième, septième, huitième et neuvième branches, proposé pour M. [W], le second moyen, pris en ses cinquième, sixième, septième et huitième branches, proposé pour M. [E] et le second moyen, pris en sa cinquième branche, proposé pour M. [V]
Enoncé des moyens
8. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [A] coupable des faits d'escroquerie réalisée en bande organisée qui lui étaient reprochés, l'a condamné à douze mois d'emprisonnement assortis du sursis, a ordonné la confiscation des biens placés sous scellés, notamment des sommes d'argent saisies sur les comptes de la société [6], et sur les dispositions civiles l'a déclaré, avec d'autres prévenus, solidairement responsables du préjudice subi par l'État français et la direction générale des finances publiques au titre de la fraction escroquerie en bande organisée, alors :
« 5°/ en cinquième lieu qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de cette peine et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu, hormis le cas où la confiscation porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction ; qu'en ordonnant la confiscation « des biens placés sous scellés, notamment des sommes d'argent saisies sur les comptes de la société [6] » (arrêt, dispositif, p. 44) au motif qu'il convient « de confirmer la confiscation de la somme de 137 000 ¿ figurant sur le compte de la société [6] » (arrêt, p. 40), tandis que le jugement se contentait, sans motiver davantage sa décision, d'ordonner la confiscation des biens saisis (jugement, p. 78), sans préciser l'ensemble des biens ainsi confisqués ni s'ils constituaient le produit ou l'objet de l'infraction ou s'ils avaient servi à la commettre ni s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété de Monsieur [A], la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1 du code pénal 132-1 du code pénal 131-21, 132-1 du code pénal et 485-1 et 593 du code de procédure pénale ;
6°/ en sixième lieu qu'en matière correctionnelle, une peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de leur auteur et de sa situation familiale, matérielle et sociale ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en condamnant Monsieur [A] à une peine de douze mois d'emprisonnement assortis du sursis simple (arrêt, p. 40), sans s'expliquer sur sa situation personnelle, familiale et sociale, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1 du code pénal, 485-1 et 593 du code de procédure pénale. »
9. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a condamné M. [W] à quatre années d'emprisonnement dont trois années assorti du sursis probatoire d'une durée de trois ans avec pour obligation d'indemniser les parties civiles, victime de l'infraction et à une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer, contrôler une entreprise ou une société pour une durée de six ans à titre de peine complémentaire, a indiqué que pour le délit de fraude fiscale commis du 1er mai 2010 au 31 décembre 2012, Monsieur [W] sera tenu solidairement du paiement des impôts frottés ainsi que celui des majorations et pénalités y afférentes, a ordonné la confiscation des biens et sommes saisies à l'exception de l'immeuble situé [Adresse 1] qui sera restitué à la SCI [3] qui en est propriétaire, et sur les dispositions civiles l'a déclaré, avec d'autres prévenus, solidairement responsables du préjudice subi par l'État français et la direction générale des finances publiques au titre de la fraction escroquerie en bande organisée, alors :
« 6°/ qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de cette peine et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu, hormis le cas où la confiscation porte sur un bien qui,dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction ; qu'en jugeant que « d'importants virements bancaires étaient réalisés des comptes de la société [4] vers les comptes personnels de [M] [W] et [R] [W], sa mère. [M] [W] a retiré des comptes bancaires de [4], 78.900 euros qu'il a transférés sur ses comptes personnels. Il a également déposé entre le 10/01/2011 et le 10/01/2012 7.200 ¿ en numéraire sur son compte courant [2] » (arrêt, p. 39), pour en conclure que « c'est à juste titre que les premiers juges ont ordonné la confiscation des sommes saisies sur les comptes bancaires de Monsieur [W] » (ibid.), tandis que le jugement se contentait, sans motiver davantage sa décision, d'ordonner la confiscation des biens saisis (jugement, p. 77), sans identifier l'ensemble des sommes saisies ni préciser, pour chacune d'entre elles, si elles constituaient le produit ou l'objet de l'infraction ou si elles avaient servi à la commettre ni s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété de Monsieur [W], la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1 du code pénal 132-1 du code pénal 131-21, 132-1 du code pénal et 485-1 et 593 du code de procédure pénale ;
7°/ en septième lieu que le juge qui prononce, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement ferme doit, quels que soient le quantum et la décision prise quant à son éventuel aménagement, motiver ce choix en faisant apparaître qu'il a tenu compte des faits de l'espèce, de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale ; qu'il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate ; qu'en condamnant Monsieur [W] à quatre années d'emprisonnement dont trois années assorti du sursis probatoire d'une durée de trois ans (arrêt, p. 38), sans motiver cette peine au regard de la personnalité de ce dernier, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, ni justifier du caractère manifestement inadéquat de toute autre sanction, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 485-1 et 593 du code de procédure pénale et 132-19 du code pénal ;
8°/ en huitième lieu qu'en matière correctionnelle, une peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de leur auteur et de sa situation familiale, matérielle et sociale ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; qu'en condamnant Monsieur [W] à « une interdiction de diriger, administrer, gérer et contrôler une entreprise ou une société pour une durée de six ans » (arrêt, p. 39), sans s'expliquer sur la situation personnelle, familiale et sociale de Monsieur [W], la cour d'appel a violé les articles de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1 du code pénal, 485-1 et 593 du code de procédure pénale ;
9°/ en neuvième lieu que nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; qu'aux termes des articles 131-27, 313-7 et 450-3 du code pénal, les prévenus jugés coupables d'escroquerie en bande organisée peuvent être, à titre de peine complémentaire, interdits « d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale » ; qu'en condamnant Monsieur [W] à « une interdiction de diriger, administrer, gérer et contrôler une entreprise ou une société pour une durée de 6 ans » (arrêt p. 43), sans limiter cette interdiction aux entreprises ou sociétés commerciales ou industrielles, la cour d'appel a violé l'article 111-3 du code pénal. »
10. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [E] coupable des faits d'escroquerie réalisée en bande organisée qui lui étaient reprochés, commis du 1er octobre 2012 au 2 janvier 2014, l'a condamné à trois années d'emprisonnement assorties du sursis simple et à une interdiction d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, administrer, gérer et contrôler une entreprise ou une société pour une durée de sept ans à titre de peine complémentaire, a ordonné la confiscation de tous les biens et objets saisis dont le véhicule Mercedes classe A, et sur les dispositions civiles l'a déclaré, avec d'autres prévenus, solidairement responsables du préjudice subi par l'État français et la direction générale des finances publiques au titre de la fraction escroquerie en bande organisée, alors :
« 5°/ en cinquième lieu qu'en matière correctionnelle, toute peine doit être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle ; qu'il incombe en conséquence au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de cette peine et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu, hormis le cas où la confiscation porte sur un bien qui, dans sa totalité, constitue l'objet ou le produit de l'infraction ; qu'en jugeant qu'il convient « de confirmer à l'encontre de Monsieur [E] la confiscation des biens placés sous scellés dont le véhicule Mercedes classe A, saisi lors de l'enquête » (arrêt, p. 40), tandis que le jugement se contentait, sans motiver davantage sa décision, d'ordonner la confiscation des biens saisis (jugement, p. 78), sans identifier l'ensemble des biens saisis ni préciser s'ils constituaient le produit ou l'objet de l'infraction ou s'ils avaient servi à la commettre ni s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété de Monsieur [E], la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1 du code pénal 132-1 du code pénal 131-21, 132-1 du code pénal et 485-1 et 593 du code de procédure pénale ;
6°/ en sixième lieu qu'en matière correctionnelle, une peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de leur auteur et de sa situation familiale, matérielle et sociale ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que Monsieur [E] rappelait dans ses conclusions, page 14, être « depuis peu père d'une petite fille née à [Localité 5] (pièce n° 6 : justificatif de naissance Hôpital [7] à [Localité 5] ; pièce n° 7 : pièce d'identité [B] [E]) », et établissait que cette naissance était survenue le 5 avril 2021 ; qu'en condamnant Monsieur [E] à une peine de trois ans d'emprisonnement assortis du sursis simple (arrêt, p. 40), sans s'expliquer sur la situation personnelle, familiale et sociale de Monsieur [E], et notamment sans faire aucune référence à la naissance de sa fille, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1 du code pénal, 485-1 et 593 du code de procédure pénale ;
7°/ en septième lieu qu'en matière correctionnelle, une peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de leur auteur et de sa situation familiale, matérielle et sociale ; que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision ; que l'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence ; que Monsieur [E] rappelait dans ses conclusions, page 14, être « depuis peu père d'une petite fille née à [Localité 5] (pièce n° 6 : justificatif de naissance Hôpital [7] à [Localité 5] ; pièce n° 7 : pièce d'identité [B] [E]) », et établissait que cette naissance était survenue le 5 avril 2021 ; qu'en condamnant Monsieur [E] à « une interdiction de diriger, administrer, gérer et contrôler une entreprise ou une société pour une durée de sept ans » (jugement, p. 87 ; arrêt attaqué p. 40), sans s'expliquer sur la situation personnelle, familiale et sociale de Monsieur [E], et notamment sans faire aucune référence à la naissance de sa fille, la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1 du code pénal, 485-1 et 593 du code de procédure pénale ;
8°/ en huitième lieu que nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi ; qu'aux termes des articles 131-27, 313-7 et 450-3 du code pénal, les prévenus jugés coupables d'escroquerie en bande organisée peuvent être, à titre de peine complémentaire, interdits « d'exercer une profession commerciale ou industrielle, de diriger, d'administrer, de gérer ou de contrôler à un titre quelconque, directement ou indirectement, pour son propre compte ou pour le compte d'autrui, une entreprise commerciale ou industrielle ou une société commerciale » ; qu'en condamnant Monsieur [E] à « une interdiction de diriger, administrer, gérer et contrôler une entreprise ou une société pour une durée de sept ans » (jugement, p. 87 ; arrêt attaqué p. 40), sans limiter cette interdiction aux entreprises ou sociétés commerciales ou industrielles, la cour d'appel a violé l'article 111-3 du code pénal. »
11. Le moyen critique l'arrêt attaqué en ce qu'il a déclaré M. [V] coupable des faits d'escroquerie réalisée en bande organisée qui lui étaient reprochés, commis du 1er décembre 2012 au 30 avril 2013, l'a condamné à six mois d'emprisonnement assorties du sursis simple, alors :
« 5°/ en cinquième lieu qu'en matière correctionnelle, une peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de leur auteur et de sa situation familiale, matérielle et sociale ; qu'en condamnant Monsieur [V] à une peine de trois ans d'emprisonnement assortis du sursis simple (arrêt, p. 41), sans s'expliquer sur la situation personnelle, familiale et sociale de Monsieur [V], la cour d'appel a violé les articles 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 132-1 du code pénal, 485-1 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
12. Les moyens sont réunis.
Sur le moyen, pris en ses cinquième et sixième branches, proposé pour M. [A], le moyen, pris en ses sixième, septième et huitième branches, proposé pour M. [W], le moyen, pris en ses cinquième, sixième et septième branches, proposé pour M. [E] et le moyen, pris en sa cinquième branche, proposé pour M. [V]
Vu les articles 132-1, 132-19, 131-21 du code pénal et 593 du code de procédure pénale :
13. En application des deux premiers de ces textes, le juge qui prononce une peine doit motiver sa décision au regard des circonstances de l'infraction, de la personnalité et de la situation personnelle de son auteur. Lorsqu'il prononce une peine d'emprisonnement ferme, il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate.
14. Selon le troisième, le juge doit énumérer les objets dont il ordonne la confiscation et indiquer, pour chacun d'eux, s'ils constituent l'instrument, le produit ou l'objet de l'infraction, afin de mettre la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision, et d'apprécier, le cas échéant, son caractère proportionné.
15. Il résulte du quatrième que tout jugement ou arrêt doit comporter les motifs propres à justifier la décision. L'insuffisance ou la contradiction des motifs équivaut à leur absence.
16. Pour condamner M. [W] à quatre ans d'emprisonnement dont trois ans avec sursis probatoire, six ans d'interdiction de gérer et une confiscation, M. [A] à un an d'emprisonnement avec sursis et une confiscation, M. [E] à trois ans d'emprisonnement avec sursis, sept ans d'interdiction de gérer et une confiscation et M. [V] à six mois d'emprisonnement avec sursis, l'arrêt attaqué se réfère aux circonstances de l'infraction, au casier judiciaire des intéressés et, s'agissant de M. [W], à l'exercice d'une activité professionnelle stable.
17. En prononçant ainsi, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision.
18. En premier lieu, elle n'a pas pris en compte la situation personnelle des prévenus.
19. En second lieu, en ne précisant pas le fondement des confiscations prononcées, et en ordonnant la confiscation des biens placés sous scellés sans les énumérer à l'exception de la mention d'un véhicule, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'en contrôler la légalité.
20. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
Sur le moyen, pris en sa neuvième branche, proposé pour M. [W], et le moyen, pris en sa huitième branche, proposé pour M. [E]
Vu l'article 111-3 du code pénal :
21. Selon ce texte, nul ne peut être puni d'une peine qui n'est pas prévue par la loi.
22. En condamnant MM. [W] et [E] à l'interdiction de diriger, administrer, gérer ou contrôler une entreprise ou une société, pour une durée de six ans pour le premier, et de sept ans pour le second, alors que l'article 131-27 du code pénal limite une telle interdiction aux entreprises commerciales ou industrielles et aux sociétés commerciales, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus rappelé.
23. La cassation est par conséquent également encourue de ce chef.
Portée et conséquences de la cassation
24. La cassation sera limitée aux peines, dès lors que les déclarations de culpabilité n'encourent pas la censure.
Examen de la demande fondée sur l'article 618-1 du code de procédure pénale
25. Les dispositions de ce texte sont applicables en cas de rejet du pourvoi, qu'il soit total ou partiel. Les déclarations de culpabilité de MM. [W], [A], [E] et [V] étant devenues définitives par suite de la non-admission partielle de leurs pourvois, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande présentée sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
Sur les pourvois formés par MM. [G] et [C] :
CONSTATE la déchéance de leur pourvoi ;
Sur les pourvois formés par MM. [A], [W], [E] et [V] :
CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nancy, en date du 13 décembre 2022, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Metz, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
FIXE à 2 500 euros la somme globale que MM. [M] [W], [F] [A], [D] [E] et [K] [V] devront payer à l'Etat français en application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
DIT n'y avoir lieu à autre application de l' article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nancy et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du deux avril deux mille vingt-cinq.