LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
CC
COUR DE CASSATION
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Arrêt du 30 avril 2025
Rejet
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 260 F-D
Pourvoi n° A 24-20.497
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de M. [S].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 4 novembre 2024.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 AVRIL 2025
Mme [Z] [D], domiciliée [Adresse 1], a formé le pourvoi n° A 24-20.497 contre l'arrêt rendu le 30 juillet 2024 par la cour d'appel de Paris (pôle 3, chambre 5), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. [L] [S], domicilié [Adresse 2] (Moldavie),
2°/ au procureur général près la cour d'appel de Paris, domicilié en son parquet général, [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Marilly, conseiller référendaire, les observations de la SCP Sevaux et Mathonnet, avocat de Mme [D], de la SCP Krivine et Viaud, avocat de M. [S], après débats en l'audience publique du 4 mars 2025 où étaient présentes Mme Champalaune, président, Mme Marilly, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Layemar, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 30 juillet 2024), de l'union de Mme [D] et de M. [S] sont issus [K], né le 2 janvier 2017 et [C], né le 21 septembre 2019, en Moldavie.
2. Le mariage des époux [D] [S] a été dissous le 12 août 2021.
3. Le 12 mars 2022, Mme [D] a quitté la Moldavie avec les enfants pour s'installer en France.
4. Le 9 novembre 2022, M. [S] a saisi l'autorité centrale moldave d'une demande de retour des enfants sur le fondement de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants.
5. Le 24 novembre 2023, le procureur de la République a assigné Mme [D] à cette fin devant le juge aux affaires familiales.
6. M. [S] est intervenu volontairement à l'instance.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
7. Mme [D] fait grief à l'arrêt de constater que le déplacement en France des enfants [K] et [C] [S] est illicite, d'ordonner leur retour immédiat en Moldavie, lieu de leur résidence habituelle et d'interdire toute sortie du territoire français sans l'accord écrit des deux parents, à l'exception d'un départ en Moldavie, alors :
« 1°/ que le déplacement d'un enfant est considéré comme illicite lorsqu'il a eu lieu en violation d'un droit de garde, attribué à une personne, seul ou conjointement, par le droit de l'État dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle immédiatement avant son déplacement, et que ce droit était exercé de façon effective seul ou conjointement, au moment du déplacement, ou l'eût été si de tels évènements n'étaient survenus ; que l'autorité judiciaire ou administrative de l'État requis n'est pas tenue d'ordonner le retour de l'enfant, lorsque la personne qui s'oppose à son retour établit que la personne qui avait le soin de la personne de l'enfant n'exerçait pas effectivement le droit de garde à l'époque du déplacement ; qu'en ordonnant le retour des deux enfants en Moldavie, motifs pris que leur déplacement était illicite, leur résidence habituelle se situant en Moldavie et leur père, qui était également titulaire du droit de garde selon la loi moldave, ne l'ayant pas autorisé, et après avoir écarté les exceptions au retour des enfants prises de l'article 12, 2°, de la Convention de La Haye en date du 25 octobre 1980 relatif à l'intégration de l'enfant dans son nouveau milieu, et de l'article 13, b, de la même convention relatif à l'existence d'un risque grave que l'enfant soit exposé, à son retour, à un danger physique ou psychique ou qu'il soit placé de toute autre manière dans une situation intolérable, sans se prononcer, comme elle y était invitée, sur l'effectivité de l'exercice du droit de garde au titre de la qualification de déplacement illicite prévue à l'article 3 de la Convention de La Haye, pas plus que sur l'exception au retour tirée de l'article 13, a, de la même convention dérogeant au principe de retour de l'enfant illicitement déplacé dès lors que la personne qui en avait le soin n'exerçait pas effectivement le droit de garde à l'époque du déplacement, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 3 et 13 de la Convention de La Haye en date du 25 octobre 1980.
2°/ qu'en ordonnant le retour des deux enfants en Moldavie, motifs pris que leur déplacement était illicite et qu'aucune exception au retour ne pouvait être invoquée, sans répondre aux conclusions d'appel de Mme [D], par lesquelles elle faisait valoir qu'elle a constamment et de manière effective exercé le droit de garde", que les enfants résidaient exclusivement chez elle après avoir quitté le domicile conjugal, que la décision du tribunal de Chisinau en date du 3 juillet 2023 fixant la résidence des enfants à son domicile, qui elle-même a relevé dans ses motifs que M.[S] a quitté la famille, laissant principalement les enfants sous la garde de la mère", n'a fait qu'entériner une situation de fait que ne conteste pas la partie adverse", qu'elle a toujours été seule en charge de la prise en charge quotidienne des enfants au contraire de M. [S] qui a toujours été absent", que la prise en charge quotidienne des enfants n'a jamais été pour le père une préoccupation de premier ordre et ceci depuis le temps de la vie commune", que les relations entre M. et Mme [S] étaient depuis longtemps très difficiles", que tout au long de la vie conjugale, M. [S] était très peu présent au domicile familial, il partait tôt le matin, vers 7 heures et revenait vers 2-3 heures du matin, laissant Mme [S] seule avec ses enfants et ne l'aidait absolument pas à s'en occuper, y compris quand [elle] était enceinte de son deuxième enfant et que son fils aîné n'avait que deux ans", dont il s'inférait que M. [S] n'exerçait pas son droit de garde de manière effective et que sa demande présentée en ce sens n'était qu'une demande de principe, en sorte que l'exception prévue à l'article 13 a) de la Convention de La Haye était applicable et qu'il ne pouvait se prévaloir de leur déplacement illicite pour obtenir leur retour en Moldavie, la cour d'appel a privé sa décision de motifs en violation de l'article 455 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
8. Selon l'article 3 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, est illicite tout déplacement d'un enfant fait en violation du droit de garde exercé effectivement et attribué à une personne par le droit ou le juge de l'Etat dans lequel l'enfant avait sa résidence habituelle avant son déplacement.
9. La cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que, selon la loi moldave, Mme [D] et M. [S] exerçaient conjointement l'autorité parentale sur leurs deux enfants, de sorte que ce dernier était également titulaire du droit de garde. Elle a constaté, par motifs adoptés, que, par décision du 2 février 2022, la direction pour la protection des droits de l'enfant du secteur de Riscani (Moldavie) avait fixé un calendrier de rencontres des enfants avec leur père et estimé qu'il n'était pas contesté que M. [S] avait sollicité un exercice effectif de son droit de garde octroyé selon ces modalités par les autorités moldaves et que Mme [D] ne pouvait décider unilatéralement de déplacer les enfants à l'étranger sans l'accord de leur père.
10. Ayant ainsi fait ressortir que M. [S] exerçait effectivement son droit de garde, la cour d'appel, qui, n'étant saisie d'aucune exception au retour sur le fondement de l'article 13 a) de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980, n'était tenue ni de procéder à une recherche qui ne lui était pas demandée ni de répondre à des conclusions inexistantes à ce titre, a répondu pour le surplus aux conclusions prétendument délaissées et légalement justifié sa décision.
11. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne Mme [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé publiquement le trente avril deux mille vingt-cinq par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile et signé par Mme Champalaune, président, Mme Marilly conseiller référendaire et Mme Vignes, greffier de chambre.