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07/05/2025 | FRANCE | N°C2500576

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 07 mai 2025, C2500576


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :


N° Z 24-84.666 F-D


N° 00576




SL2
7 MAI 2025




CASSATION PARTIELLE




M. BONNAL président,












R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________




AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________




ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 MAI 2025






M. [B] [O] a formé un

pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 16 juillet 2024, qui, pour violences aggravées en récidive, l'a condamné à dix ans d'emprisonnement, dix ans d'interdiction de déteni...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :

N° Z 24-84.666 F-D

N° 00576

SL2
7 MAI 2025

CASSATION PARTIELLE

M. BONNAL président,

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 7 MAI 2025

M. [B] [O] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Nîmes, chambre correctionnelle, en date du 16 juillet 2024, qui, pour violences aggravées en récidive, l'a condamné à dix ans d'emprisonnement, dix ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, cinq ans d'interdiction d'entrer en relation avec les victimes, d'interdiction de séjour et d'inéligibilité.

Un mémoire a été produit.

Sur le rapport de M. Gouton, conseiller, les observations de la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix, avocat de M. [B] [O], et les conclusions de M. Micolet, avocat général, après débats en l'audience publique du 26 mars 2025 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Gouton, conseiller rapporteur, M. de Larosière de Champfeu, conseiller de la chambre, et Mme Lavaud, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.

2. M. [B] [O] a été poursuivi devant le tribunal correctionnel sous la prévention de violences avec arme ayant entraîné une incapacité totale de travail supérieure à huit jours et n'ayant pas entraîné une telle incapacité, en récidive.

3. Par jugement du 18 mars 2024, le tribunal correctionnel l'a condamné à dix ans d'emprisonnement, dix ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, cinq ans d'interdiction d'entrer en relation avec les victimes, cinq ans d'interdiction de séjour, cinq ans d'inéligibilité, et a prononcé sur les intérêts civils.

4. M. [O] a relevé appel de cette décision. Le ministère public a formé appel incident.

Examen du moyen proposé pour M. [O] et le moyen relevé d'office et mis dans le débat

Enoncé des moyens

5. Le moyen proposé pour M. [O] critique l'arrêt attaqué en ce qu'il l'a condamné à titre de peine principale à dix années d'emprisonnement délictuel, l'a condamné à titre de peines complémentaires, à une interdiction d'entrer en relation pour une durée de cinq ans avec MM. [X] et [F] [V], à une interdiction de détenir ou de porter une arme soumise à autorisation pour une durée de dix ans, à une interdiction de séjour dans le département du Vaucluse pendant une durée de cinq ans et à une privation de son droit d'éligibilité pour une durée de cinq ans et a ordonné son maintien en détention, alors :

« 1°/ que toute peine prononcée doit être individualisée, nécessaire et proportionnée ; que la juridiction détermine la nature, le quantum et le régime des peines prononcées en fonction des circonstances de l'infraction et de la personnalité de son auteur ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale, conformément aux finalités et fonctions de la peine énoncées à l'article 130-1 du code de procédure pénale ; que pour arrêter la nature et le quantum de la peine d'emprisonnement, l'arrêt attaqué se réfère (p. 10) à la gravité de la peine et aux « éléments de personnalité » qu'il a déduits du rapport d'expertise et du casier judiciaire de M. [O], la situation matérielle, familiale et sociale du prévenue n'étant abordée que pour motiver le caractère ferme de la peine d'emprisonnement retenue et le maintien en détention ; qu'en se déterminant ainsi, quand la nature et le quantum de la peine devaient être déterminés au regard de la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, la cour d'appel a violé l'article 132-1 du code pénal ;

2°/ qu'en l'absence d'informations suffisantes au dossier de la procédure concernant la situation matérielle, familiale et sociale du prévenu, le juge est tenu de l'interroger s'il est présent à l'audience et de l'inviter à répondre à toute question utile à cet égard ; que pour motiver le caractère ferme de la peine d'emprisonnement et ordonner le maintien en détention de M. [O], l'arrêt attaqué se fonde notamment (p. 10, in fine, p. 11) sur « l'absence de communication aux débats de tout élément sérieux ou quelconque pièce sur sa situation actuelle, tant sur le plan matériel, familial et professionnel, ainsi que sur la fixité de son domicile » ; qu'en se déterminant ainsi, sans qu'aucune mention de la décision ni du procès-verbal des débats n'atteste une quelconque interrogation à ce sujet du prévenu qui, comparant à l'audience des plaidoiries, pouvait répondre à toutes questions de la formation de jugement, la cour d'appel a violé les articles 132-19 du code pénal et 464-2 du code de procédure pénale ;

3°/ que l'obligation d'individualisation et de motivation de la peine correctionnelle s'applique à l'ensemble des peines, en ce compris les peines complémentaires ; qu'il a été retenu à l'encontre de M. [O] une interdiction d'entrer en contact avec les frères [V], une interdiction de détention et de port d'arme, une interdiction de séjour dans le département du Vaucluse et une privation de son droit d'éligibilité sans aucune motivation ni individualisation ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article 132-1 du code pénal. »

6. Le moyen relevé d'office est pris de la violation de l'article 131-6 du code pénal.

Réponse de la Cour

7. Les moyens sont réunis.

Vu les articles 131-6, 132-19 du code pénal, 464-2 et 485-1 du code de procédure pénale :

8. Il résulte des deuxième et troisième de ces textes que le juge qui prononce, en matière correctionnelle, une peine d'emprisonnement sans sursis doit motiver ce choix en faisant apparaître qu'il a tenu compte des faits de l'espèce, de la personnalité de leur auteur, ainsi que de sa situation matérielle, familiale et sociale. Il lui appartient d'établir, au regard de ces éléments, que la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine indispensable et que toute autre sanction est manifestement inadéquate.

9. Selon le dernier, en matière correctionnelle, le choix de la peine doit être motivé au regard des dispositions, notamment, de l'article 132-1 du code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction. Il en résulte qu'à l'exception de ces cas, toute peine doit être motivée en tenant compte des circonstances de l'infraction, de la personnalité de leur auteur et de sa situation matérielle, familiale et sociale. Il appartient au juge de motiver la peine qu'il prononce en se référant, dans sa décision, aux éléments qui résultent du dossier et à ceux qu'il a sollicités et recueillis lors des débats.

10. Selon le premier, lorsqu'un délit est puni d'une peine d'emprisonnement, la juridiction peut prononcer, à la place ou en même temps que la peine d'emprisonnement, une interdiction, pour une durée de trois ans au plus, d'entrer en relation avec certaines personnes spécialement désignées par la juridiction, notamment la victime de l'infraction.

11. Pour condamner M. [O] à dix ans d'emprisonnement, dix ans d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation, cinq ans d'inéligibilité, cinq ans d'interdiction de séjour et cinq ans d'interdiction d'entrer en relation avec les victimes, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les conclusions de l'expertise psychiatrique et la teneur du casier judiciaire du prévenu, énonce que la particulière gravité des faits, les nombreux antécédents de l'intéressé, les éléments de sa personnalité et un pronostic défavorable justifient une application rigoureuse de la loi pénale et le prononcé d'une peine de dix ans d'emprisonnement.

12. Les juges ajoutent qu'il n'est communiqué aux débats aucun élément sérieux ou pièce relatifs à la situation actuelle, matérielle, familiale et professionnelle du prévenu.

13. En se déterminant ainsi, la cour d'appel a méconnu les textes susvisés et les principes ci-dessus rappelés pour les motifs qui suivent.

14. En premier lieu, il ne résulte pas de l'arrêt attaqué que le prévenu, qui comparaissait à l'audience, ait été interrogé sur sa situation.

15. En deuxième lieu, si les juges n'avaient pas à motiver les peines obligatoires d'interdiction de détenir ou porter une arme soumise à autorisation et d'inéligibilité, ils n'ont pas justifié les peines d'interdiction de séjour et d'interdiction d'entrer en relation avec les victimes.

16. En troisième lieu, ils ont prononcé une interdiction d'entrer en relation avec les victimes d'une durée supérieure à celle prévue par la loi.

17. La cassation est par conséquent encourue de ces chefs.

Portée et conséquences de la cassation

18. La cassation à intervenir ne concerne que les dispositions relatives aux peines. Les autres dispositions seront donc maintenues, y compris celles relatives au maintien en détention du demandeur.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE et ANNULE l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Nîmes, en date du 16 juillet 2024, mais en ses seules dispositions relatives aux peines, toutes autres dispositions étant expressément maintenues, y compris celles relatives au maintien en détention du demandeur ;

Et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée,

RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Nîmes, autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;

ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Nîmes et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du sept mai deux mille vingt-cinq.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : C2500576
Date de la décision : 07/05/2025
Sens de l'arrêt : Cassation partielle

Références :

Décision attaquée : Cour d'appel de Nîmes, 16 juillet 2024


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 07 mai. 2025, pourvoi n°C2500576


Composition du Tribunal
Président : M. Bonnal (président)
Avocat(s) : SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 13/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2025:C2500576
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