La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

28/08/2024 | FRANCE | N°23DA01532

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 28 août 2024, 23DA01532


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'association Hetsika a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite du 24 février 2020 par laquelle la région Hauts-de-France a refusé de lui verser le solde de la subvention qu'elle lui a attribuée le 24 juin 2013 en vue du financement de son projet " A... volet 3 " à Madagascar.



Par un jugement n° 2003197 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.



Procédure devant la c

our :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juillet 2023 et 19 mars 2024, l'associati...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Hetsika a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision implicite du 24 février 2020 par laquelle la région Hauts-de-France a refusé de lui verser le solde de la subvention qu'elle lui a attribuée le 24 juin 2013 en vue du financement de son projet " A... volet 3 " à Madagascar.

Par un jugement n° 2003197 du 13 juin 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 juillet 2023 et 19 mars 2024, l'association Hetsika, représentée par Me Patrick Chabrun, doit être regardée comme demandant à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite du 24 février 2020 de la région Hauts-de-France ;

3°) d'enjoindre à la région Hauts-de-France de procéder à un réexamen de sa demande et de prendre une nouvelle décision dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de la région Hauts-de-France une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué, en tant qu'il retient que la decision implicite de rejet du 24 février 2020 est confirmative de la décision du 10 octobre 2016 et en tant qu'il rejette par voie de conséquence la requête comme irrecevable pour cause de tardiveté, est irrégulier ;

- la décision attaquée est irrégulière en l'absence d'abrogation explicite de la délibération n° 2013.1422 du 24 juin 2013 par une nouvelle délibération de la commission permanente de la région Hauts-de-France ;

- elle n'est, en méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, pas motivée ;

- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'elle n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire préalable, en méconnaissance des dispositions de l'article de L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et des stipulations de la convention du 19 novembre 2013 ;

- elle est entachée d'erreur de droit au regard des stipulations de la convention du 19 novembre 2013 dès lors, d'une part, qu'elle a assuré la mission qui conditionnait l'octroi de la subvention et, d'autre part, qu'elle a fourni l'ensemble des justificatifs et documents exigés pour le versement du solde.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 novembre 2023, la région Hauts-de-France, représentée par Me Gauthier Jamais, conclut :

1°) à titre principal, au rejet de la requête de l'association Hetsika ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que le montant du solde de la subvention qui lui serait dû soit limité à 9 275,59 euros ;

3°) en tout état de cause, à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'association Hetsika sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à raison et sans entacher leur jugement d'irrégularité que les premiers juges ont rejeté la requête de l'association Hetsika comme tardive et, par suite, irrecevable ; en effet, la demande de versement du solde de la subvention présentée par courrier du 20 décembre 2019 est en tout point identique à celle 10 août 2016 ; le refus implicite né du silence de deux mois conservé par la région est purement confirmatif du refus implicite intervenu à la suite de la précédente demande ; celui-ci est devenu définitif à défaut pour l'association d'en avoir sollicité l'annulation contentieuse ; la nouvelle décision de refus implicite n'a, dès lors, pas rouvert le délai de recours ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

- à titre subsidiaire, le montant du solde de la subvention dû à l'association Hetsika ne saurait en tout état de cause excéder 9 275,59 euros.

Par ordonnance du 26 mars 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 10 avril 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutias premier conseiller,

- les conclusions de Mme Regnier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Gauthier Jamais, représentant la région Hauts-de-France.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 24 juin 2013, la commission permanente de la région Nord-Pas-de-Calais, depuis devenue la région Hauts-de-France, a consenti à l'association Hetsika une subvention d'un montant total de 148 768 euros au titre du troisième volet de son projet de développement des technologies de l'information et de la communication (dit " A... 3 " ) à destination de la région malgache d'Analanjirofo, région avec laquelle la région Nord-Pas-de-Calais entretient une coopération décentralisée. Une convention signée entre l'association Hetsika et la région Nord-Pas-de-Calais le 19 novembre 2013 a défini les modalités de versement de cette subvention. Au cours de son exécution, la région a interrompu les versements au motif que les conditions posées n'étaient, selon elle, plus respectées.

2. Par une ordonnance n° 1509603 du 25 avril 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de provision de l'association Hetsika. Par un courrier du 10 août 2016, réceptionné le 12 août suivant, l'association a demandé à la région Hauts-de-France de lui verser une somme de 46 198,27 euros au titre du solde de la subvention. Aucune suite n'y ayant été réservé, elle a saisi le tribunal administratif de Lille, le 2 mars 2017, d'une requête tendant à la condamnation de la région Hauts-de-France à lui verser la somme qu'elle réclame. Cette requête a été rejetée comme irrecevable par une ordonnance n° 1702178 du 2 septembre 2019 du président de la 2ème chambre. Par un courrier du 20 décembre 2019, réceptionné le 24 décembre suivant, l'association Hetsika a de nouveau demandé à la région Hauts-de-France de lui verser la somme de 46 198,27 euros au titre du solde de la subvention.

3. L'association Hetsika relève appel du jugement du 13 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa requête tendant à l'annulation de la décision implicite de refus née le 24 février 2020 du silence de deux mois gardé par la région Hauts-de-France à la suite de la réception de son courrier du 20 décembre 2019.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-2 du même code : " Sauf disposition législative ou réglementaire contraire, dans les cas où le silence gardé par l'autorité administrative sur une demande vaut décision de rejet, l'intéressé dispose, pour former un recours, d'un délai de deux mois à compter de la date à laquelle est née une décision implicite de rejet. (...) ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ".

5. Aux termes de l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute demande adressée à l'administration fait l'objet d'un accusé de réception. (...) ". Aux termes de l'article R. 112-5 du même code : " L'accusé de réception prévu par l'article L. 112-3 (...) indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision. (...) ". Aux termes de l'article L. 112-6 du même code : " Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications exigées par la réglementation. (...) ".

6. En outre, le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et les délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable, qui ne peut en règle générale excéder un an. Ces règles sont également applicables à la contestation d'une décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur une demande présentée devant elle, lorsqu'il est établi que le demandeur a eu connaissance de la décision.

7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que, par courrier du 10 août 2016, réceptionné le 12 août suivant, l'association Hetsika a demandé à la région Hauts-de-France de lui verser une somme de 46 198,27 euros, correspondant selon elle au solde de la subvention lui ayant été accordée par délibération du 24 juin 2013 et ayant fait l'objet de la convention du 19 novembre 2013. Du silence gardé par la région Hauts-de-France, une décision implicite de rejet est née le 12 octobre 2016 en application des dispositions du 3° de l'article L. 231-4 du code des relations entre le public et l'administration. Dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la région Hauts-de-France ait accusé réception du courrier de l'association dans les formes prévues par l'article R. 112-5 du code précité, la décision implicite de refus qu'il a fait naître pouvait être contestée dans le délai raisonnable d'un an mentionné au point 6. Or, il ressort des pièces du dossier que, dans ce délai, l'association Hetsika n'a jamais demandé l'annulation de la décision implicite de refus du 12 octobre 2016 mais a seulement saisi le tribunal administratif de Lille, le 2 mars 2017, d'une requête de plein contentieux contractuel. Cette requête a été rejetée pour irrecevabilité par ordonnance du 2 septembre 2019, notifiée le 9 septembre 2019. Il s'ensuit qu'à la date du 24 avril 2020, à laquelle l'association Hetsika a présenté devant le tribunal administratif de Lille la nouvelle requête ayant donné lieu au jugement attaqué, la décision implicite de refus du 12 octobre 2016 avait acquis un caractère définitif.

8. D'autre part, il ressort également des pièces du dossier qu'à l'appui de sa requête présentée devant le tribunal administratif de Lille le 24 avril 2020, l'association Hetsika a demandé l'annulation de la décision implicite de refus née le 24 février 2020 du silence gardé par la région Hauts-de-France à la suite de la réception, le 24 décembre 2019, de son courrier daté du 20 décembre 2019. Il ressort des termes de ce courrier qu'il avait le même objet et tendait aux mêmes fins que celui du 10 août 2016 précédemment adressé à la région Hauts-de-France, l'association Hetsika y demandant le versement de la même somme de 46 198,27 euros, toujours au titre du solde de la subvention accordée par délibération du 24 juin 2013 et ayant fait l'objet de la convention du 19 novembre 2013. L'association Hetsika n'établit ni même n'allègue la survenue de circonstances de fait ou de droit nouvelles. En l'absence de contenu différent et de circonstances de faits ou de droit nouvelles, la décision implicite de refus qu'a fait naître ce courrier du 20 décembre 2019 doit être regardée comme purement confirmative de celle qu'avait fait naître le précédent courrier du 10 octobre 2016. A cet égard, et contrairement à ce que soutient l'association Hetsika, la circonstance que cette précédente décision ait pris une forme implicite ne retire pas à la décision du 24 février 2020 son caractère confirmatif, quand bien même elle prend également une forme implicite. Il s'ensuit que cette décision confirmative n'est pas susceptible de recours et n'a pu avoir pour effet de rouvrir au profit de l'association Hetsika un nouveau délai pour saisir le tribunal administratif de Lille d'une demande d'annulation de la décision initiale.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la requête présentée par l'association Hetsika devant le tribunal administratif de Lille le 24 avril 2020 était irrecevable. L'association Hetsika n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que c'est à tort et en entachant leur jugement d'irrégularité que les premiers juges ont rejeté sa requête pour ce motif. Par suite, ses conclusions d'appel tendant à l'annulation de ce jugement doivent elles-mêmes être rejetées, sans qu'il soit besoin de statuer sur les moyens de légalité dirigés contre la décision attaquée, ainsi que par voie de conséquence ses conclusions à fin d'injonction.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Hauts-de-France, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme dont l'association Hetsika demande le versement au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de celle-ci une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la région Hauts-de-France et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1 : La requête de l'association Hetsika est rejetée.

Article 2 : L'association Hetsika versera à la région Hauts-de-France une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Hetsika et à la région Hauts-de-France.

Délibéré après l'audience publique du 9 juillet 2024 à laquelle siégeaient :

- M. Baronnet, président-assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Toutias, premier conseiller.

- M. Vandenberghe, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 août 2024.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de la formation

de jugement,

Signé : M. Baronnet

La greffière,

Signé : A.S. Villette

La République mande et ordonne au préfet de la région Hauts-de-France, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

La greffière en chef,

par délégation,

l'agent de greffe,

N°23DA01532 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23DA01532
Date de la décision : 28/08/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Baronnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : AARPI RATIO-LEGIS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/09/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-08-28;23da01532 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award