Vu les procédures suivantes :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Montpellier l'annulation de l'arrêté du 8 novembre 2021 par lequel le préfet des Pyrénées-Orientales lui a refusé un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2106823 du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 8 novembre 2021, a enjoint au préfet des Pyrénées-Orientales de délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " à M. A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédures devant la cour :
I°) Sous le n° 22TL21101, par une requête, enregistrée le 6 mai 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par la SCP Vial - Pech de Laclause - Escale - Knoepffler - Huot - Piret - Joubes, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 8 avril 2022 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Montpellier ;
3°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le refus de titre de séjour méconnaissait l'article 6-1 de l'accord franco-algérien ;
- la décision en litige ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 juillet 2022, M. B... A..., représenté par Me Akdag, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 15 août 2022.
II°) Sous le n° 22TL21102, par une requête, enregistrée le 6 mai 2022, le préfet des Pyrénées-Orientales, représenté par la SCP Vial - Pech de Laclause - Escale - Knoepffler - Huot - Piret - Joubes, demande à la cour :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement du 8 avril 2022 ;
2°) de mettre à la charge de M. A... une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'il existe des moyens sérieux de nature à justifier l'annulation de ce jugement.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2022, M. B... A..., représenté par Me Akdag, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 15 août 2022.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jazeron, premier conseiller,
- et les observations de Me Hilaire, représentant le préfet des Pyrénées-Orientales.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né le 4 mars 1974 à El Affroun (Algérie), est entré sur le territoire français le 3 avril 2006 sous couvert de son passeport revêtu d'un visa de court séjour. L'intéressé a sollicité un certificat de résidence algérien en 2009, 2012, 2015 et 2016, mais il s'est vu opposer quatre refus, assortis de mesures d'éloignement, les 18 septembre 2009, 21 juin 2013, 7 avril 2015 et 27 avril 2017. M. A... a déposé une nouvelle demande de titre de séjour le 16 juin 2021, mais, par un arrêté du 8 novembre 2021, le préfet des Pyrénées-Orientales lui a opposé un nouveau refus, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la requête n° 22TL21101, le préfet des Pyrénées-Orientales relève appel du jugement du 8 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a prononcé l'annulation de cet arrêté et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. A.... Par la requête n° 22TL21102, il demande qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement. Les requêtes susvisées sont présentées par le même requérant et sont dirigées contre le même jugement. Par suite, il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. L'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé stipule que : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1) au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant. (...) ".
3. M. A... soutient qu'il réside de manière continue sur le territoire français depuis plus de dix ans à la date de l'arrêté attaqué. L'intéressé produit son passeport qui ne comporte pas d'autre tampon que ceux attestant de son arrivée en France le 3 avril 2006, ainsi que de nombreuses pièces couvrant la totalité des années comprises de 2011 à 2021, parmi lesquelles, notamment, ses avis d'imposition témoignant de la perception de salaires, ses relevés bancaires présentant des mouvements réguliers, mais aussi des relevés de la caisse primaire d'assurance maladie, des ordonnances médicales revêtues du cachet d'une pharmacie et diverses factures. Il produit également, contrairement à ce que soutient l'administration, des documents de nature à établir la réalité de sa présence en France entre mars et octobre 2021. Eu égard au nombre, à la nature et à la diversité des pièces ainsi apportées par M. A... et alors même qu'il ne justifie pas d'un domicile propre, l'intéressé démontre sa présence habituelle et continue sur le territoire national depuis plus de dix ans et était donc en droit d'obtenir le certificat de résidence prévu par les stipulations précitées de l'article 6 de l'accord franco-algérien. S'il est vrai que M. A... ne s'est conformé à aucune des précédentes mesures d'éloignement prononcées à son encontre, les périodes pendant lesquelles l'intéressé s'est maintenu sur le territoire français en dépit de ces mesures n'ont pas à être écartées, contrairement à ce que soutient l'autorité administrative, pour l'appréciation de sa durée de résidence en France au sens des stipulations dont s'agit.
4. Il en résulte que le préfet des Pyrénées Orientales n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 8 avril 2022, le tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 8 novembre 2021 et lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. A....
Sur la demande de sursis à exécution :
5. Le présent arrêt statuant sur les conclusions tendant à l'annulation du jugement du 8 avril 2022, les conclusions du préfet des Pyrénées-Orientales tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement deviennent sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés aux litiges :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce que soient mises à la charge de M. A..., qui n'a pas la qualité de partie perdante en l'espèce, les sommes réclamées par le préfet des Pyrénées-Orientales au titre des frais exposés par l'Etat. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros à verser à M. A... à ce même titre.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande de sursis à exécution présentée par le préfet des Pyrénées-Orientales dans la requête n° 22TL21102.
Article 2 : La requête du préfet des Pyrénées-Orientales n° 22TL21101 et le surplus des conclusions de la requête n° 22TL21102 sont rejetés.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 200 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à M. B... A...
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Orientales.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Chabert, président,
M. Haïli, président assesseur,
M. Jazeron, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2022.
Le rapporteur,
F. JazeronLe président,
D. Chabert
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
Nos 22TL21101, 22TL21102