Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions du 14 décembre 2020 par lesquelles le préfet de Saône-et-Loire l'aurait obligé à quitter le territoire français sans délai, l'aurait interdit de retour sur le territoire français et lui aurait fixé un pays de renvoi ainsi que la décision du même jour par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a fixé l'Algérie comme pays à destination duquel il serait renvoyé en conséquence de l'interdiction de territoire d'une durée de cinq ans prononcée contre lui par un jugement du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône du 12 octobre 2020 statuant en matière correctionnelle, et d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2003495-2100462 du 11 mai 2021, le tribunal administratif de Dijon a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 25 mai 2021, M. B..., représenté par Me Bouflija, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 11 mai 2021 et la décision du 14 décembre 2020 par laquelle le préfet de Saône-et-Loire a fixé le pays à destination duquel il serait renvoyé ;
2°) d'enjoindre au préfet de Saône-et-Loire de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard.
Il soutient que :
- la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée en fait et en droit ;
- la procédure contradictoire prévue à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration n'a pas été respectée ;
- il a introduit le 4 janvier 2021 une requête en relèvement de l'interdiction judiciaire du territoire dont il fait l'objet ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues.
La requête a été communiquée au préfet de Saône-et-Loire qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Pin, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant algérien né le 24 novembre 1990, a été condamné par un jugement du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône du 12 octobre 2020 statuant en matière correctionnelle à une peine d'emprisonnement de douze mois pour des faits de détention de produits stupéfiants, assortie d'une peine complémentaire d'interdiction du territoire français d'une durée de cinq ans emportant de plein droit reconduite à la frontière. En exécution de la décision portant interdiction du territoire, le préfet de Saône-et-Loire a, par un arrêté du 14 décembre 2020, fixé le pays à destination duquel M. B... sera reconduit. M. B... relève appel du jugement du 11 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " La peine d'interdiction du territoire français susceptible d'être prononcée contre un étranger coupable d'un crime ou d'un délit est régie par les dispositions des articles 131-30, 131-30-1 et 131-30-2 du code pénal ci-après reproduites : Art. 131-30 du code pénal. Lorsqu'elle est prévue par la loi, la peine d'interdiction du territoire français peut être prononcée, à titre définitif ou pour une durée de dix ans au plus, à l'encontre de tout étranger coupable d'un crime ou d'un délit. L'interdiction du territoire entraîne de plein droit la reconduite du condamné à la frontière, le cas échéant, à l'expiration de sa peine d'emprisonnement ou de réclusion. (...) ". Aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration que : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui, bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". Aux termes des articles L. 211-2 de ce code : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ".
3. La décision fixant le pays de renvoi d'un étranger frappé d'une peine d'interdiction du territoire français présente le caractère d'une mesure de police qui doit être motivée en application de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration et est soumise notamment aux dispositions des articles L. 121-1 et suivants de ce code selon lesquelles l'administration doit mettre à même la personne intéressée de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales en ayant la faculté de se faire assister par un conseil de son choix.
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que, par une lettre qui lui a été remise le 17 décembre 2020 à 10h35, M. B... a été informé que le préfet de Saône-et-Loire envisageait, en exécution de la peine complémentaire d'interdiction du territoire pour cinq ans dont il avait fait l'objet, de l'éloigner à destination du pays dont il a la nationalité à la date de sa levée d'écrou prévue le 9 juillet 2021 et a été invité à formuler, dans un délai de trois jours, des observations écrites ou orales sur cette mesure en se faisant assister au besoin par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix. Toutefois, M. B... s'est vu notifier concomitamment, le 17 décembre 2020 à 10h35, l'arrêté du 14 décembre 2020 décidant de sa reconduite à destination du pays dont il a la nationalité, sans qu'il ait été mis à même de faire valoir ses observations dans le délai de trois jours qui lui venait de lui être octroyé. Dans ces conditions, M. B... est fondé à soutenir qu'il a été privé de la garantie que constitue la procédure contradictoire prévue à l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration. L'arrêté du 17 décembre 2020 doit dès lors être annulé pour ce motif.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de Saône-et-Loire du 17 décembre 2020 fixant le pays de destination de son éloignement.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'annulation de la décision attaquée implique, pour son exécution, qu'il soit enjoint au préfet de Saône-et-Loire de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il y ait lieu, en l'espèce, d'assortir cette mesure d'une astreinte.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2003495-2100462 du 11 mai 2021 du tribunal administratif de Dijon et l'arrêté du 14 décembre 2020 par lequel le préfet de Saône-et-Loire a fixé le pays de destination de l'éloignement de M. B... sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Saône-et-Loire de procéder au réexamen de la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 9 décembre 2021, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Gayrard, président assesseur,
M. Pin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 janvier 2022.
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N° 21LY01667