Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... a demandé au tribunal administratif de Rennes d'annuler la décision de l'inspection du travail du Val-de-Marne du 6 juillet 2018 autorisant son licenciement pour inaptitude par la société Docapost et de mettre à la charge de l'État une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1804523 du 4 décembre 2020, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 28 janvier et 3 juin 2021, Mme D..., représentée par Me Le Roux, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 4 décembre 2020 du tribunal administratif de Rennes ;
2°) d'annuler la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'inspection du travail du Val-de-Marne était territorialement incompétente, l'établissement étant son lieu de travail dès lors que le licenciement était envisagé pour un motif personnel et non économique ;
- la décision est, en méconnaissance des dispositions de la loi du 11 juillet 1979, insuffisamment motivée ;
- le principe du contradictoire a été méconnu faute d'avoir pu présenter des observations écrites ou orales à l'inspecteur du travail et d'avoir eu accès aux éléments produits par son employeur ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, son inaptitude physique étant en lien direct avec les pressions subies en tant que représentant du personnel.
Par un mémoire, enregistré le 9 avril 2021, la société Docapost BPO, représentée par Me Schreiber, conclut au rejet de la requête et demande.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 ;
- l'ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. COIFFET,
- les conclusions de Mme Malingue, rapporteure publique,
- et les observations de Me Le Roux pour Mme D..., et de Me Damioli représentant la société Docapost.
Considérant ce qui suit :
1. Mme D..., a été embauchée le 2 décembre 1997 par la société Expérian, spécialisée dans le traitement des chèques, en qualité d'opératrice de saisie. A la suite de l'acquisition de la société Expérian par la société Docapost BPO, le contrat de travail de Mme D... a été transféré à cette dernière, dont le siège administratif est situé à Charenton-le-Pont. Mme D..., qui exerçait un mandat de délégué du personnel, a été placée à compter du 5 avril 2012, et de façon épisodique, en arrêt de travail puis de nouveau, et en tout dernier lieu à compter du 30 mai 2017, de façon continue. Elle s'est vue reconnaître par la Caisse primaire d'assurances maladie une invalidité de catégorie II le 1er janvier 2018. A l'occasion d'une visite médicale pour la reprise du travail le 12 mars 2018, le médecin du travail l'a jugée inapte à tout poste au titre de l'article R. 4624-42 du code du travail, estimant que " Tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ". Mme D..., dont le poste était situé au sein de l'établissement de C... (Ille-et-Vilaine) a été convoquée pour un entretien préalable à son licenciement le 15 mars 2018, puis à une réunion du comité d'entreprise le 26 avril 2018. Le 4 mai 2018, la société a demandé à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi du Val-de-Marne d'autoriser son licenciement. Par une décision du 6 juillet 2018, reçue le 11 juillet, le responsable de l'unité de contrôle 4 de l'inspection du travail relevant de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi du Val-de-Marne a autorisé le licenciement de Mme D....
2. Cette dernière a, le 30 juillet 2018, saisi le tribunal administratif de Rennes d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Mme D... relève appel du jugement du 4 décembre 2020 par lequel cette juridiction a rejeté sa demande.
Sur la légalité de la décision d'autorisation de licenciement :
3. En premier lieu, Mme D... qui exerçait ses fonctions au sein de l'établissement de C... (Ille-et-Vilaine) soutient que la décision contestée du 6 juillet 2018 de l'inspecteur du travail du Val-de-Marne serait entachée d'incompétence territoriale de son auteur.
4. Aux termes de l'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable à la date de la demande d'autorisation de licenciement de Mme D... : " (...) La demande d'autorisation de licenciement est adressée à l'inspecteur du travail dont dépend l'établissement dans lequel le salarié est employé. (...) ". Il résulte de ces dispositions que l'inspecteur du travail compétent pour se prononcer sur une demande d'autorisation de licencier un salarié protégé est celui dans le ressort duquel se trouve l'établissement disposant d'une autonomie de gestion suffisante où le salarié est affecté ou rattaché. A défaut, l'inspecteur du travail compétent est celui dans le ressort duquel se trouve le siège social de l'entreprise qui emploie le salarié protégé, même lorsque cette entreprise appartient à un groupe.
5. Mme D... qui conteste l'application qui lui a été faite des dispositions de l'article L. 2421-3 du code du travail, citées au point précédent, et des principes qui en résultent invoque, tout d'abord, l'article L. 2421-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance 20 décembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l'entreprise, lequel indique que " si la demande d'autorisation de licenciement repose sur un motif personnel, l'établissement s'entend comme le lieu principal de travail du salarié ". Elle soutient ainsi que, eu égard au motif de son licenciement, la demande d'autorisation aurait dû être adressée à l'inspecteur du travail de son lieu de travail principal, à savoir celui d'Ille-et -Vilaine et non à l'inspecteur du travail du Val-de-Marne. Toutefois l'article 11 de l'ordonnance précitée du 22 septembre 2017 prévoit le maintien des règles de protection en vigueur à la date de cette ordonnance pendant la période transitoire prévue à son article 9, au nombre desquelles figure expressément l'ancien article L.2421-3 du code du travail et ce, lorsqu'ont été mises en place, comme c'est le cas en l'espèce, au plus tard le 31 décembre 2017, une ou plusieurs des institutions représentatives du personnel, concernées par les dispositions en cause.
6. Il ressort des pièces du dossier que l'établissement de C... dans lequel exerçait Mme D... ne disposait pas d'une autonomie de gestion suffisante en matière de gestion des ressources humaines et ne disposait pas d'un comité d'établissement. Dès lors, c'est l'inspecteur du travail dont dépend le siège social de l'entreprise qui était compétent pour statuer sur la demande d'autorisation de licenciement présentée par la société Docapost BPO. Le moyen tiré de l'incompétence de l'inspecteur du travail du Val-de-Marne doit dès lors être écarté.
7. En deuxième lieu, Mme D... soutient que la décision contestée du 6 juillet 2018 serait insuffisamment motivée.
8. Il ressort des pièces du dossier que la décision contestée du 6 juillet 2018 de l'inspecteur du travail vise les articles L. 2411-1 et L. 2411-8 et suivants du code du travail, applicables en l'espèce, ainsi que les résultats de l'enquête contradictoire réalisée le 29 mai 2018, rappelle avec détails la teneur de l'avis d'inaptitude du médecin du travail du 13 avril 2018 ainsi que le classement en invalidité de 2ème catégorie de la requérante par la caisse primaire d'assurance maladie et qu'au regard de l'avis en cause, la société était dispensée de son obligation de reclassement. La décision précise enfin que la demande de licenciement formulée par l'employeur de Mme D... n'est pas en relation avec le mandat de représentant du personnel. La décision contestée du 6 juillet 2018, qui comporte ainsi les considérations de fait et les motifs de droit qui la fondent, est suffisamment motivée. Le moyen sera écarté.
9. En troisième lieu, Mme D... soutient qu'en méconnaissance du principe du contradictoire, elle n'a pas été en mesure de présenter des observations écrites ou orales dans le cadre de l'enquête contradictoire ni même avoir été informée de ce droit.
10. Aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat. (...) ". Cette disposition implique, pour le salarié dont le licenciement est envisagé, le droit d'être entendu personnellement et individuellement par l'inspecteur du travail, sauf s'il s'abstient, sans motif légitime, de donner suite à la convocation. Par ailleurs, si le caractère contradictoire de l'enquête administrative implique de mettre à même le salarié de prendre connaissance, en temps utile, de l'ensemble des pièces produites par l'employeur à l'appui de sa demande d'autorisation de licenciement ainsi que des éléments déterminants qui ont pu être recueillis par l'inspecteur du travail au cours de l'instruction de cette demande, il n'impose pas à l'administration de lui communiquer, de sa propre initiative ou dans tous les cas, l'ensemble de ces pièces et éléments.
11. Il ressort des pièces du dossier que Mme D... a été informée par un courrier de convocation adressé en recommandé avec accusé de réception du 15 mai 2018, dont la réception en temps utile n'est pas contestée, que l'enquête contradictoire prévue à l'article R. 2421-11 précité se déroulerait le 29 mai 2018 à 10h00 dans les locaux du siège de l'entreprise Docapost BPO à Charenton-le-Pont. Le même courrier précisait à l'intéressée qu'elle disposait d'un droit d'accès et de communication à tout document déterminant produit par l'employeur à cette occasion. Or, il est constant que Mme D... n'a pas cependant assisté à l'enquête contradictoire à laquelle elle a été régulièrement convoquée, sans justifier d'un motif légitime à cette abstention. Le certificat médical qu'elle produit porte sur un déplacement le 16 avril 2018 et aucun élément du dossier ne permet d'établir non plus qu'elle aurait transmis un certificat médical à l'inspecteur du travail justifiant de son impossibilité de se déplacer le 29 mai 2018 au siège de l'entreprise Docapost BPO. La requérante n'a, par ailleurs, avant l'édiction de la décision contestée, jamais sollicité un quelconque accès aux documents de la procédure. Ainsi, quand bien même l'inspecteur de travail ne l'a pas contactée pour recueillir ses observations postérieurement à cette convocation, la requérante a été mise à même de formuler des observations au cours de l'enquête contradictoire et de prendre connaissance, en temps utile, de l'ensemble des pièces auxquelles l'accès lui a été ouvert. Le moyen sera écarté.
12. En quatrième et dernier lieu, Mme D... soutient que la décision contestée du 12 juin 2018 serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que l'inspecteur du travail a estimé que la demande d'autorisation de licenciement n'était pas en rapport avec son mandat.
13. En vertu du code du travail, les salariés protégés bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise.
14. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier, d'une part, que Mme D... a, ainsi qu'il a été dit au point 1, été placée en arrêt de travail à plusieurs reprises à partir du mois d'avril 2012, a été victime d'un malaise vagal sur son lieu de travail le 31 décembre 2015, puis a de nouveau, et en dernier lieu à compter du 31 mai 2017, été arrêtée " pour anxiété réactionnelle grave ", enfin a été reconnue en invalidité de deuxième catégorie le 1er janvier 2018 par la caisse primaire d'assurance maladie. Elle a, à l'occasion d'une visite de reprise le 12 mars 2018, été reconnue inapte au travail par le médecin du travail avec une dispense de l'obligation de reclassement, avec la mention que le maintien de la salariée dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé. D'autre part, il est constant que Mme D... a été convoquée le 4 janvier 2013 à un entretien préalable à une éventuelle mesure disciplinaire, procédure qui a été abandonnée le 9 avril 2013. Si au cours de la période 2012-2013, il peut être retenu l'existence de difficultés relationnelles entre cette salariée et son management, ainsi que le directeur des ressources humaines l'a d'ailleurs reconnu le 25 janvier 2013, à l'origine d'une situation de mal-être au travail, les éléments du dossier ne permettent en revanche pas d'établir, ainsi que l'avance la requérante, l'existence de pressions, de brimades et d'humiliations à son encontre ni qu'elle aurait été " systématiquement confrontée à des situations d'entrave au droit syndical et aux réunions des délégués du personnel à l'origine d'une réelle souffrance pour elle ". Dans ces conditions, c'est à juste titre que l'inspecteur du travail a retenu que le licenciement pour inaptitude professionnelle n'était pas en relation avec les fonctions de délégué du personnel de l'intéressée. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation doit donc être écarté.
15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que Mme D... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision de l'inspecteur du travail du 6 juillet 2018 autorisant son licenciement pour inaptitude.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Docapost BPO, qui n'est pas partie perdante, la somme que Mme D... demande au titre des frais liés au litige.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme D... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D..., à la société Docapost BPO et à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2022, à laquelle siégeaient :
- M. Gaspon, président de chambre,
- M. Coiffet, président assesseur,
- Mme Gélard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 mars 2022.
Le rapporteur,
O.COIFFETLe président,
O. GASPON
La greffière,
I. PETTON
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N°21NT00232 2
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