Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...H...a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 12 juin 2014 par laquelle l'inspecteur du travail de la cinquième section de l'unité territoriale de l'Eure a autorisé son licenciement pour motif économique.
Par un jugement n° 1402505 du 12 mai 2016, le tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 11 juillet 2016, et un mémoire en réplique, enregistré le 26 juillet 2017, la SELARL Montravers-Yang-Ting, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Interface cosmétiques et parfums, représentée par Me A...D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de M. C...H...la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Hervé Cassara, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par trois jugements des 17 décembre 2013, 16 avril 2014 et 6 mai 2014, le tribunal de commerce de Paris a, respectivement, placé la société Interface cosmétiques et parfums (" ICP ") en redressement judiciaire, arrêté le plan de cession au bénéfice de la société Eurasia group prévoyant la reprise de 19 des 43 salariés, et donné l'autorisation de procéder aux licenciements économiques de 24 salariés de la société ICP. La SELARL Montravers-Yang-Ting, es qualité de liquidateur judiciaire de la société ICP, relève appel du jugement du 12 mai 2016 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 12 juin 2014, par laquelle l'inspecteur du travail de la cinquième section de l'unité territoriale de l'Eure a autorisé le licenciement pour motif économique de M. C... H..., magasinier cariste employé depuis le 1er juillet 1980 par la société ICP, détenant les mandats de délégué unique du personnel suppléant, de représentant syndical ainsi que de secrétaire adjoint du comité d'entreprise.
2. Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. (...) ". Aux termes de l'article L. 642-5 du code du commerce : " Après avoir recueilli l'avis du ministère public et entendu ou dûment appelé le débiteur, le liquidateur, l'administrateur lorsqu'il en a été désigné, les représentants du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel et les contrôleurs, le tribunal retient l'offre qui permet dans les meilleures conditions d'assurer le plus durablement l'emploi attaché à l'ensemble cédé, le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d'exécution. Il arrête un ou plusieurs plans de cession. (...) Lorsque le plan prévoit des licenciements pour motif économique, il ne peut être arrêté par le tribunal qu'après que la procédure prévue à l'article L. 1233-58 du code du travail a été mise en oeuvre, à l'exception du 6° du I et des trois premiers alinéas du II de cet article. Le plan précise notamment les licenciements qui doivent intervenir dans le délai d'un mois après le jugement (...) Lorsque le licenciement concerne un salarié bénéficiant d'une protection particulière en matière de licenciement, ce délai d'un mois après le jugement est celui dans lequel l'intention de rompre le contrat de travail doit être manifestée ".
3. En vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. En outre, en application des dispositions citées au point 2, lorsqu'une entreprise est liquidée et son activité cédée, le tribunal de commerce arrête un ou plusieurs plans de cession qui précisent éventuellement les licenciements devant intervenir dans le délai d'un mois après le jugement. Si le salarié dont le licenciement est prévu bénéficie d'un statut protecteur, l'administrateur doit solliciter l'autorisation nominative de l'inspecteur du travail qui vérifie, outre le respect des exigences procédurales légales et des garanties conventionnelles, que ce licenciement n'est pas en lien avec le mandat du salarié, que la suppression du poste en cause est réelle et a été autorisée par le tribunal, que l'employeur s'est acquitté de son obligation de reclassement et qu'aucun motif d'intérêt général ne s'oppose à ce que l'autorisation soit accordée.
4. Il ressort, d'une part, du procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 13 juin 2014 qui, s'il est postérieur à la date de la décision attaquée, permet d'éclairer les conditions dans lesquelles cette décision a été prise, qu'à la question posée par l'un des participants à cette réunion : " qui va remplacer Mme E...ainsi que M.H... ' ", le dirigeant de la société Eurasia group, repreneur de la société ICP, répond : " Mme G...remplace Mme E...au contrôle et M. B... F...remplace M. H... au poste de magasinier cariste ". Il ressort, d'autre part, tant des pièces produites par M. H..., notamment des justificatifs de présence dans l'entreprise, dont certains sont d'ailleurs antérieurs à la date de la décision attaquée, que des pièces produites par la SELARL Montravers-Yang-Ting en cause d'appel, notamment un avenant au contrat de travail de M. B...F...prévoyant que celui-ci est mis à la disposition de la société ICP par la SARL GBE du 12 mai 2014 au 30 août 2014, que, à la date de la décision attaquée, M. B...F...occupait, au sein de la société ICP, le poste de magasinier cariste autrefois occupé par M. H..., et que cette situation a perduré au moins jusqu'au 30 août 2014. Il ressort aussi des feuilles de présence dans l'entreprise postérieures à cette dernière date que si M.F..., qui travaillait toujours au sein de la société ICP, occupait le plus souvent un autre poste, celui de magasinier cariste demeurait pourvu notamment par M. I..., au demeurant gérant de la SARL GBE qui employait M. F.... Dès lors, à la date de la décision attaquée, la réalité de la suppression du poste de magasinier cariste occupé par M. H... n'était pas établie, alors que les décisions du tribunal de commerce citées au point 1 prévoyaient la suppression de ce poste et ce, nonobstant la volonté exprimée, dans un premier temps, par M. H..., de se porter volontaire dans le cadre de la restructuration de l'entreprise. Par suite, en relevant dans la décision en litige que " la suppression du poste occupé par M. H...est établie ", l'inspecteur du travail s'est fondé sur des faits matériellement inexacts.
5. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Montravers-Yang-Ting n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a annulé la décision du 12 juin 2014, par laquelle l'inspecteur du travail de la cinquième section de l'unité territoriale de l'Eure a autorisé le licenciement pour motif économique de M. H....
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. H..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SELARL Montravers-Yang-Ting demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge la SELARL Montravers-Yang-Ting une somme de 1500 euros au titre des frais exposés par M. H... et non compris dans les dépens. Enfin, la présente instance n'a entraîné aucun dépens. Dès lors, les conclusions de M. H... tendant à ce que les dépens soient mis à la charge de la SELARL Montravers-Yang-Ting ne peuvent qu'être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SELARL Montravers-Yang-Ting est rejetée.
Article 2 : La SELARL Montravers-Yang-Ting versera à M. H... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions de M. H... présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Montravers-Yang-Ting et à M. C... H....
Copie en sera transmise pour information à la ministre du travail.
N°16DA01284 2