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30/03/2020 | FRANCE | N°18NT04584

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 4ème chambre, 30 mars 2020, 18NT04584


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 20 septembre 2017 par laquelle le procureur général près la cour d'appel d'Orléans lui a refusé la qualité de notaire honoraire.

Par un jugement n° 1704099 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 décembre 2018 et 16 janvier 2020, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour

:

1°) d'annuler ce jugement du 8 novembre 2018 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) d'annuler...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... C... a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'annuler la décision du 20 septembre 2017 par laquelle le procureur général près la cour d'appel d'Orléans lui a refusé la qualité de notaire honoraire.

Par un jugement n° 1704099 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 décembre 2018 et 16 janvier 2020, M. C..., représenté par Me E..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 8 novembre 2018 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) d'annuler la décision du 20 septembre 2017 par laquelle le procureur général près la cour d'appel d'Orléans lui a refusé la qualité de notaire honoraire ;

3°) de condamner l'Etat aux dépens et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier : en méconnaissance de l'article R. 711-3 du code de justice administrative le sens des conclusions du rapporteur public mises en ligne n'expose pas les motifs du rejet préconisé de la requête, dont le motif finalement retenu par le jugement ; en méconnaissance du principe du contradictoire et de l'article R. 611-7 du code de justice administrative un fait fondant le jugement n'a pas été soulevé en défense et ne constitue pas un moyen d'ordre public ; le jugement est entaché d'une insuffisance de motivation s'agissant de l'appréciation du bien évoqué en son point 7 ; le jugement est entaché d'erreur de fait et de dénaturation des pièces du dossier en ce qu'il lui impute des manquements à ses obligations professionnelles et déontologiques en son point 8 ;

- la décision du 20 septembre 2017 est entachée de vices de procédure en ce que le procureur général près la cour d'appel d'Orléans n'était pas signataire de la demande qui lui a été faite de présenter des observations en réponse à l'avis du conseil régional des notaires ; cette demande était imprécise ; les faits retenus pour s'opposer à sa demande sont matériellement inexacts et la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; la décision est entachée d'une erreur de droit en ce qu'il est fait état du délai de six ans écoulé entre sa cessation de fonction et sa demande.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2020, la garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A...,

- les conclusions de M. Besse, rapporteur public,

- et les observations de Me E..., représentant M. C....

Une note en délibéré présentée pour M. C... a été enregistrée le 4 mars 2020.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... a exercé la profession de notaire de 1981 à 2011. Il a sollicité, le 6 juin 2017, le titre de notaire honoraire. Le procureur général près la cour d'appel d'Orléans a rejeté cette demande par la décision contestée du 20 septembre 2017, après avoir recueilli les avis, défavorables, du conseil régional des notaires de la cour d'appel d'Orléans et de la chambre départementale des notaires de Loir-et-Cher. Par un jugement du 8 novembre 2018, dont M. C... relève appel, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne ". La communication aux parties du sens des conclusions prévue par ces dispositions a pour objet de les mettre en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, de préparer, le cas échéant, les observations orales qu'elles peuvent y présenter, après les conclusions du rapporteur public, à l'appui de leur argumentation écrite et d'envisager, si elles l'estiment utile, la production, après la séance publique, d'une note en délibéré. En conséquence, les parties ou leurs mandataires doivent être mis en mesure de connaître, dans un délai raisonnable avant l'audience, l'ensemble des éléments du dispositif de la décision que le rapporteur public compte proposer à la formation de jugement d'adopter, à l'exception de la réponse aux conclusions qui revêtent un caractère accessoire, notamment celles qui sont relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Cette exigence s'impose à peine d'irrégularité de la décision rendue sur les conclusions du rapporteur public. Par ailleurs, il appartient au rapporteur public de préciser, en fonction de l'appréciation qu'il porte sur les caractéristiques de chaque dossier, les raisons qui déterminent la solution qu'appelle, selon lui, le litige, et notamment d'indiquer, lorsqu'il propose le rejet de la requête, s'il se fonde sur un motif de recevabilité ou sur une raison de fond, et de mentionner, lorsqu'il conclut à l'annulation d'une décision, les moyens qu'il propose d'accueillir, la communication de ces informations n'étant toutefois pas prescrite à peine d'irrégularité de la décision.

3. Il est constant que le rapporteur public, deux jours avant la tenue de l'audience du tribunal administratif d'Orléans du 18 octobre 2018, a porté à la connaissance des parties qu'il conclurait au rejet au fond de la requête de M. C.... Ainsi qu'il a été exposé précédemment il n'était pas tenu de communiquer aux parties, préalablement à l'audience, les raisons pour lesquelles il envisageait de conclure en ce sens, ou les pièces du dossier auxquelles il se référait. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que le sens des conclusions aurait été porté à sa connaissance de manière incomplète et que le jugement serait, par suite, entaché d'irrégularité.

4. En deuxième lieu, la circonstance que le jugement attaqué se réfère à des courriers des 27 octobre 2003 et 28 juin 2004 afin de répondre au moyen soulevé par M. C... tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision contestée ne méconnait pas le principe du contradictoire, s'agissant au surplus de documents versés au dossier de première instance par le requérant lui-même, et ne saurait constituer un moyen relevé d'office au sens de l'article R. 611-7 du code de justice administrative. Ainsi l'irrégularité de procédure alléguée ne peut qu'être écartée.

5. En troisième lieu, pour écarter les moyens présentés par M. C..., le jugement retient l'existence d'un manquement de ce dernier à ses obligations professionnelles et déontologiques au motif qu'il doit être regardé comme étant intervenu, même indirectement, dans le cadre de la vente d'un bien sous-évalué, compris dans une succession dont il avait la charge, au profit d'une SCI composée notamment de deux de ses enfants. En mentionnant les caractéristiques de l'appartement en débat et en indiquant que, " compte-tenu de sa localisation, cette somme [150 000 euros] est très nettement inférieure à celle à laquelle le vendeur aurait pu prétendre ", les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement. Par suite, M. C... n'est pas davantage fondé à soutenir que le jugement attaqué serait irrégulier en raison d'une insuffisante motivation.

6. En dernier lieu, M. C... soutient que les premiers juges auraient commis une erreur de fait et une dénaturation des pièces du dossier dans leur appréciation, au point 7 du jugement, relative à la date de clôture de la succession. Ces moyens procèdent, toutefois, d'une contestation du bien-fondé du jugement et non de sa régularité. Ils doivent donc être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

7. En premier lieu, aux termes de l'article 27 du décret modifié du 19 décembre 1945 pris pour l'application du statut du notariat : " Le titre de notaire honoraire peut être conféré par le procureur général près la cour d'appel, après avis de la chambre des notaires et du conseil régional, aux notaires qui ont exercé leurs fonctions pendant au moins vingt ans. ". Il résulte de ces dispositions que l'octroi du titre de notaire honoraire ne constitue pas un droit pour les postulants remplissant les conditions liées à la durée d'exercice de leurs fonctions professionnelles, le procureur général disposant d'un large pouvoir d'appréciation pour accorder ou non cette qualité. Par suite l'appréciation, à laquelle se livre le procureur général près la cour d'appel, de l'éminence des mérites d'un postulant au titre de notaire honoraire ne saurait, dès lors qu'elle ne repose pas sur des faits matériellement inexacts et n'est entachée ni d'erreur de droit ni de détournement de pouvoir, faire l'objet devant le juge de l'excès de pouvoir que d'un contrôle de l'erreur manifeste.

8. En l'espèce, il ressort des pièces du dossier qu'après réception de l'avis défavorable émis par le conseil régional des notaires de la cour d'appel d'Orléans, un courrier daté du 30 août 2017, signé pour le procureur général près la cour d'appel d'Orléans par l'avocat général près la même cour, a demandé à M. C... de s'expliquer au vu des motifs de cet avis qui y sont analysés et dont un extrait est cité. M. C... y a répondu de manière circonstanciée par un courrier du 13 septembre suivant. Par suite, la circonstance que le courrier du 30 août 2017 ait été signé par l'avocat général et non le procureur général est resté sans incidence sur la légalité de la décision contestée du 20 septembre 2017. De plus, la citation faite dans ce même courrier de la position du conseil régional des notaires constitue la reprise exhaustive de la motivation défavorable de l'avis émis par cette instance le 13 septembre 2017 et a ainsi constitué une information pertinente pour l'intéressé. Enfin, il ne ressort ni des termes de ce courrier du 30 août 2017 ni des autres pièces du dossier que le procureur général avait décidé dès cette date de refuser le titre de notaire honoraire sollicité par M. C.... Ainsi, les vices de procédure allégués ne peuvent qu'être écartés.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... a pris en charge, en sa qualité de notaire, le règlement de la succession d'une personne âgée décédée, propriétaire d'un appartement de 87 m² à Boulogne Billancourt, que son héritier a vendu, le 11 septembre 2004, à une SCI constituée notamment de deux fils de M. C... pour un montant de 150 000 euros.

10. La décision contestée retient, sans être utilement contredite par le requérant, qu'à la date de cette vente le règlement de la succession de la personne décédée n'était pas close et que M. C... restait donc le conseil de son héritier. Par ailleurs, M. C... ne pouvait ignorer le projet de vente de ce bien immobilier à la SCI mentionnée dès lors que des courriers destinés à l'un de ses fils à propos de cette vente, émanant du vendeur et du syndic de l'immeuble, ont été adressés à son office notarial et confiés à ses bons soins en 2003 et 2004. Il ressort également des pièces du dossier, notamment des avis défavorables du conseil régional des notaires de la cour d'appel d'Orléans, cité au point 8, et de celui de la chambre des notaires du département de Loir-et-Cher, en date du 5 juillet 2017, que le conseil supérieur du notariat a envisagé en 2014 une procédure disciplinaire pour les faits cités avant d'y renoncer en raison de la cessation d'activité de M. C.... Enfin, il résulte d'un rapport circonstancié du 14 août 2013, reposant sur des éléments de comparaison précis et le constat de la vétusté du bien immobilier en discussion, réalisé par un notaire à la demande du président de la chambre des notaires de Loir-et-Cher envisageant alors de sanctionner M. C..., que la vente de l'appartement est intervenue à un prix nettement sous-évalué. Par ailleurs la seule circonstance que par un courrier du 27 octobre 2003 le vendeur de l'appartement ait estimé à 150 000 euros ce bien n'est pas de nature à lever l'obligation de conseil qui pesait alors sur M. C.... Enfin la circonstance que ce dernier n'ait pas reçu l'acte de vente en sa qualité de notaire, mais que cela ait été fait par un confrère, et ami, est sans incidence au regard de la décision contestée. Ainsi M. C... n'est pas fondé à soutenir que la décision contestée serait entachée d'erreurs de fait ou d'une erreur manifeste d'appréciation.

11. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier et de ce qui a été exposé précédemment que la décision contestée constituerait une sanction disciplinaire déguisée.

12. En dernier lieu, la décision contestée n'est pas fondée sur le retard de la demande de M. C..., qui avait déjà cessé son activité depuis plusieurs années, à solliciter le bénéfice du titre de notaire honoraire. Par suite, l'erreur de droit soulevée par le requérant en raison du fait qu'un tel motif ne pouvait fonder cette décision ne peut qu'être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande.

Sur les dépens :

14. La présente instance n'ayant généré aucun dépens, la demande de M. C... tendant au paiement des dépens par l'Etat ne peut qu'être rejetée.

Sur les frais d'instance :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à l'octroi d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens à la partie perdante. Il y a lieu, dès lors, de rejeter les conclusions présentées à ce titre par M. C....

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et à la garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 3 mars 2020, à laquelle siégeaient :

- M. Lainé, président de chambre,

- M. A..., président assesseur,

- M. Jouno, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe de la juridiction le 30 mars 2020.

Le rapporteur,

C. A...

Le président,

L. Lainé

La greffière,

M. B...

La République mande et ordonne à la garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT04584


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT04584
Date de la décision : 30/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. LAINE
Rapporteur ?: M. Christian RIVAS
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : CABINET MARCHIANI

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2020-03-30;18nt04584 ?
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