Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 11 juin 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n°2005239 du 26 octobre 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 5 février 2021 sous le n°21MA00515, M. B... A..., représenté par Me Carmier, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 26 octobre 2020 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler l'arrêté du 11 juin 2020 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour et, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière, en l'absence de preuve de la compétence du collège de médecins ayant rendu l'avis défavorable à son admission au séjour ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur de fait dès lors que, d'une part, le traitement approprié à son affection n'est pas disponible au Tchad, qu'il n'est pas accessible à l'ensemble de la population eu égard à l'absence de modes de prise en charge adaptés et que, d'autre part, le défaut de prise en charge de son état de santé entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité ;
- elle est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'admission exceptionnelle au séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français :
- elle doit être annulée en conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions du 3ème alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ainsi que les stipulations des article 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision fixant le pays de destination :
- elle méconnaît les dispositions du 3ème alinéa de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ainsi que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et les stipulations de l'article 35 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 21 juillet 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 13 août suivant.
Par une décision du 11 décembre 2020, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
II. Par une requête, enregistrée le 25 mars 2021 sous le n°21MA01176, et un mémoire enregistré le 5 mai 2021, M. B... A..., représenté par Me Carmier, demande à la Cour :
1°) de prononcer, sur le fondement des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement du 26 octobre 2020 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'exécution de la décision risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;
- les moyens d'annulation développés dans la requête au fond sont sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 avril 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 21 juillet 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 13 août suivant.
Par une décision du 11 décembre 2020, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
III. Par une requête, enregistrée le 7 juin 2021 sous le n° 21MA02153, et un mémoire enregistré le 10 juin 2021, M. B... A..., représenté par Me Carmier, demande à la Cour :
1°) de prononcer, sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'exécution de l'arrêté du 11 juin 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- la condition d'urgence est remplie ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité de la décision.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2021, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 21 juillet 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 13 août suivant.
Par une décision du 25 juin 2021, confirmée par une décision du 30 août 2021, M. A... n'a pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de Mme Balaresque,
- et les observations de Me Carmier représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. Par une requête n° 21MA00515, M. A..., ressortissant tchadien né en 1988, relève appel du jugement du 26 octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 11 juin 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office. Par une deuxième requête, enregistrée sous le n°21MA01176, l'intéressé demande de prononcer le sursis à exécution de ce jugement. Enfin, par une troisième requête, enregistrée sous le n° 21MA02153, l'intéressé demande au juge des référés de prononcer la suspension de l'exécution de l'arrêté du 11 juin 2020.
Sur la jonction :
2. Les trois requêtes susvisées ont été présentées par le même requérant, dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables. Elles ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul et même arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes des dispositions de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des certificats émanant du médecin psychiatre qui suit M. A... depuis décembre 2016, que ce dernier souffre de troubles dépressifs majeurs de type psychotique et que les soins nécessaires à son état de santé contiennent la prescription d'un traitement antidépresseur, antipsychotique et anxiolytique. Le collège des médecins de l'OFII, dans son avis du 23 mars 2020, a estimé que, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, ce dernier peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays dont il est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Toutefois, il ressort des pièces produites pour la première fois en appel, notamment des certificats établis les 20 avril 2021 et 24 juin 2021 par le psychiatre qui suit M. A..., d'une part, que le traitement de ce dernier, composé des médicaments Abilify 30 mg, Brintellix 20mg et Temesta 5mg, qui lui ont été prescrits " en raison de l'inefficacité d'autres spécialités dans les mêmes classes médicamenteuses (antidépresseur classiques inefficaces et effets secondaires des neuroleptiques classiques) ", ne peut pas être substitué par un autre issu d'une autre classe thérapeutique sans engager de " risque vital en raison du risque suicidaire majeur lors des rechutes " et, d'autre part, que les médicaments Brintellix et Abilify, qui sont respectivement des antidépresseur et neuroleptique de deuxième génération, ne sont pas disponibles au Tchad, ce que le préfet, qui n'a pas répliqué après la production de ces pièces nouvelles, ne conteste pas en se bornant à soutenir que l'intéressé n'établit pas la caractère non substituable de son traitement actuel. Dans ces conditions, les éléments produits par M. A... en appel sont de nature à remettre en cause l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration précité. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, en se fondant sur cet avis et en mentionnant qu'aucun élément n'est de nature à le remettre en cause, le préfet des Bouches-du-Rhône a méconnu les dispositions du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et a entaché d'illégalité le refus de titre de séjour pour raisons de santé opposé à M. A.... L'intéressé est par suite fondé à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour prise à son encontre est entachée d'illégalité ainsi que, par voie de conséquence, la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Sur les requêtes n°21MA01176 et n° 21MA02153 :
5. Le présent arrêt statue sur les conclusions à fin d'annulation de la requête. Dès lors, les conclusions des requêtes n°21MA01176 et n° 21MA02153 de M. A... tendant respectivement à l'application des dispositions de l'article R. 811-17 et de l'article L. 521-1 du code de justice administrative sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
6. L'exécution du présent arrêt, qui annule la décision de refus de titre de séjour du 11 juin 2020, implique nécessairement la délivrance à M. A... d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à l'intéressé un tel titre de séjour dans un délai fixé, dans les circonstances de l'espèce, à deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais de l'instance :
7. Il résulte des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative que l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle peut demander au juge de condamner la partie perdante à lui verser la somme correspondant à celle qu'il aurait réclamée à son client, si ce dernier n'avait pas eu l'aide juridictionnelle, à charge pour l'avocat qui poursuit, en cas de condamnation, le recouvrement de la somme qui lui a été allouée par le juge, de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, en application de ces dispositions, de faire droit à la demande présentée par l'avocat de M. A..., qui a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle dans les instances introduites sous les n°21MA00515 et 21MA01176, et de mettre à la charge de l'Etat la somme globale de 2 000 euros à verser à Me Carmier.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les requêtes n°21MA01176 et n° 21MA02153 de M. A....
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 octobre 2020 et l'arrêté du 11 juin 2020 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de délivrer un titre de séjour à M. A... et l'a obligé à quitter le territoire dans un délai de trente jours sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat (ministre de l'intérieur) versera une somme globale de 2 000 euros à Me Carmier en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat aux missions d'aide juridictionnelle qui lui ont été confiées.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête n°21MA00515 est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Me Carmier et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 20 septembre 2021, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Merenne, premier conseiller,
- Mme Balaresque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2021.
N°s 21MA00515 - 21MA01176 - 21MA02153 3