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14/02/2025 | FRANCE | N°24DA01554

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 14 février 2025, 24DA01554


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 18 mars 2024 par lequel le préfet de l'Eure l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.



Par un jugement n° 2401112 du 26 juillet 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Rouen d'annuler l'arrêté du 18 mars 2024 par lequel le préfet de l'Eure l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par un jugement n° 2401112 du 26 juillet 2024, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés sous le n° 24DA01554 les 31 juillet 2024 et 7 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Dekimpe, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Eure en date du 18 mars 2024 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Eure de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de sept jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est irrégulier pour ne comporter que des visas imprécis et généraux et, par suite, pour être insuffisamment motivé en droit ;

- il est également irrégulier pour avoir omis de répondre aux moyens nouveaux soulevés dans son mémoire complémentaire ;

- il a été rendu en méconnaissance des stipulations de l'article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il est entaché de contradiction de motifs pour retenir, d'une part, qu'il réside avec un de ses enfants et, d'autre part, qu'il ne justifie pas participer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants français ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français procède d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire méconnaît les dispositions des articles L. 612-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français est entachée d'une insuffisance de motivation ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2024, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la requête d'appel de M. A....

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête et un mémoire, enregistrés sous le n° 24DA01556 les 31 juillet 2024 et 7 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Dekimpe, demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 26 juillet 2024 et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les moyens qu'il a énoncés dans sa requête d'appel contre le jugement du tribunal administratif de Rouen en date du 26 juillet 2024 sont sérieux ;

- l'exécution de ce jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- il s'ensuit qu'il est fondé, en application des dispositions de l'article R. 811-17 du code de justice administrative, à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 octobre 2024, le préfet de l'Eure conclut au rejet de la demande de M. A....

Il fait valoir que M. A... ne démontre pas les conséquences difficilement réparables auxquelles l'exposerait l'exécution du jugement attaqué et qu'aucun des moyens de sa requête d'appel n'est sérieux.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Toutias, premier conseiller,

- et les observations de Me Dekimpe, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., né le 5 janvier 1988, de nationalité sénégalaise, est selon ses déclarations entré en France alors qu'il était âgé d'un an et s'y est maintenu sans interruption depuis lors, sans jamais acquérir de situation régulière. Par arrêté du 18 mars 2024, le préfet de l'Eure l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il doit être éloigné et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par sa requête sous le n° 24DA01554, M. A... relève appel du jugement du 26 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté. Par sa requête sous le n° 24DA01556, il sollicite en outre le sursis à exécution de ce jugement. Les requêtes nos 24DA01554 et 24DA01556 présentées par M. A... étant relatives au même jugement, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un même arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision (...) contient (...) l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. / (...) ". En l'espèce, le jugement attaqué vise la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, la convention internationale relative aux droits de l'enfant, le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le code de justice administrative et reproduit en outre, dans ses motifs, celles des dispositions et stipulations de ces textes sur lesquels le tribunal s'est fondé. Ainsi, ces mentions ont mis M. A... à même de prendre connaissance des stipulations et dispositions dont le tribunal a fait application pour répondre aux moyens et conclusions dont il l'avait saisi et, par suite, satisfont aux dispositions précitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative. Le moyen d'irrégularité soulevé en ce sens par M. A... doit, dès lors, être écarté.

3. En deuxième lieu, le jugement attaqué vise et analyse le mémoire complémentaire déposé par M. A... au greffe du tribunal administratif de Rouen le 27 mai 2024. En se référant, dans ce mémoire complémentaire, aux motifs de l'ordonnance rendue le 25 mars 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Rouen sur sa situation ainsi qu'à ceux du jugement rendu le 2 avril 2024 par la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise sur sa requête à fin d'annulation d'un arrêté d'assignation à résidence pris à son encontre par le préfet du Val d'Oise le 25 mars 2024, M. A... ne pouvait être regardé comme ayant saisi le tribunal administratif de Rouen d'un moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée mais seulement comme formulant un argument nouveau au soutien de son moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ce moyen a été écarté par des motifs suffisants au point 4 du jugement attaqué, qui n'était au demeurant pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par M. A.... Le moyen d'irrégularité tiré de ce que les premiers juges auraient omis de statuer sur un moyen doit, dès lors, être écarté.

4. En troisième lieu, il ressort des termes du jugement attaqué que, pour écarter le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les premiers juges se sont fondés sur l'ancienneté et les conditions de séjour de M. A... en France, sur la nature et l'intensité de ses liens privés et familiaux sur le territoire, sur son comportement au regard de l'ordre public ainsi que sur la qualité de son insertion à la société française. Il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient, dans ce cadre, omis de tenir compte des contraintes ayant résulté pour lui de ses détentions, de l'interdiction de résidence décidée par le juge judiciaire ou de l'assignation à résidence dans le Val d'Oise prononcée à son encontre par le préfet de ce département. En outre, cette circonstance entacherait seulement le bien-fondé du jugement mais ne serait pas suffisante pour révéler un défaut d'impartialité du tribunal. Le moyen d'irrégularité soulevé en ce sens par M. A... doit, dès lors, être écarté.

5. En quatrième lieu, c'est sans entacher le jugement attaqué de contradiction de motifs que les premiers juges, pour écarter le moyen de M. A... tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ont pu à la fois relever qu'il déclare être hébergé chez sa sœur depuis sa sortie de détention, avec l'un de ses enfants, mais aussi qu'il n'apporte aucun autre élément permettant de justifier qu'il participe effectivement à l'éduction et l'entretien de ses enfants. Le moyen d'irrégularité soulevé en ce sens par M. A... doit, dès lors, être écarté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

6. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; / (...) / 5° Le comportement de l'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-1 du même code : " La décision portant obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle est édictée après vérification du droit au séjour, en tenant notamment compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France et des considérations humanitaires pouvant justifier un tel droit. / (...) ".

7. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

8. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Eure n'aurait, préalablement au prononcé de la décision attaquée, pas procédé à l'examen de la situation personnelle de M. A.... En particulier, contrairement à ce que ce dernier soutient, il ressort des termes mêmes de l'arrêté attaqué que le préfet de l'Eure a pris en compte les liens familiaux dont il s'est prévalu, et en particulier la présence sur le territoire de deux enfants qu'il a eus avec une ressortissante française. Le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreur de droit pour procéder d'un défaut d'examen doit, dès lors, être écarté.

9. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a été successivement condamné en France le 21 octobre 2009 à quatre mois d'emprisonnement pour des faits de recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans d'emprisonnement commis le 19 mars 2009 et le 18 avril 2009 et des faits de violence sur une personne dépositaire de l'autorité publique sans incapacité commis le 5 mai 2009, le 18 novembre 2009 à deux mois d'emprisonnement pour des faits de recel de bien provenant d'un délit puni d'une peine n'excédant pas cinq ans d'emprisonnement commis le 9 avril 2008, le 24 février 2016 à une peine de cinq mois d'emprisonnement pour des faits de refus, par le conducteur d'un véhicule, d'obtempérer à une sommation de s'arrêter, d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, de rébellion, d'usage illicite de stupéfiants et de port sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D commis les 27 et 28 septembre 2015 ainsi que le 27 juin 2022 à trois ans d'emprisonnement dont six mois avec sursis probatoire pendant deux ans pour des faits de détention non autorisée de stupéfiants, offre ou cession non autorisée de stupéfiants, de port prohibé d'arme, de munition ou de leurs éléments de catégorie B, de refus de remettre aux autorités judiciaires ou de mettre en œuvre la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie, d'acquisition non autorisée de stupéfiants et d'usage illicite de stupéfiants commis entre le 9 juillet 2020 et le 17 mai 2022. A la date de l'arrêté attaqué, il était ainsi incarcéré depuis près de deux ans. Compte tenu du caractère récent de ces condamnations, de leur répétition et de leur gravité croissante, M. A... constitue une menace pour l'ordre public.

10. Par ailleurs, si M. A... est entré sur le territoire pendant son enfance et s'il y a grandi aux côtés de ses parents ainsi que de ses frères et sœurs qui ont tous acquis la nationalité française, il ne justifie toutefois pas, alors qu'il est désormais majeur et autonome, que ses parents sont décédés et qu'il n'a reçu que deux visites d'un de ses frères pendant la période d'incarcération de près de deux années ayant immédiatement précédé la décision attaquée, du maintien de liens particulièrement intenses avec eux. En outre, s'il entretient une relation de concubinage avec une ressortissante française et si celle-ci s'est poursuivie pendant son incarcération, il ne présente pas de perspectives de reprise de la vie commune à court ou moyen terme alors en particulier qu'il lui a été fait interdiction de résider dans la commune où sa conjointe est établie et que celle-ci a fait part dans le cadre de l'instance de sa volonté de ne pas en partir. Alors qu'il admet lui-même n'avoir jamais exercé aucune activité professionnelle et avoir toujours été dépourvu de tous revenus légaux et alors qu'il ressort également des pièces du dossier qu'il a par le passé utilisé le domicile familial pour héberger ses activités illégales, notamment en y entreposant des stupéfiants et des armes, il ne justifie pas de sa capacité à participer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses deux enfants et à leur offrir un environnement propice à leur développement. En tout état de cause, son éloignement n'aurait ni pour objet ni pour effet de compromettre la poursuite de ses relations avec ses proches résidant en France qui pourraient lui rendre ponctuellement visite, ainsi que cela a été le cas pendant toute sa période d'incarcération. En dépit de la durée de son séjour en France, il ne justifie d'aucune formation diplômante ni d'aucune expérience dans un emploi légal et n'offre de ce fait aucune perspective sérieuse d'insertion à la société française, ni ne présente au demeurant aucun projet précis en ce sens. Dans le même temps, il n'avance aucune considération qui serait de nature à empêcher une réinsertion plus réussie dans son pays d'origine où il ne conteste pas avoir toujours au moins trois autres demi-frères et demi-sœurs.

11. Dans ces conditions, bien que M. A... soit entré jeune sur le territoire et malgré les liens familiaux qu'il y a noués, la décision portant obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ne peut être regardée, par rapport à l'objectif de préservation de l'ordre public qu'elle poursuit, comme emportant des conséquences disproportionnées pour sa vie privée et familiale ou pour les intérêts supérieurs de ses enfants. Dès lors, les moyens tirés de ce qu'elle méconnaîtrait les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.

12. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne le refus d'un délai de départ volontaire :

13. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public ; / (...) / 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...) / 2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / 4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ; / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

14. En premier lieu, M. A..., pour les motifs énoncés au point 9, représente une menace pour l'ordre public. En outre, il présente un risque de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'il s'est toujours maintenu en situation irrégulière sur le territoire sans engager aucune démarche sérieuse afin de régulariser sa situation et, d'autre part, que, lors de son audition par les forces de l'ordre le 16 février 2024, il a explicitement fait part de son intention de ne pas s'y conformer. Dans ces conditions, c'est sans méconnaître les dispositions citées au point précédent du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet de l'Eure a pu lui refuser un délai de départ volontaire. Le moyen en ce sens doit, dès lors, être écarté.

15. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. A..., à la date de la décision attaquée, était incarcéré depuis près de deux années, que les contacts avec les membres de sa famille pendant cette période sont demeurés ponctuels lors de visites en établissement pénitentiaire, qu'il ne peut reprendre la vie commune avec sa compagne et leurs deux enfants du fait de l'interdiction lui ayant été faite par le juge pénal de résider dans leur commune, qu'il ne justifie d'aucune capacité à participer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants et qu'il ne justifie d'aucune insertion socio-professionnelle. Dans ces conditions, et alors qu'il représente par ailleurs une menace pour l'ordre public pour les motifs énoncés au point 9, c'est sans méconnaître les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ni commettre d'erreur manifeste d'appréciation que le préfet de l'Eure a pu lui refuser un délai de départ volontaire. Les moyens en ce sens doivent, dès lors, être écartés.

16. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans :

17. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / (...) ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / (...) ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " (...) les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".

18. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.

19. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.

20. En premier lieu, l'arrêté attaqué vise ou cite les dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituant la base légale de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français. Par ailleurs, il ressort des énonciations de cet arrêté que, pour décider de prononcer cette interdiction et déterminer sa durée, le préfet de l'Eure a procédé à un examen de la situation de M. A... au regard des critères de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en tenant compte en particulier de l'ancienneté et de ses conditions de séjour en France, de la nature et de l'intensité de ses liens privés et familiaux sur le territoire et de ce qu'il représente une menace pour l'ordre public. Ainsi, le préfet de l'Eure a suffisamment motivé la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois ans qu'il a prise à son encontre. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision attaquée doit, dès lors, être écarté.

21. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 9 à 11 et 15 que, si M. A... est entré enfant sur le territoire français, s'il y compte plusieurs frères et sœurs et s'il y entretient une relation de concubinage avec une ressortissante français dont il a deux enfants, il s'est toutefois toujours maintenu en situation irrégulière sans engager aucune démarche sérieuse de régularisation, il ne justifie pas du maintien de liens intenses avec ses frères et sœurs, il ne présente pas de perspective de reprise de la vie commune avec sa compagne à court ou moyen terme, il ne justifie d'aucune capacité à participer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants et il ne justifie d'aucune insertion socio-professionnelle. En outre, il ressort des pièces du dossier qu'il représente une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre ne méconnaît les stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3, paragraphe 1, de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ni dans son principe ni dans sa durée et n'est pas davantage entachée d'erreur d'appréciation. Les moyens en ce sens doivent, dès lors, être écartés.

22. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas davantage fondé à demander l'annulation de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français.

23. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du préfet de l'Eure en date du 18 mars 2024. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreintes doivent être rejetées.

Sur la demande de sursis à exécution du jugement attaqué :

24. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur les conclusions de la requête n° 24DA01554 de M. A... tendant à l'annulation du jugement du 26 juillet 2024, les conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont privées d'objet. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 24DA01556.

Sur les frais liés au litige :

25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse à M. A... les sommes que celui-ci réclame au titre des frais exposés dans le cadre de la présente instance d'appel et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 24DA01556 de M. A... tendant au sursis à l'exécution du jugement n° 2401112 du 26 juillet 2024 du tribunal administratif de Rouen.

Article 2 : La requête n° 24DA01554 de M. A... est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Eure.

Délibéré après l'audience publique du 21 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2025.

Le rapporteur,

Signé : G. ToutiasLe président de chambre,

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

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N°24DA01554,24DA01556


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA01554
Date de la décision : 14/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Guillaume Toutias
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : DEKIMPE QUENTIN;DEKIMPE QUENTIN;DEKIMPE QUENTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-14;24da01554 ?
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