La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/06/2025 | FRANCE | N°23VE01595

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 4ème chambre, 03 juin 2025, 23VE01595


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 12 juin 2020 par laquelle le directeur central des compagnies républicaines de sécurité lui a infligé la sanction disciplinaire de blâme, ensemble la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a implicitement rejeté son recours hiérarchique du 17 septembre 2020 et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de supprimer cette sanction de son dossier indiv

iduel.

Par un jugement n° 2102153 du 11 mai 2023, la magistrate désignée par l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler la décision du 12 juin 2020 par laquelle le directeur central des compagnies républicaines de sécurité lui a infligé la sanction disciplinaire de blâme, ensemble la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a implicitement rejeté son recours hiérarchique du 17 septembre 2020 et, d'autre part, d'enjoindre au ministre de l'intérieur de supprimer cette sanction de son dossier individuel.

Par un jugement n° 2102153 du 11 mai 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Said, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision du 12 juin 2020 et la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique ;

3°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de supprimer cette sanction de son dossier individuel ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Il soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer, dès lors que le premier juge n'a pas répondu à son moyen tiré de ce que les dispositions de l'article R. 434-12 du code de la sécurité intérieure ne permettent pas de sanctionner un fonctionnaire de police pour des propos tenus dans le cadre d'une conversation privée avec son ex-compagne ;

- il est insuffisamment motivé, dès lors, d'une part, qu'il ne précise pas les raisons pour lesquelles il a considéré que l'enquête administrative diligentée par le capitaine E... ne constitue pas une phase de la procédure disciplinaire et, d'autre part, qu'il n'a pas pris en compte les liens d'amitié notoires entre son supérieur hiérarchique, le major F..., qui l'a injustement accusé, et M. E... ;

- c'est à tort que le premier juge a pris en compte le témoignage de Mme C..., alors qu'il ne fonde pas la décision contestée ;

- la sanction contestée a été prise au terme d'une procédure irrégulière, dès lors que le capitaine E... a fait preuve de partialité, en méconnaissance des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et que le principe du contradictoire n'a pas été respecté, la sanction ayant été prise dès le 12 juin 2020, avant qu'il ait eu connaissance des pièces de l'enquête administrative et la possibilité d'y répondre ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article R. 434-12 du code de la sécurité intérieure qui ne permettent pas de sanctionner un fonctionnaire de police pour des propos tenus dans le cadre d'une conversation privée avec son ex-compagne ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors qu'elle est fondée sur des faits d'ordre privé sans incidence sur l'exercice de ses fonctions ;

- elle est entachée d'un détournement de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2025, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Ablard,

- et les conclusions de Mme Villette, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., gardien de la paix affecté depuis le 1er septembre 2011 à la compagnie républicaine de sécurité n° 7 basée à Deuil-la-Barre (Val-d'Oise), relève appel du jugement du 11 mai 2023 par lequel la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 12 juin 2020 par laquelle le directeur central des compagnies républicaines de sécurité lui a infligé la sanction disciplinaire de blâme, en raison d'un comportement violent à l'égard de son ancienne compagne, ensemble la décision par laquelle le ministre de l'intérieur a implicitement rejeté son recours hiérarchique du 17 septembre 2020.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, le requérant soutient que le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer, dès lors que le premier juge n'a pas répondu à son moyen tiré de ce que les dispositions de l'article R. 434-12 du code de la sécurité intérieure ne permettent pas de sanctionner un fonctionnaire de police pour des propos tenus dans le cadre d'une conversation privée avec son ex-compagne. Toutefois, le tribunal a répondu à ce moyen au point 6 de sa décision en jugeant que les agissements reprochés à M. A... " envers son ex compagne et mère de son enfant (...) sont, de par leur gravité, indignes et de nature à porter atteinte à la réputation de la police nationale, laquelle, contrairement à ce qu'il soutient, ne s'apprécie pas seulement à l'aune des manquements constatés dans le cadre professionnel ". Par suite, le moyen doit être écarté.

3. En second lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des termes mêmes du jugement attaqué, que le tribunal, qui n'était pas tenu de répondre à l'ensemble des arguments invoqués par le requérant, a suffisamment précisé aux points 2 et 3 de sa décision les motifs pour lesquels il a considéré que la sanction contestée avait été prise au terme d'une procédure régulière. Par suite, le jugement attaqué, qui est suffisamment motivé, n'est pas irrégulier de ce chef.

Au fond :

4. Aux termes de l'article 66 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. Premier groupe : l'avertissement ; le blâme ; (...) ". Aux termes de l'article R. 434-12 du code de la sécurité intérieure : " Le policier ou le gendarme ne se départ de sa dignité en aucune circonstance. En tout temps, dans ou en dehors du service, (...) il s'abstient de tout acte, propos ou comportement de nature à nuire à la considération portée à la police nationale et à la gendarmerie nationale. Il veille à ne porter, par la nature de ses relations, aucune atteinte à leur crédit ou à leur réputation. ". Aux termes de l'article R. 434-14 de ce code : " (...) Respectueux de la dignité des personnes, il veille à se comporter en toute circonstance d'une manière exemplaire, propre à inspirer en retour respect et considération ". Aux termes de l'article R. 434-27 de ce code : " Tout manquement du policier ou du gendarme aux règles et principes définis par le présent code de déontologie l'expose à une sanction disciplinaire en application des règles propres à son statut, indépendamment des sanctions pénales encourues le cas échéant ".

5. D'une part, en application des dispositions précitées, les faits commis par un fonctionnaire en dehors du service peuvent constituer une faute passible d'une sanction disciplinaire lorsque, eu égard à leur gravité, à la nature des fonctions de l'intéressé et à l'étendue de ses responsabilités, ils ont eu un retentissement sur le service, jeté le discrédit sur la fonction exercée par l'agent ou sur l'administration, ou encore si ces faits sont incompatibles avec la qualité d'agent public.

6. D'autre part, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.

7. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la procédure disciplinaire engagée contre M. A... a été précédée d'une enquête administrative menée du 9 avril 2019 au 17 décembre 2019 par le capitaine de police Sébastien E..., adjoint au chef du bureau des expertises techniques et opérationnelles et des enquêtes disciplinaires de la direction centrale des compagnies républicaines de sécurité. Si le requérant soutient que ce dernier a fait preuve de partialité à son détriment, il ne produit aucun élément probant au soutien de cette allégation, et se borne à affirmer, sans l'établir, qu'il existe un lien d'amitié notoire entre son supérieur hiérarchique, le major F..., qui l'aurait injustement accusé, et M. E.... De même, si le requérant soutient que M. E... a transmis à M. F..., au cours de l'enquête administrative, des informations le concernant, il n'en précise pas la nature et n'établit en tout état de cause pas la réalité de cette communication. Enfin, si le capitaine E..., dans une note de renseignement du 26 juin 2019 constatant le classement sans suite par le parquet de la procédure visant M. A..., mentionne à tort une plainte déposée contre ce dernier par son ancienne compagne, cette seule circonstance n'est pas de nature à établir que l'enquête administrative aurait été menée à charge. Par suite, et sans que l'intéressé puisse utilement se prévaloir des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le moyen tiré de l'irrégularité de l'enquête administrative doit être en tout état de cause écarté.

8. En deuxième lieu, M. A... soutient que le principe du contradictoire n'a pas été respecté, en faisant valoir que la sanction a été prise le 12 juin 2020 avant qu'il ait eu connaissance des pièces de l'enquête administrative et la possibilité d'y répondre. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que son dossier lui a été communiqué dès le 19 mai 2020. Dans ces conditions, l'intéressé a disposé d'un délai suffisant pour présenter ses observations. Par suite, le moyen doit être écarté.

9. En troisième lieu, la sanction contestée a été prise au motif qu'" en ayant adopté un comportement inadapté à l'égard de sa compagne, Mme D... (insultes et crachats sur le visage notamment), le gardien de la paix B... A... a manqué à son devoir d'exemplarité par un comportement violent dans la vie privée " et qu'" en ayant usé de manœuvres d'intimidation à l'égard de Mme D..., en l'espèce en la menaçant de diffuser des photographies d'elle dénudée, le gardien de la paix B... A... a manqué à son devoir d'exemplarité par un comportement indigne dans la vie privée ". D'une part, contrairement aux allégations du requérant, et ainsi qu'il a été dit au point 5 du présent arrêt, la circonstance que les faits reprochés à un agent public ont été commis en dehors du service ne fait pas obstacle à ce qu'une sanction disciplinaire soit prononcée si la gravité de ces faits les rend incompatibles avec les fonctions exercées par l'intéressé. D'autre part, il ressort du compte rendu de l'audition de M. A..., daté du 11 avril 2019, que s'il a contesté les faits de violence qui lui étaient reprochés, il a néanmoins admis avoir menti à sa compagne en affirmant que des photographies d'elle dénudée circulaient au sein de la compagnie afin, selon lui, de " la dissuader de faire un scandale au poste de police ". En outre, il ressort d'un courriel circonstancié de sa compagne, adressé le 24 avril 2019 au capitaine E..., que si celle-ci affirme n'avoir jamais été frappée par M. A..., elle indique néanmoins que celui-ci l'a insultée à plusieurs reprises, lui a craché au visage et a tenté de l'empêcher de crier en plaçant sa main sur sa mâchoire. Ces agissements, dont la matérialité n'est pas contestée par le requérant, constituent une faute de nature à justifier une sanction. En l'espèce, la sanction disciplinaire de blâme infligée à M. A... est proportionnée à la gravité de cette faute. Par suite, les moyens tirés de ce que la sanction contestée est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation doivent être écartés.

10. En dernier lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des éléments exposés ci-dessus que la sanction contestée serait entachée d'un détournement de pouvoir.

11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions aux fins d'annulation et d'injonction présentées en appel par M. A....

Sur les dépens :

12. Aucuns dépens n'ayant été exposés dans la présente instance, les conclusions de M. A... tendant au remboursement des dépens sont sans objet et doivent, par suite, être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

13. L'État n'étant pas la partie perdante à l'instance, les conclusions de M. A... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre d'État, ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Massias, présidente de la cour,

M. Pilven, président-assesseur,

M. Ablard, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.

Le rapporteur,

T. Ablard

La présidente,

N. Massias

La greffière,

F. Petit-Galland

La République mande et ordonne au ministre d'État, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23VE01595


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23VE01595
Date de la décision : 03/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-09-04 Fonctionnaires et agents publics. - Discipline. - Sanctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme MASSIAS
Rapporteur ?: M. Thierry ABLARD
Rapporteur public ?: Mme VILLETTE
Avocat(s) : Karima SAÏD

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-03;23ve01595 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award