Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme I... E... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier de Salon-de-Provence à l'indemniser de tous les préjudices temporaires et permanents résultant de l'intervention chirurgicale pratiquée le 10 octobre 2014 avec intérêts aux taux légal et capitalisation des intérêts.
Par un jugement n° 1908106 du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier de Salon-de-Provence :
- à payer la somme de 168 247,40 euros à Mme E... à titre de dommages et intérêts, avec intérêts à compter du 24 septembre 2019 et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle ;
- à rembourser, sur production de justificatifs par Mme E..., la somme correspondant au surcoût d'acquisition d'un véhicule, de même catégorie que celui dont elle est propriétaire, doté d'une boîte de vitesses automatique, par rapport au coût d'un véhicule doté d'une boîte de vitesses manuelle ;
- à payer à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône la somme de 25 862,01 euros au titre des débours qu'elle a engagés, somme portant intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2020, ainsi que la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;
- à payer la somme de 24 534,51 euros à l'AP-HM ;
- à payer la somme de 5 000 euros à la Caisse des dépôts et consignations, venant aux droits de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
Procédure devant la cour :
I) Par une requête et des mémoires, enregistrés le 15 septembre 2022, le 30 mars 2023 et le 4 mai 2023 sous le n° 22MA02482, le centre hospitalier de Salon-de-Provence et le docteur H..., représentés par la SELARL Abeille et associés, agissant par Me Zandotti, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) de joindre les dossiers n°s 22MA02482 et 22MA02492 ;
2°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 juillet 2022 ;
3°) de mettre le docteur H... hors de cause ;
4°) de rejeter les demandes de première instance ;
5°) à défaut, d'ordonner une expertise ;
6°) à titre subsidiaire, de ramener les demandes de Mme E... à de plus justes proportions ;
7°) de rejeter les demandes de la CPAM au titre des soins post consolidation viagers ;
8°) de confirmer le jugement en ce qu'il a limité à 5 000 euros le montant dû à la Caisse des dépôts et consignation.
Ils soutiennent que :
- le centre hospitalier n'a pas manqué à son devoir d'information ;
- il n'a commis aucune faute dans la prise en charge de Mme E... et n'a présenté aucun défaut d'organisation du service ;
- subsidiairement, l'indemnisation des préjudices de Mme E... doit être ramenée à de plus justes proportions ;
- la demande de la CPAM au titre des soins futurs est injustifiée ;
- la demande de la Caisse des dépôts et consignations n'est pas justifiée.
Par des mémoires, enregistrés le 17 novembre 2022, les 15 et 26 avril 2023 et le 10 mai 2023, Mme E..., représentée par la SARL ADC Sud Avocats, agissant par Me Moutet, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de confirmer le jugement rendu par le tribunal administratif de Marseille le 18 juillet 2022 en ce qu'il a retenu la faute du chirurgien entraînant la responsabilité du centre hospitalier de Salon-de-Provence ;
2°) de réformer ce jugement en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation au titre du défaut d'information ;
3°) de confirmer ce jugement en ce qu'il a condamné le centre hospitalier de Salon-de-Provence à lui payer la somme de 2 600 euros en remboursement des honoraires d'assistance du médecin de recours ;
4°) de réformer ce jugement sur le montant des indemnités allouées et de condamner le centre hospitalier de Salon-de-Provence à lui payer les sommes, à parfaire au jour de la liquidation, de :
- 10 000 euros au titre du défaut d'information ;
- 2 600 euros au titre des honoraires d'assistance du docteur B... ;
- 111,75 euros au titre des frais de transport ;
- 104,90 euros en remboursement des frais de photocopies du dossier médical ;
- 11 759,04 euros au titre de l'aide humaine temporaire ;
- 8 000 euros au titre des souffrances endurées ;
- 6 005 euros, ou subsidiairement, celle de 5 840 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel ;
- 2 500 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
- 51 500 euros au titre du déficit fonctionnel permanent partiel ;
- 290 058,36 euros au titre de l'aide humaine permanente ;
- 8 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;
- 15 000 euros au titre du préjudice permanent ;
- 9 872,90 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs ;
- 131 282,53 euros, ou subsidiairement celle de 5 044,60 euros au titre des frais de logement adapté ;
- 60 833,29 euros, ou subsidiairement celle de 2 944,80 euros au titre des frais de véhicule adapté ;
- 80 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;
5°) d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal et de leur capitalisation dès la requête introductive d'instance ;
6°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Salon-de-Provence les dépens de l'instance en ce compris les frais d'expertise, ainsi que la somme de 15 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en première instance ;
7°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Salon-de-Provence la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la responsabilité du centre hospitalier doit être engagée en raison de la faute commise lors de l'intervention du 10 octobre 2014 du fait d'un mauvais geste opératoire, d'un défaut d'organisation du service et d'un défaut d'information sur les risques inhérents à l'acte chirurgical qui a été pratiqué ;
- le défaut d'information lui cause un préjudice d'impréparation à indemniser ;
- ces fautes lui causent des préjudices en termes de frais divers, médicaux, pharmaceutiques, transport et photocopie de son dossier ; de perte de gains professionnels, déficit fonctionnel temporaire et permanent, de souffrances endurées, de préjudice esthétique temporaire et définitif, de frais d'adaptation de son logement et de son véhicule, d'aide humaine permanente, de préjudice d'agrément, et d'incidence professionnelle.
Par des mémoires, enregistrés le 16 janvier 2023 et le 13 février 2023, la Caisse des dépôts et consignations, venant aux droits de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, représentée par Me Cermolacce, demande à la cour :
1°) de joindre les dossiers n° 22MA02482 et 22MA02492 ;
2°) d'annuler l'article 5 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 juillet 2022 ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Salon-de-Provence à lui payer la somme de 274 328,95 euros ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Salon-de-Provence la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle fait valoir qu'elle a versé une rente d'invalidité et une pension de retraite anticipée du fait de la faute du centre hospitalier et qu'elle est subrogée dans les droits de la victime.
Par un mémoire, enregistré le 5 avril 2023, la Caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes, venant aux droits de la Caisse primaire d'assurances maladie des Bouches-du-Rhône, représentée par Me Constans, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 juillet 2022 en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant au remboursement des frais futurs viagers ;
Statuant à nouveau :
2°) de fixer à la somme de 63 896,19 euros le montant total des débours qu'elle a exposés, en lien direct avec l'accident médical imputable au centre hospitalier de Salon-de-Provence dont Mme E... a été victime lors de l'intervention chirurgicale du 10 octobre 2014 ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Salon-de-Provence à lui payer cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2020, date d'enregistrement du premier mémoire de la caisse auprès du tribunal ;
4°) de confirmer le jugement attaqué pour le surplus ;
Subsidiairement :
5°) de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné le centre hospitalier de Salon-de-Provence à lui payer la somme de 25 862,01 euros au titre des débours engagés pour la prise en charge de Mme E... ;
6°) d'ordonner une nouvelle expertise en vue de déterminer et d'évaluer les frais futurs viagers imputables aux fautes médicales ;
7°) de réserver ses droits pour ce poste de préjudice, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;
8°) de confirmer le jugement attaqué pour le surplus ;
En toute hypothèse :
9°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Salon-de-Provence la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle fait valoir que :
- son recours subrogatoire est bien fondé et elle a droit au remboursement des débours exposés conséquemment aux faits litigieux, notamment au titre des frais futurs viagers ;
- sa créance définitive s'établit à 63 896,19 euros.
II) Par une requête, enregistrée le 16 septembre 2022 sous le n° 22MA02492, la Caisse des dépôts et consignations, venant aux droits de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, représentée par Me Cermolacce, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 5 du jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 juillet 2022 ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Salon-de-Provence à lui payer la somme de 274 328,95 euros ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Salon-de-Provence la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle fait valoir qu'elle a versé une rente d'invalidité et une pension de retraite anticipée du fait de la faute du centre hospitalier et qu'elle est subrogée dans les droits de la victime.
Par un mémoire, enregistré le 4 mai 2023, le centre hospitalier de Salon-de-Provence et le docteur H..., représentés par la SELARL Abeille et associés, agissant par Me Zandotti, demandent à la cour :
1°) de joindre les dossiers n°s 22MA02482 et 22MA02492 ;
2°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 juillet 2022 ;
3°) de mettre le docteur H... hors de cause ;
4°) de rejeter les demandes de première instance ;
5°) à défaut, d'ordonner une expertise ;
6°) à titre subsidiaire, de ramener les demandes de Mme E... à de plus justes proportions ;
7°) de rejeter les demandes de la CPAM de ses demandes au titre des soins post consolidation viagers ;
8°) de confirmer le jugement en ce qu'il a limité à 5 000 euros le montant dû à la Caisse des dépôts et consignation.
Ils font valoir que :
- le centre hospitalier n'a pas manqué à son devoir d'information ;
- il n'a commis aucune faute dans la prise en charge de Mme E... et n'a présenté aucun défaut d'organisation du service ;
- subsidiairement, l'indemnisation des préjudices de Mme E... doit être ramenée à de plus justes proportions ;
- la demande de la CPAM au titre des soins futurs est injustifiée ;
- la demande de la Caisse des dépôts et consignations n'est pas justifiée.
Par un mémoire, enregistré le 11 mai 2023, la Caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes, venant aux droits de la Caisse primaire d'assurances maladie des Bouches-du-Rhône, représentée par Me Constans, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 18 juillet 2022 en tant qu'il a rejeté ses demandes tendant au remboursement des frais futurs viagers ;
Statuant à nouveau :
2°) de fixer à la somme de 63 896,19 euros le montant total des débours qu'elle a exposés, en lien direct avec l'accident médical imputable au centre hospitalier de Salon-de-Provence dont Mme E... a été victime lors de l'intervention chirurgicale du 10 octobre 2014 ;
3°) de condamner le centre hospitalier de Salon-de-Provence à lui payer cette somme avec intérêts au taux légal à compter du 8 janvier 2020, date d'enregistrement du premier mémoire de la caisse auprès du tribunal ;
4°) de confirmer le jugement attaqué pour le surplus ;
Subsidiairement :
5°) de confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a condamné le centre hospitalier de Salon-de-Provence à lui payer la somme de 25 862,01 euros au titre des débours engagés pour la prise en charge de Mme E... ;
6°) d'ordonner une nouvelle expertise en vue de déterminer et d'évaluer les frais futurs viagers imputables aux fautes médicales ;
7°) de réserver ses droits pour ce poste de préjudice, dans l'attente du dépôt du rapport d'expertise ;
8°) de confirmer le jugement attaqué pour le surplus ;
En toute hypothèse :
9°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Salon-de-Provence la somme de 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle fait valoir que :
- son recours subrogatoire est bien fondé et elle a droit au remboursement des débours exposés conséquemment aux faits litigieux, notamment au titre des frais futurs viagers ;
- sa créance définitive s'établit à 63 896,19 euros.
Un mémoire, enregistré le 14 novembre 2024, après la clôture de l'instruction, a été présenté par la Caisse commune de sécurité sociale des Hautes-Alpes venant aux droits de la Caisse primaire d'assurances maladie des Bouches-du-Rhône et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rigaud,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- les observations de Me Garrouste, représentant M. H... et le centre hospitalier de Salon-de-Provence, celles de Me Moutet, représentant Mme E... et celles de Me Cermolacce, représentant la Caisse des dépôts et consignations.
Considérant ce qui suit :
1. Les requêtes n° 22MA02482 et n° 22MA02492 sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
2. Mme E..., née le 4 mars 1963, a subi une intervention chirurgicale le 10 octobre 2014 au centre hospitalier de Salon-de-Provence, consistant en une arthrodèse et la cure d'une hernie discale au niveau des disques vertébraux L5 et S1. Les suites de cette intervention ont été marquées par des complications qui ont nécessité une reprise chirurgicale le 22 octobre 2014 afin d'extraire une vis mal positionnée et d'en mettre en place une nouvelle. Demeurant atteinte d'un syndrome neurologique complexe du membre inférieur droit, Mme E... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le centre hospitalier de Salon-de-Provence à l'indemniser de tous les préjudices résultant de l'intervention chirurgicale réalisée le 10 octobre 2014.
3. Par un jugement du 18 juillet 2022, le tribunal administratif de Marseille a condamné le centre hospitalier de Salon-de-Provence, en premier lieu, à payer la somme de 168 247,40 euros à Mme E... à titre de dommages et intérêts, et à rembourser à cette dernière, sur production de justificatifs, la somme correspondant au surcoût d'acquisition d'un véhicule, de même catégorie que celui dont elle est propriétaire, doté d'une boîte de vitesses automatique, par rapport au coût d'un véhicule doté d'une boîte de vitesses manuelle, en deuxième lieu, à payer la somme de 25 862,01 euros à la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône au titre des débours qu'elle a engagés et celle de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, en dernier lieu, à payer la somme de 5 000 euros à la Caisse des dépôts et consignations, venant aux droits de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales.
4. Le centre hospitalier de Salon-de-Provence et le Dr H..., dans une requête n°22MA02482, relèvent appel de ce jugement, à titre principal, en tant qu'il a prononcé des condamnations. La Caisse des dépôts et consignations, venant aux droits de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, relève également appel de ce jugement, dans une requête n° 22MA02492, en tant qu'il n'a fait droit que partiellement à ses demandes et sollicite une meilleure indemnisation. Par des appels incidents, Mme E... demande à la cour de réformer ce jugement et de lui accorder une meilleure indemnisation de ses préjudices. La CPAM des Bouches-du-Rhône demande quant à elle à la cour de fixer à la somme de 63 896,19 euros le montant de ses débours.
5. Sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions présentées par le Dr H..., ce dernier doit être mis hors de cause, aucune conclusion n'étant dirigée contre lui.
Sur les fautes :
En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier de Salon-de-Provence au titre de la faute médicale :
6. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".
7. Pour contester les conclusions du rapport de l'expertise judiciaire, réalisée par le Dr D..., selon lesquelles une faute a été commise lors de l'intervention du 10 octobre 2014 du fait du mauvais positionnement de la vis droite L5-S1, mise en place en situation intra-canalaire, et au motif que cette maladresse n'a pas été immédiatement décelée malgré une vérification des racines par deux contrôles clinique et radiologique, le centre hospitalier de Salon-de-Provence se prévaut, pour la première fois en appel, d'un avis critique rédigé par le Dr C..., médecin expert en chirurgie orthopédique et traumatologique, le 25 août 2022. Il soutient que la position ectopique de la vis en cause s'analyse comme une complication fréquente inhérente à la technique chirurgicale mise en œuvre et non une maladresse du chirurgien et que la valeur probante du rapport d'expertise est critiquable en raison des inexactitudes scientifiques qui le caractérisent. Si cet avis critique affirme que la perforation d'un pédicule est une complication connue et relativement fréquente lors de la chirurgie du rachis, et notamment par la mise en place de vis en position ectopique au niveau L5 avec une atteinte au pédicule, il résulte toutefois de l'ensemble des pièces du dossier, et en particulier du rapport de l'expertise réalisée par le Dr D... et de l'avis critique émis par le Dr C..., qu'en l'espèce le mauvais positionnement de la vis droite L5-S1 lors de l'intervention chirurgicale subie par Mme E... résulte d'une erreur dans l'exécution du geste chirurgical que le praticien était en mesure de constater lors de l'intervention et constitue une faute de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Salon-de-Provence. Par ailleurs, à supposer même que le rapport de l'expert judiciaire soit entaché d'erreurs quant à l'analyse des lésions neurologiques dont Mme E... est atteinte, les constats et conclusions établis par cette expertise ne sont pas utilement remis en cause dès lors qu'il n'est ni démontré, ni même soutenu que ces lésions auraient une autre origine que l'exécution fautive du geste chirurgical.
8. Il résulte ainsi de l'instruction que l'ensemble des complications neurologiques subies par Mme E... sont la conséquence de cette erreur dans l'exécution du geste chirurgical. Le centre hospitalier de Salon-de-Provence est donc tenu, ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, de réparer l'intégralité des préjudices en résultant pour Mme E..., sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la responsabilité de l'établissement en raison d'un défaut d'organisation du service.
En ce qui concerne la responsabilité du centre hospitalier de Salon-de-Provence au titre d'un manquement à l'obligation d'information de la patiente :
9. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. (...) / Cette information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences et dans le respect des règles professionnelles qui lui sont applicables. Seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer peuvent l'en dispenser. / Cette information est délivrée au cours d'un entretien individuel. / (...) / En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l'établissement de santé d'apporter la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé dans les conditions prévues au présent article. Cette preuve peut être apportée par tout moyen ".
10. Indépendamment de la perte d'une chance de refuser l'intervention, le manquement des médecins à leur obligation d'informer le patient des risques courus ouvre pour l'intéressé, lorsque ces risques se réalisent, le droit d'obtenir réparation des troubles qu'il a subis du fait qu'il n'a pas pu se préparer à cette éventualité. S'il appartient au patient d'établir la réalité et l'ampleur des préjudices qui résultent du fait qu'il n'a pas pu prendre certaines dispositions personnelles dans l'éventualité d'un accident, la souffrance morale qu'il a endurée lorsqu'il a découvert, sans y avoir été préparé, les conséquences de l'intervention doit, quant à elle, être présumée.
11. Mme E... fait valoir qu'elle n'a pas été informée des risques de l'intervention chirurgicale réalisée le 10 octobre 2014, que ce n'est que le 9 octobre précédent qu'il lui a été demandé de signer une fiche de consentement, pourtant datée du 26 septembre 2014, et que ce dernier document ne mentionne toutefois pas les informations requises. Si le centre hospitalier de Salon-de-Provence soutient que Mme E... a signé cette dernière fiche de consentement le 26 septembre 2014 par laquelle elle reconnaît avoir été suffisamment informée des avantages et des risques de la chirurgie ou de l'endoscopie et consent à en bénéficier, après un entretien qui s'est déroulé individuellement le 19 septembre 2014, toutefois, il ne produit pas de feuille de consentement signée par l'intéressée ou aucune autre pièce permettant de rapporter la preuve que l'information a été délivrée à cette dernière dans les conditions prévues à l'article L. 1111-2 précité du code de la santé publique. Cependant et ainsi qu'il résulte des points 7 et 8, les dommages subis par Mme E... ne résultent pas de la réalisation de ce risque qui n'a pas été porté à sa connaissance mais d'une faute dans la réalisation du geste médical. Dans ces circonstances, en l'absence de lien de causalité direct et certain entre la faute et les dommages subis par Mme E..., la responsabilité de l'établissement ne saurait être engagée sur ce fondement.
Sur les préjudices :
12. La date de consolidation de l'état de santé de Mme E... a été fixée par le rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Marseille à la date, non contestée, du 21 juillet 2017.
Quant aux préjudices patrimoniaux :
13. Mme E... a eu recours à l'assistance d'un médecin conseil à l'occasion de l'expertise ordonnée par l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Marseille du 15 juin 2017, et s'est acquittée à ce titre de la somme 2 600 euros, cette expertise est utile à la solution du litige. En vertu du principe de réparation intégrale du préjudice et dès lors que les frais ainsi engagés résultent entièrement du dommage subi, Mme E... a droit au remboursement de l'intégralité de la somme de 2 600 euros dont elle s'est acquittée.
14. Mme E... justifie de frais de transport pour se rendre à diverses consultations médicales à la suite de l'intervention du 10 octobre 2014 ainsi qu'aux opérations d'expertise à Nice les 12 et 13 octobre 2017, imputables à cette intervention, pour une distance de 1 777 km parcourus. Ce préjudice doit être évalué, par application du barème kilométrique publié par l'administration fiscale applicable pour un véhicule de 4 chevaux fiscaux, à la somme de 876,10 euros. Mme E... justifie en outre s'être acquittée de la somme de 43,90 euros de frais de péage justifiés, de celle de 162 euros de frais d'hébergement pour se rendre à l'expertise judiciaire ainsi que de celle de 47 euros pour elle et son époux de restauration la veille de l'expertise. L'ensemble des préjudices constitués par les frais de déplacement, d'hôtellerie et de restaurant peut ainsi être indemnisé à hauteur de la somme de 1 129 euros qui doit être mise à la charge du centre hospitalier de Salon-de-Provence.
15. Mme E... justifie de frais de consultation de son dossier médical auprès du centre hospitalier et de frais de reproduction de son dossier médical dans le cadre de l'expertise, d'un montant total de 104,90 euros, qui devront être pris en charge par le centre hospitalier.
16. Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise, que Mme E... a eu besoin d'une aide humaine pendant 7 heures par semaine entre le 10 janvier 2015 et le 1er mars 2015 puis pendant 5 heures par semaine sur la période du 2 mars 2015 au 21 juillet 2017. Il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait perçu, au cours de cette période, l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation de handicap ou même le crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts. En revanche, l'intéressée ne démontre pas que le coût horaire de l'aide par une tierce personne devrait être fixé à 16 euros. Sur la base d'un taux horaire moyen évalué à partir du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales, qui s'établissait alors à 13 euros, et d'une année de 412 jours comprenant les congés payés et jours fériés, les frais au titre de l'aide d'une tierce personne sur cette période s'élèvent ainsi à la somme de 9 895 euros. Par suite, l'indemnité de 9 750 euros accordée par le tribunal administratif de Marseille doit être portée à 9 899 euros.
17. Il résulte de l'instruction que l'état définitif de Mme E... rend nécessaire, depuis la consolidation de son état, une assistance dans les actes de la vie quotidienne 4 heures par semaine. Si Mme E... demande qu'une somme lui soit allouée au titre des prestations de jardinage auxquelles elle devra recourir faute de pouvoir elle-même entretenir son terrain, il ne résulte cependant pas de l'instruction que l'aide alléguée serait nécessitée par l'état de santé de l'intéressée et de sa perte d'autonomie ou que la somme ainsi demandée viserait à indemniser une assistance dans les actes de la vie quotidienne. Le coût de l'assistance par une tierce personne à hauteur de 4 heures par semaine pour la période du 21 juillet 2017 au 20 décembre 2024 doit être calculé à partir d'un taux horaire moyen évalué à partir du salaire minimum interprofessionnel de croissance augmenté des charges sociales, qui s'établissait à 13 euros, en ce qui concerne la période comprise entre le 21 juillet 2017 et le 31 décembre 2017, à 14 euros en ce qui concerne la période comprise entre le 1er janvier 2018 et le 31 décembre 2020, à 15 euros en ce qui concerne la période comprise entre le 1er janvier 2021 et le 31 décembre 2021 et d'une année de 412 jours comprenant les congés payés et jours fériés. A partir du 1er janvier 2022 jusqu'au 31 décembre 2022, il doit être appliqué, pour une aide non spécialisée, le taux horaire de 22 euros fixé par l'arrêté du 30 décembre 2021 pris pour l'application de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles, sur la base de 365 jours dès lors que cette moyenne horaire est réputée intégrer l'ensemble des charges sociales ainsi que les droits à congés payés des salariés. Les taux horaires de 23 euros et de 23,50 euros doivent être appliqués respectivement pour la période du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2023 et du 1er janvier 2024 au 20 décembre 2024, conformément à l'arrêté du 30 décembre 2022 et au décret du 2 janvier 2024 relatif au montant minimal mentionné au 1° du I de l'article L. 314-2-1 du code de l'action sociale et des familles. Enfin, il ne résulte pas de l'instruction que Mme E... aurait perçu, au cours de la période, l'allocation personnalisée d'autonomie, la prestation de compensation de handicap ni même le crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts. Les frais au titre de l'aide d'une tierce personne sur cette période s'élèvent ainsi à la somme de 28 948 euros.
18. S'agissant des frais d'assistance par tierce personne qu'exposera Mme E... à compter du présent arrêt, ceux-ci doivent être arrêtés sur la base des mêmes besoins que ceux fixés au point précédent, pour un tarif horaire de 23,50 euros, sur une durée annuelle de 365 jours. Ainsi, compte tenu de ce tarif, il convient de retenir une rente trimestrielle de 1 225 euros. Cette rente sera revalorisée par la suite en application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale. La rente sera versée à chaque trimestre échu, sous déduction, le cas échéant, des sommes versées à Mme E... au titre des aides financières à la tierce personne, y compris le crédit d'impôt prévu à l'article 199 sexdecies du code général des impôts, pour éviter que le montant cumulé de l'indemnisation et des prestations perçues excède le montant total des frais d'assistance par une tierce personne. Il appartiendra en conséquence à Mme E... de fournir au centre hospitalier de Salon-de-Provence les justificatifs établissant le montant des prestations qu'elle est susceptible de percevoir à ce titre. La rente pourra ainsi, le cas échéant, être minorée ou suspendue sous le contrôle du juge de l'exécution de la décision fixant l'indemnisation.
19. Les premiers juges ont fait une exacte appréciation du préjudice correspondant à la perte de gains professionnels actuels en l'indemnisant à hauteur de 2 792, 23 euros.
20. Les premiers juges ont également, à bon droit, indemnisé le préjudice subi par Mme E... au titre de la perte, jusqu'à son admission à la retraite le 1er décembre 2017, de la prime de service non perçue pour un montant de 771,88 euros.
21. Il appartient aux juges du fond de déterminer, en premier lieu, si l'incapacité permanente conservée par la victime en raison des fautes commises par le centre hospitalier entraîne des pertes de revenus professionnels et une incidence professionnelle et, dans l'affirmative, d'évaluer ces postes de préjudice sans tenir compte, à ce stade, du fait qu'ils donnent lieu au versement d'une pension d'invalidité. Pour déterminer dans quelle mesure ces préjudices sont réparés par la pension, il y a lieu de regarder cette prestation comme réparant prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subit pas de pertes de revenus ou si le
montant de ces pertes est inférieur au capital représentatif de la pension. Dès lors qu'il a été définitivement jugé que les fautes commises par le centre hospitalier engageaient son entière responsabilité, le montant intégral des pertes de revenus et de l'incidence professionnelle doit être mis à sa charge et la victime doit se voir allouer, le cas échéant, une somme correspondant à la part de ces postes de préjudice non réparée par la pension, évaluée, le solde étant versé à la caisse.
22. Mme E... a été admise prématurément à la retraite à compter du 1er décembre 2017, entraînant pour elle l'impossibilité de poursuivre une activité professionnelle et une minoration de ses droits à la retraite. Le préjudice relatif à l'incidence professionnelle doit être évalué, comme l'ont fait les premiers juges, à la somme de 5 000 euros. Il résulte de l'instruction que Mme E... perçoit, à compter du 1er décembre 2017, une pension de retraite versée par la CNRACL d'un montant mensuel nets de 1 764 euros, comprenant une rente d'invalidité d'un montant de 580 euros. Le montant de la pension de la pension de retraite versée à Mme E... au titre de son départ anticipé à la retraite est inférieur au montant du traitement mensuel de 2 000,38 euros nets. Il en résulte que la pension d'invalidité versée à Mme E... a pour seul objet de compenser les pertes de revenus professionnels. Le centre hospitalier devra donc indemniser le préjudice relatif à l'incidence professionnelle de Mme E... à hauteur de 5 000 euros.
23. Il résulte du rapport d'expertise que les séquelles définitives de Mme E... ont rendu nécessaire d'installer une rampe et d'un garde-corps dans les escaliers de son logement et des barres d'appui dans sa salle de bains. Or, lorsque le préjudice à réparer consiste dans l'aménagement du domicile de la victime, il ouvre droit à son indemnisation alors même que la victime n'a pas avancé les frais d'aménagement. Pour le logement occupé par Mme E... jusqu'à la fin du mois de juillet 2022 situé à Grans, l'installation de barres d'appui dans la salle de bains a représenté un montant de 195 euros selon le devis produit et l'installation dans l'escalier d'une rampe avec garde-corps un montant de 4 586 euros. Les premiers juges ont retenu, à bon droit, que l'état de Mme E... ne nécessitait ni la réfection supplémentaire de la salle de bains, ni l'installation d'un siège monte escaliers motorisé ni l'acquisition d'un fauteuil-releveur. L'évaluation de l'indemnisation des frais d'adaptation du précédent logement de Mme E... s'élève donc à 4 781 euros, qu'il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Salon-de-Provence. En revanche, il résulte de l'instruction que le logement dont Mme E... a fait l'acquisition le 20 juillet 2022, situé à Aurons, ne nécessite pas l'installation d'un garde-corps et d'une rampe dans l'escalier, ce dernier en étant déjà doté. Les frais d'adaptation de ce logement ne couvrent donc que l'installation de barres d'appui dans la salle de bain, d'un montant équivalent à celui du précédent logement, faute de nouveau devis, de 195 euros, qu'il y a également lieu de mettre à la charge du centre hospitalier.
24. Il résulte du rapport d'expertise que Mme E... est définitivement inapte à la conduite automobile sauf à disposer d'un véhicule avec une boîte de vitesse automatique. Il résulte du rapport d'expertise réalisé par M. G..., expert automobile, que l'installation d'une boîte automatique sur l'ancien véhicule de Mme E... n'était pas économiquement envisageable et il n'est pas contesté que cette dernière l'a, entre-temps, cédé. Ce rapport établit toutefois que le surcoût représenté par l'achat d'un véhicule avec boîte de vitesse automatique par rapport à l'achat d'un véhicule équivalent avec boîte mécanique s'élève à 2 590 euros. Cette somme devra donc être mise à la charge du centre hospitalier de Salon-de-Provence. L'indemnisation du surcoût auquel est exposée Mme E... à l'occasion de l'acquisition de chacun de ses véhicules doit être mise à la charge du centre hospitalier de Salon-de-Provence. Dans les circonstances de l'espèce et compte tenu des justificatifs apportés par Mme E... pour la première fois en appel, il sera fait une juste appréciation de ce surcoût en l'évaluant à 2 590 euros par véhicule. Dès lors que Mme E... n'a pas encore fait l'acquisition d'un véhicule à embrayage automatique, il y a lieu de capitaliser son préjudice futur à compter de la date du présent arrêt. Compte tenu d'une fréquence de renouvellement habituel d'un véhicule tous les sept ans, et non tous les cinq ans comme le demande Mme E..., il y a lieu d'évaluer à 370 euros le préjudice annuel qu'elle subit. Sur la base du coefficient de 26.301 applicable à une femme âgée de 61 ans selon le barème de capitalisation de la Gazette du Palais 2022 incluant un taux d'actualisation de 0 %, lequel correspond le mieux aux données économiques prévalant à la date du présent arrêt, il sera fait une juste appréciation du montant du préjudice futur subi par Mme E... en l'évaluant à la somme de 9 731,40 euros.
Quant aux préjudices extrapatrimoniaux :
25. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que le déficit fonctionnel temporaire de Mme E..., en lien direct et exclusif avec la faute du centre hospitalier de Salon-de-Provence, a été total à l'issue d'une période de trois mois après l'intervention chirurgicale et jusqu'au 20 janvier 2015. Son déficit fonctionnel temporaire a ensuite été partiel de 50 % du 21 janvier 2015 au 1er mars 2015, puis de 20 % du 2 mars 2015 au 21 juillet 2017. Le préjudice subi, à ce titre, peut être évalué, sur une base de 500 euros par mois pour un déficit fonctionnel temporaire total, à la somme de 3 380 euros. Par suite, l'indemnité de 2 655 euros accordée par le tribunal administratif de Marseille doit être portée à 3 380 euros.
26. La somme de 5 400 euros allouée par les premiers juges au titre des souffrances endurées retenues par l'expert et évaluées à 3,5/7 n'apparaît pas insuffisante.
27. L'expert a estimé que Mme E... a subi un préjudice esthétique temporaire qu'il n'évalue cependant pas distinctement du préjudice esthétique permanent, évalué à 2,5 sur 7 compte tenu d'une boiterie et de l'usage indispensable d'une canne. Toutefois, et en l'absence de tout autre élément, Mme E... n'établit pas qu'elle aurait subi temporairement une altération majeure de son apparence physique. Par suite, la demande faite au titre de l'indemnisation de ce chef de préjudice doit être rejetée.
28. L'expertise judiciaire a évalué le taux de déficit fonctionnel permanent à 20 % correspondant aux séquelles des lésions du nerf sciatique poplité interne et externe qui entraînent, pour Mme E..., des troubles et une instabilité de la marche et de la fatigue. Si, pour contester ce taux, le centre hospitalier de Salon-de-Provence soutient qu'il correspond à une paralysie totale du nerf fibulaire commune alors que Mme E... ne présente qu'une atteinte isolée et modérée de l'extenseur propre du pouce du pied droit sans autre atteinte neurologique objective, en se fondant sur l'avis critique du Dr C..., il ne conteste cependant pas utilement les constats des séquelles définitives dont Mme E... demeure atteinte, en ce qui concerne ses difficultés à la marche et sa fatigabilité certaine. Il y a donc lieu de retenir un taux de déficit fonctionnel permanent de 20 %, comme fixé par l'expertise judiciaire. Eu égard à ce taux et à son âge à la date de consolidation de son état de santé, l'indemnisation de ce chef de préjudice allouée par les premiers juges à hauteur de 29 000 euros n'est ni sous-évaluée, ni surévaluée.
29. Il résulte du rapport d'expertise que Mme E... subit un préjudice esthétique permanent évalué à 2,5 sur 7 en raison d'une boiterie et de l'usage nécessaire d'une canne. Il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme de 2 750 euros. Par suite, l'indemnité de 2 500 euros accordée par le tribunal administratif de Marseille doit être portée à 2 750 euros.
30. Les premiers juges ont correctement évalué le préjudice d'agrément subi par Mme E..., qui inclut les difficultés à faire du jardinage, en lui allouant la somme de 1 500 euros.
31. Il résulte de tout ce qui précède que la somme que le centre hospitalier de Salon-de-Provence est condamné à payer à Mme E... doit être ramenée à 110 572,41 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date d'enregistrement de sa requête de première instance le 24 septembre 2019 et capitalisation des intérêts à chaque échéance annuelle. Les frais d'assistance par une tierce personne pour l'avenir seront réparés sous la forme du versement d'une rente selon les modalités décrites au point 18, pour un montant de 1 225 euros. Il y a lieu de réformer en ce sens le jugement attaqué.
Sur les conclusions de la Caisse des dépôts et consignations :
32. La Caisse des dépôts et consignations, venant aux droits de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, est en droit d'obtenir le remboursement des sommes versées à Mme E... du fait de sa cessation anticipée d'activité professionnelle, consistant notamment en une rente d'invalidité versée depuis le 1er décembre 2017, viagère, représentant un montant de 274 328,95 euros. Comme exposé aux points 21 et 22 du présent arrêt, la pension d'invalidité versée à Mme E... doit être regardée comme ayant exclusivement réparé la perte de revenus professionnels de l'intéressée. La Caisse des dépôts et consignations, venant aux droits de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, est donc fondée à demander la condamnation du centre hospitalier de Salon-de-Provence à lui payer la somme de 274 328,95 euros au titre des arrérages de la pension d'invalidité qu'elle a versée à Mme E....
Sur les conclusions de la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône :
33. La caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône demande le versement de la somme de 63 896,19 euros au titre de ses débours exposés. L'état des débours produit par la caisse ainsi que l'attestation d'imputabilité établie par son médecin conseil établissent qu'elle a exposé, pour le compte de Mme E..., du fait de la faute médicale commise par les services du centre hospitalier de Salon-de-Provence des frais d'hospitalisation, des frais d'appareillage, d'actes médicaux, de radiologie, de pharmacie, avant et après consolidation, pour un montant total de 25 862,01 euros. En revanche, si la caisse demande le paiement de sommes correspondant à des frais futurs, constitués par une consultation mensuelle chez le généraliste, une consultation annuelle chez un neurologue et des frais pharmaceutiques pour des antalgiques à hauteur de 103,46 euros par mois, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi que l'ont à bon droit retenu les premiers juges que la faute du centre hospitalier implique ces frais de manière certaine. La caisse n'est donc pas fondée se plaindre de ce que les premiers juges ont, par le jugement attaqué, rejeté sa demande tendant à la prise en charge de ces frais futurs par le centre hospitalier.
Sur les dépens :
34. Les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 000 euros par ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Marseille du 1er février 2018, sont laissés à la charge définitive du centre hospitalier de Salon-de-Provence.
35. Mme E... n'est pas fondée à demander l'indemnisation des frais d'avocats qu'elle a exposés en première instance, cette somme ne constituant pas des dépens. Au demeurant, le jugement attaqué a mis à la charge du centre hospitalier de Salon-de-Provence la somme de 2 000 euros à verser à l'intéressée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les frais liés au litige :
36. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chacune des parties la charge des frais exposés et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La somme de 168 247,40 euros que le centre hospitalier de Salon-de-Provence a été condamné à payer à Mme E... par l'article 1er du jugement du 18 juillet 2022 du tribunal administratif de Marseille est ramenée à la somme de 110 572,41 euros.
Article 2 : Le centre hospitalier de Salon-de-Provence versera à Mme E..., par trimestre échu, une rente au titre des frais futurs d'assistance par une tierce personne d'un montant trimestriel de 1 225 euros, selon les modalités fixées au point 18 du présent arrêt.
Article 3 : La somme de 5 000 euros que le centre hospitalier de Salon-de-Provence a été condamné à payer à la Caisse des dépôts et consignations, venant aux droits de la Caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales, par l'article 5 du jugement du 18 juillet 2022 du tribunal administratif de Marseille est portée à la somme de 274 328,95 euros.
Article 4 : Les frais d'expertise liquidés et taxés à la somme de 1 000 euros sont laissés à la charge définitive de du centre hospitalier de Salon-de-Provence.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié Mme I... E..., au centre hospitalier de Salon-de-Provence, au docteur A... H..., à l'Assistance publique - hôpitaux de Marseille, à la caisse primaire d'assurance maladie des Hautes-Alpes pour la caisse primaire centrale d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône et à la Caisse des dépôts et consignations.
Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme C. Fedi, présidente de chambre,
- Mme L. Rigaud, présidente assesseure,
- M. J. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 décembre 2024.
La rapporteure,
signé
L. RIGAUDLa présidente,
signé
C. FEDI
La greffière,
signé
M. F...
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 22MA02482, 22MA02492