La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

02/04/2020 | FRANCE | N°19LY00545

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 7ème chambre, 02 avril 2020, 19LY00545


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société AP Vector SP a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 20 juillet 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende de 8 000 euros, d'en réduire le montant à l'euro symbolique ou à de plus justes proportions.

Par jugement n° 1601699 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa requête.

Pr

océdure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 février 2019 et un mémoire enre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société AP Vector SP a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 20 juillet 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende de 8 000 euros, d'en réduire le montant à l'euro symbolique ou à de plus justes proportions.

Par jugement n° 1601699 du 4 décembre 2018, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa requête.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 février 2019 et un mémoire enregistré le 24 septembre 2019, la société AP Vector SP représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand ;

2°) d'annuler la décision du 20 juillet 2016 lui infligeant une amende de 8 000 euros, subsidiairement, d'en réduire le montant ;

3°) de mettre à la charge de l'État le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la société utilisatrice a, à son insu, affecté ses salariés à un autre chantier que celui pour lequel elle les avait détachés ; elle n'en a été informée que postérieurement au contrôle et n'a ainsi pas été en mesure de déclarer le détachement approprié préalablement au déplacement de ses salariés ; elle ne peut être sanctionnée pour défaut d'accomplissement d'une formalité relative à une situation à laquelle elle n'a pas consenti ;

- subsidiairement, elle a régularisé sa situation dès qu'elle en a été informée, l'infraction ne peut être relevée que pour la matinée du 15 avril ; elle a fait preuve de diligence ;

- le défaut de désignation d'un représentant en France pour une prestation dont elle n'a pas été informée ne peut davantage lui être imputée.

Par mémoire enregistré le 12 août 2019, la ministre du travail conclut au rejet de la requête de la société AP Vector SP en soutenant que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 23 septembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 octobre 2019.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Burnichon, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Chassagne, rapporteur public ;

- les observations de Me B... pour la société AP Vector SP, ainsi que celles de M. A... représentant la ministre du travail ;

Considérant ce qui suit :

1. Lors d'un contrôle réalisé le 15 avril 2016 sur le chantier du centre hospitalier universitaire (CHU) de Clermont-Ferrand, l'inspection du travail a relevé que deux salariés détachés par la société de droit polonais AP Vector SP auprès de la société Sotis 63 n'avaient pas fait l'objet d'une déclaration de détachement ni d'une désignation d'un représentant en France de cette entreprise polonaise pour ce chantier. Par décision du 20 juillet 2016, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes a infligé à la société AP Vector SP une amende de 8 000 euros liquidée au tarif unitaire de 2 000 euros appliqués à quatre de ses salariés. La société AP Vector SP relève appel du jugement du 4 décembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette sanction.

2. Aux termes de l'article L. 1262-2 du code du travail : " Une entreprise exerçant une activité de travail temporaire établie hors du territoire national peut détacher temporairement des salariés auprès d'une entreprise utilisatrice établie ou exerçant sur le territoire national, à condition qu'il existe un contrat de travail entre l'entreprise étrangère et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement ". Aux termes de l'article L. 1262-2-1 du même code : " I. -L'employeur qui détache un ou plusieurs salariés, dans les conditions prévues aux articles L. 1262-1 et L. 1262-2, adresse une déclaration, préalablement au détachement, à l'inspection du travail du lieu où débute la prestation. / II. -L'employeur mentionné au I du présent article désigne un représentant de l'entreprise sur le territoire national, chargé d'assurer la liaison avec les agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 pendant la durée de la prestation ". Aux termes de l'article L. 1264-3 du même code, dans sa version alors applicable, relatif aux amendes sanctionnant les manquements aux obligations pesant sur les entreprises étrangères détachant des travailleurs en France : " (...) / Le montant de l'amende est d'au plus 2 000 € par salarié détaché (...) Le montant total de l'amende ne peut être supérieur à 500 000 € (...) ".

3. Or, il résulte de l'instruction que la société AP Vector SP n'a détaché des salariés auprès de la société Sotis 63 que pour le chantier Europhartech à Lempdes. Elle a d'ailleurs adressé à l'inspection du travail, préalablement à cette opération, une déclaration de détachement et la désignation d'un représentant unique. Réserve faite de manoeuvres frauduleuses que les circonstances de l'espèce n'ont pas révélées, la société AP Vector SP n'était donc tenue de répondre des conditions de détachement de ses salariés que pour ce chantier. L'affectation irrégulière de deux d'entre eux sur le chantier du CHU de Clermont-Ferrand, décidée par le donneur d'ordre français à l'insu de son prestataire, n'est pas imputable à la société AP Vector SP qui, en conséquence, ne saurait être regardée comme ayant méconnu les obligations préalables à tout détachement définies par les articles L. 1262-2 et L. 1262-2-1 du code du travail et n'est pas redevable de l'amende prévue par l'article L. 1264-3 du même code.

4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que la société AP Vector SP est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Par les mêmes motifs, la décision du 20 juillet 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi d'Auvergne-Rhône-Alpes lui a infligé une amende de 8 000 euros doit être annulée.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement à la société AP Vector SP d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1601699 lu le 4 décembre 2018 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand et la décision du 20 juillet 2016 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne-Rhône-Alpes a infligé à la société AP Vector SP une amende de 8 000 euros sont annulés.

Article 2 : L'État versera à la société AP Vector SP une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société AP Vector SP et la ministre du travail.

Copie sera adressée à la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi Auvergne-Rhône-Alpes.

Délibéré après l'audience du 12 mars 2020 à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Burnichon, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 2 avril 2020.

N° 19LY00545


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY00545
Date de la décision : 02/04/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Répression - Domaine de la répression administrative Nature de la sanction administrative.

Répression - Domaine de la répression administrative Nature de la sanction administrative - Distinction sanction administrative et sanction pénale.

Répression - Domaine de la répression administrative Régime de la sanction administrative.

Répression - Domaine de la répression administrative Régime de la sanction administrative - Bien-fondé.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Claire BURNICHON
Rapporteur public ?: M. CHASSAGNE
Avocat(s) : ROUX-FRANCOIS ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/04/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-04-02;19ly00545 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award