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22/01/2025 | FRANCE | N°24DA00294

France | France, Cour administrative d'appel de DOUAI, 2ème chambre, 22 janvier 2025, 24DA00294


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 16 mai 2023 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an



Par un jugement n° 2305615 du 7 février 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 16 mai 2

023 par laquelle le préfet du Nord a interdit le retour de Mme A... sur le territoire français pour une...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 16 mai 2023 par lequel le préfet du Nord a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a interdit son retour sur le territoire français pour une durée d'un an

Par un jugement n° 2305615 du 7 février 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 16 mai 2023 par laquelle le préfet du Nord a interdit le retour de Mme A... sur le territoire français pour une durée d'un an, a enjoint au préfet du Nord de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour :

I- Par une requête enregistrée le 15 février 2024 sous le n° 24DA00294, le préfet du Nord demande à la cour d'annuler le jugement du 7 février 2024 en tant qu'il a annulé sa décision du 16 mai 2023 interdisant le retour de Mme A... sur le territoire français pour une durée d'un an.

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 juin 2024, Mme D... A..., représentée par Me Sadoun, conclut au rejet de la requête d'appel du préfet du Nord et à la mise à la charge de l'État de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet du Nord ne sont pas fondés.

II- Par une requête enregistrée le 14 mars 2024 sous le n°24DA00536, Mme D... A..., représentée par Me Sadoun, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 7 février 2024 en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions du préfet du Nord en date du 16 mai 2023 rejetant sa demande de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi.

2°) d'enjoindre au préfet du Nord de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention étudiant dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation dans le même délai et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler à titre accessoire ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est entachée d'erreur de fait et d'erreur d'appréciation dès lors que sa nouvelle orientation n'est pas incohérente avec les études précédemment suivies ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne lui est pas applicable, et qu'elle aurait dû bénéficier, lors du dernier renouvellement de son titre, d'un certificat de résidence d'une durée d'un an ;

- elle est entachée d'erreur d'appréciation

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est entachée d'incompétence ;

- elle est illégale en conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;

- elle est également entachée d'une erreur de fait, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que ceux développés contre la décision de refus de séjour

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 juillet 2024, le préfet du Nord conclut au rejet de la requête d'appel de Mme A....

Il soutient que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Delahaye, rapporteur ;

- les observations de Me Sadoun représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante algérienne née le 1er juillet 1994, est entrée sur le territoire français le 15 septembre 2018 sous couvert d'un visa portant la mention " étudiant ", valable du 20 août 2018 au 18 novembre 2018. Elle a ensuite obtenu la délivrance d'un certificat de résidence portant la mention " étudiant ", régulièrement renouvelé jusqu'au 27 octobre 2022. Elle a présenté le 2 février 2023 une demande tendant au renouvellement de ce certificat. Par un arrêté du 16 mai 2023, le préfet du Nord a rejeté sa demande, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a interdit tout retour sur le territoire national pendant une durée d'un an. Par un jugement du 7 février 2024, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 16 mai 2023 par laquelle le préfet du Nord a interdit le retour de Mme A... sur le territoire français pour une durée d'un an, a enjoint au préfet du Nord de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'information Schengen dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a rejeté le surplus des conclusions de la demande de l'intéressée. Par une première requête, enregistrée sous le n° 24DA00294, le préfet du Nord relève appel de ce jugement en tant qu'il a annulé sa décision du 16 mai 2023 interdisant le retour de Mme A... sur le territoire français pour une durée d'un an. Par une seconde requête, enregistrée sous le n°24DA00536, Mme A... relève également de ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions du 16 mai 2023 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. Ces requêtes portent toutes les deux sur la situation de Mme A... au regard de son droit au séjour en France et présentent à juger des questions connexes. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

2. En premier lieu, la décision litigieuse a été signée par M. B... C..., adjoint à la cheffe du bureau du contentieux et du droit des étrangers, qui a reçu délégation de signature à cet effet par un arrêté du préfet du Nord en date du 14 avril 2023, régulièrement publié le même jour au recueil des actes administratifs et accessible tant au juge qu'aux parties. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision en litige doit être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les ressortissants algériens qui suivent un enseignement, un stage ou font des études en France et justifient de moyens d'existence suffisants (bourses ou autres ressources) reçoivent sur présentation, soit d'une attestation de pré-inscription ou d'inscription dans un établissement d'enseignement français, soit d'une attestation de stage, un certificat de résidence valable un an, renouvelable et portant la mention " étudiant " ou " stagiaire ".

4. D'une part, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges à l'issue de la substitution de base légale à laquelle ils ont procédé, aux points 3 à 7 de leur jugement dont il y a lieu d'adopter les motifs sur ce point, la décision contestée portant refus de titre de séjour, fondée initialement de manière erronée sur les dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, trouve sa base légale dans les stipulations précitées du titre III du protocole annexé à l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour en litige serait à ce titre entachée d'une erreur de droit doit être écarté.

5. D'autre part, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de ce que son dernier titre de séjour lui a été délivré pour une durée inférieure à un an sur le fondement erroné des dispositions de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers dès lors que cette décision ne constitue pas la base légale de la décision de refus de titre en litige qui n'a pas non plus été prise pour son application.

6. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'à son arrivée en France, Mme A... s'est inscrite, au titre de l'année 2018-2019, en deuxième année de licence " sciences de l'information et du document " à l'université de Lille pour l'année 2018-2019. Après un premier échec ayant conduit à son redoublement, elle a finalement validé cette deuxième année avec une moyenne de 10,3 /20. Elle s'est ensuite inscrite en troisième année de cette licence au titre de l'année 2020-2021 où elle a été déclarée " défaillante " dans plusieurs matières, en raison de plusieurs absences injustifiées tout en obtenant une note nulle au titre du stage à effectuer. Elle s'est réinscrite dans cette même formation pour l'année 2021-2022, à l'issue de laquelle elle a subi un nouvel échec, du fait de sa défaillance dans la plupart des matières, y compris son stage. Eu égard à ces deux derniers échecs successifs qui ne sauraient s'expliquer par la crise sanitaire liée à la covid-19, le préfet du Nord n'a pas commis d'erreur de fait, ni d'erreur d'appréciation en estimant que l'intéressée ne justifiait pas, à la date de la décision en litige, d'une progression effective et significative dans ses études, ni de leur caractère réel et sérieux et en refusant, pour ce motif, de procéder au renouvellement du titre de séjour de Mme A..., quand bien même la nouvelle inscription de l'intéressée en troisième année de Bachelor Responsable du développement et du pilotage commercial à l'école Lybre située à Roubaix ne serait pas dénuée de tout lien avec sa licence en " sciences de l'information et de la communication " obtenue en Algérie.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité de la décision attaquée, invoqué par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté.

8. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision en litige doit être écarté pour les mêmes motifs que précédemment.

9. En dernier lieu, en l'absence d'argumentation spécifique à la mesure d'éloignement, les moyens tirés de l'erreur de droit, de l'erreur de fait et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés, pour les mêmes motifs que ceux retenus précédemment.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions du 16 mai 2023 rejetant sa demande de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi.

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

11. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

12. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été rappelé au premier point du présent arrêt, que Mme A... réside régulièrement en France depuis son entrée sur le territoire le 15 mai 2018, soit depuis près de cinq années à la date de décision attaquée. En outre, il est constant qu'elle n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement et que sa présence en France ne constitue pas une menace à l'ordre public. Ainsi, compte tenu de ces éléments, et alors même qu'elle ne dispose pas d'attaches familiales sur le territoire français, le préfet du Nord a commis une erreur d'appréciation en interdisant son retour sur le territoire français pour une durée d'an.

13. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Nord n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision d'interdiction de retour en date du 16 mai 2023 opposée à Mme A....

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

14. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution autre que celle déjà prononcée par le jugement attaqué. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction de Mme A... présentées en appel doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, pour l'essentiel, la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1 : Les requêtes n°24DA00294 et n°24DA00536 sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme D... A....

Copie en sera transmise au préfet du Nord

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

- M. Benoît Chevaldonnet, président de chambre,

- M. Laurent Delahaye, président-assesseur,

- M. Guillaume Toutias, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2025.

Le président-rapporteur,

Signé : L. DelahayeLe président de chambre,

Signé : B. Chevaldonnet

La greffière,

Signé : A-S. Villette

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme,

Pour la greffière en chef,

par délégation,

La greffière

2

N°24DA00294, 24DA00536


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de DOUAI
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24DA00294
Date de la décision : 22/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chevaldonnet
Rapporteur ?: M. Laurent Delahaye
Rapporteur public ?: Mme Regnier
Avocat(s) : SADOUN;SADOUN;SADOUN

Origine de la décision
Date de l'import : 13/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-22;24da00294 ?
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