Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 7 juin 2019 par lequel le maire des Sables-d'Olonne a refusé de lui délivrer l'autorisation de démolir la villa située 5, promenade du Maréchal Joffre, implantée sur la parcelle AY n° 214 et l'autorisation de construire, sur cette même parcelle, un immeuble d'habitat collectif comprenant neuf logements.
Par un jugement n° 1912846 du 6 avril 2021, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 21NT01547 du 1er juin 2022, la cour administrative d'appel de Nantes, à la demande de M. B..., a annulé l'arrêté du maire des Sables-d'Olonne du 7 juin 2019 en tant qu'il refuse la délivrance d'un permis de démolir (article 1er), a annulé le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 avril 2021 en tant qu'il a rejeté la demande de M. B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2019 du maire des Sables-d'Olonne en ce que cet arrêté refuse la délivrance d'un permis de démolir (article 2), a enjoint au maire des Sables-d'Olonne de réexaminer la demande de permis de démolir de M. B... dans un délai de deux mois (article 3) et a rejeté le surplus des conclusions de la requête de M. B... (article 4).
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juillet 2022 et 29 décembre 2022, le ministre de la culture demande à la cour :
1°) de déclarer non avenu son arrêt n° 21NT01547 du 1er juin 2022 en tant qu'il a partiellement fait droit aux conclusions de la requête d'appel de M. B... ;
2°) de rejeter, dans cette mesure, la requête d'appel présentée par M. B... ou, subsidiairement, de rejeter la demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Nantes tendant à l'annulation de l'arrêté du maire des Sables-d'Olonne du 7 juin 2019 en ce que cet arrêté refuse la délivrance d'un permis de démolir.
Il soutient que :
- sa tierce-opposition est recevable dès lors que l'Etat justifie d'un droit lésé par l'arrêt du 1er juin 2022 et qu'il n'a été ni présent ni représenté dans l'instance ayant abouti à cette décision ;
- le refus de permis de démolir opposé à M. B... pouvait être légalement fondé sur un motif tiré de l'intérêt patrimonial de cet édifice, apprécié au regard des dispositions de l'article L. 632-2 du code du patrimoine et du règlement de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager applicable
- l'arrêt n°s 17NT01929 et 17NT02700 de la cour administrative d'appel de Nantes du 8 novembre 2022 n'ayant pas le même objet que le présent litige, l'autorité de la chose jugée ne s'oppose pas à ce que sa demande de substitution de motif soit accueillie.
Par un mémoire en défense et des mémoires, enregistrés les 8 novembre 2022, 23 janvier 2023 et 27 janvier 2023, M. B..., représenté par Me Leraisnable, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la tierce-opposition du ministre de la culture est irrecevable dès lors que l'Etat a été représenté par la commune des Sables-d'Olonne dans l'instance ayant abouti à l'arrêt du 1er juin 2022 ;
- la demande de substitution de motif présentée par le ministre de la culture a déjà été examinée par la cour administrative d'appel de Nantes dans le cadre de l'instance ayant abouti à l'arrêt du 1er juin 2022 ;
- la cour administrative d'appel de Nantes a déjà censuré le motif qu'il est demandé de substituer au motif initial de refus dans un arrêt n°s 17NT01929 et 17NT02700 du 8 novembre 2022 ; l'autorité de la chose jugée fait obstacle à ce que la demande de substitution de motif soit accueillie ;
- le motif qu'il est demandé de substituer au motif initial de refus n'est pas fondé.
Par un mémoire, enregistré le 31 octobre 2023, la commune des Sables-d'Olonne, représentée par Me Plateaux, demande à la cour :
1°) de déclarer non avenus les articles 1er à 3 de l'arrêt n°21NT01547 du 1er juin 2022, ainsi que l'article 4 de cet arrêt en tant qu'il rejette les conclusions présentées par la commune des Sables-d'Olonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) de rejeter, dans cette mesure, la requête d'appel présentée par M. B... ;
3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 4 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la tierce-opposition du ministre de la culture est recevable dès lors que l'Etat justifie d'un droit lésé par l'arrêt du 1er juin 2022 et qu'il n'a été ni présent ni représenté dans l'instance ayant abouti à cette décision ;
- l'arrêt n°s 17NT01929 et 17NT02700 de la cour administrative d'appel de Nantes du 8 novembre 2022 n'ayant pas le même objet que le présent litige, l'autorité de la chose jugée ne s'oppose pas à ce que sa demande de substitution de motif soit accueillie ;
- la rédaction de l'arrêt du 1er juin 2022 ne permet pas de déterminer si les juges initiaux ont procédé à un contrôle normal ou à un contrôle restreint de la qualification juridique des faits ;
- le refus de permis de démolir opposé à M. B... pouvait trouver sa base légale dans les dispositions de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme ;
- les autres moyens invoqués par M. B... dans l'instance ayant abouti à l'arrêt du 1er juin 2022 n'étaient pas fondés ; ils ont été écartés par l'arrêt du 1er juin 2022, devenu irrévocable à la suite du refus par le Conseil d'Etat d'admettre le pourvoi en cassation formé à son encontre par M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du patrimoine ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mas,
- les conclusions de M. Frank, rapporteur public,
- et les observations de Me Plateaux, représentant la commune des Sables-d'Olonne et de Me Thierry, substituant Me Leraisnable, représentant M. B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 7 juin 2019, le maire des Sables-d'Olonne a refusé de délivrer à M. B..., propriétaire indivis de la " villa de la Chimère " construite sur la parcelle cadastrée à la section AY sous le n° 214 et située 5, promenade Wilson sur le territoire de la commune des Sables-d'Olonne, un permis de construire un immeuble collectif à usage d'habitation comprenant neuf logements sur cette parcelle, valant permis d'y démolir la construction existante. Par un arrêt n° 21NT01547 du 1er juin 2022, la cour administrative d'appel de Nantes a, à la demande de M. B..., annulé le jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 avril 2021 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du maire des Sables-d'Olonne du 7 juin 2019 en ce que cet arrêté refuse la délivrance d'un permis de démolir, annulé cet arrêté du 7 juin 2019 en tant qu'il refuse la délivrance d'un permis de démolir, enjoint au maire des Sables-d'Olonne de réexaminer la demande de permis de démolir de M. B... et rejeté le surplus des conclusions des parties. Le ministre de la culture forme tierce opposition à cet arrêt en tant qu'il prononce l'annulation partielle du jugement du tribunal administratif de Nantes du 6 avril 2021 et de l'arrêté du maire des Sables-d'Olonne du 7 juin 2019 et fait injonction au maire des Sables-d'Olonne de réexaminer la demande de permis de démolir de M. B.... La commune des Sables-d'Olonne fait également tierce opposition à cet arrêt, dans la même mesure et en tant qu'il a rejeté les conclusions qu'elle avait présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les requêtes en tierce opposition :
2. Aux termes de l'article R. 832-1 du code de justice administrative : " Toute personne peut former tierce opposition à une décision juridictionnelle qui préjudicie à ses droits, dès lors que ni elle ni ceux qu'elle représente n'ont été présents ou régulièrement appelés dans l'instance ayant abouti à cette décision ".
3. L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 1er juin 2022 a prononcé l'annulation de l'arrêté du 7 juin 2019 du maire des Sables-d'Olonne en ce que cet arrêté porte permis de démolir au motif que le règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine approuvée par délibération du conseil municipal du 28 décembre 2018, sur lequel se fondaient tant l'avis défavorable du préfet de région du 2 octobre 2019, se substituant sur recours administratif préalable obligatoire à l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France du 26 mars 2019, que l'arrêté contesté du 7 juin 2019, n'était pas opposable à la demande d'autorisation de M. B.... Le ministre de la culture et la commune des Sables-d'Olonne ne contestent pas le bien-fondé de ce motif.
4. L'administration peut toutefois, en première instance comme en appel, faire valoir devant le juge de l'excès de pouvoir que la décision dont l'annulation est demandée est légalement justifiée par un motif, de droit ou de fait, autre que celui initialement indiqué, mais également fondé sur la situation existant à la date de cette décision. Il appartient alors au juge, après avoir mis à même l'auteur du recours de présenter ses observations sur la substitution ainsi sollicitée, de rechercher si un tel motif est de nature à fonder légalement la décision, puis d'apprécier s'il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision si elle s'était fondée initialement sur ce motif. Dans l'affirmative il peut procéder à la substitution demandée, sous réserve toutefois qu'elle ne prive pas le requérant d'une garantie procédurale liée au motif substitué.
5. D'une part, aux termes de l'article 112 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine : " (...) Les secteurs sauvegardés, les zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager et les aires de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine créés avant la publication de la présente loi deviennent de plein droit des sites patrimoniaux remarquables, au sens de l'article L. 631-1 du code du patrimoine, et sont soumis au titre III du livre VI du même code. Le plan de sauvegarde et de mise en valeur du secteur sauvegardé applicable à la date de publication de la présente loi est applicable après cette date dans le périmètre du site patrimonial remarquable. / III - Le règlement de l'aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine ou de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager applicable avant la date de publication de la présente loi continue de produire ses effets de droit dans le périmètre du site patrimonial remarquable jusqu'à ce que s'y substitue un plan de sauvegarde et de mise en valeur ou un plan de valorisation de l'architecture et du patrimoine. / (...) ". Conformément à ces dispositions, la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager créée, sur une partie du territoire de la commune des Sables-d'Olonne incluant la parcelle de M. B..., par arrêté du préfet de la région des Pays de la Loire du 15 février 2007, est devenue un site patrimonial remarquable régi par le titre III du livre VI du code du patrimoine.
6. D'autre part, l'article L. 631-1 du code du patrimoine dispose : " Sont classés au titre des sites patrimoniaux remarquables les villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public. / (...) / Le classement au titre des sites patrimoniaux remarquables a le caractère de servitude d'utilité publique affectant l'utilisation des sols dans un but de protection, de conservation et de mise en valeur du patrimoine culturel. (...) ". Aux termes de l'article L. 632-1 du même code : " Dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, sont soumis à une autorisation préalable les travaux susceptibles de modifier l'état des parties extérieures des immeubles bâtis, y compris du second œuvre, ou des immeubles non bâtis. (...) L'autorisation peut être refusée ou assortie de prescriptions lorsque les travaux sont susceptibles de porter atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du site patrimonial remarquable. ". L'article L. 632-2 du même code dispose, dans sa version applicable au litige : " I.- Le permis de construire, le permis de démolir, (...) tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du présent code si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-2 du code de l'urbanisme : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable, le permis de construire, le permis d'aménager, le permis de démolir ou la décision prise sur la déclaration préalable tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 632-1 du code du patrimoine si l'architecte des Bâtiments de France a donné son accord, le cas échéant assorti de prescriptions motivées. ". Enfin, aux termes de l'article R. 424-14 du même code, dans sa version applicable au litige : " Lorsque le projet est situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable ou dans les abords des monuments historiques, le demandeur peut, en cas d'opposition à une déclaration préalable ou de refus de permis fondé sur un refus d'accord de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, d'un recours contre cette décision dans le délai de deux mois à compter de la notification de l'opposition ou du refus. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le pétitionnaire doit, avant de former un recours pour excès de pouvoir contre un refus de permis de construire portant sur un immeuble situé dans le périmètre d'un site patrimonial remarquable à la suite d'un avis négatif de l'architecte des Bâtiments de France, saisir le préfet de région d'une contestation de cet avis. L'avis émis par le préfet, qu'il soit exprès ou tacite, se substitue à celui de l'architecte des bâtiments de France.
7. Le ministre de la culture soutient que la décision de refus de permis de démolir pouvait être légalement fondée sur les dispositions précitées de l'article L. 632-1 du code du patrimoine en ce que le projet porte atteinte à la conservation ou à la mise en valeur du site patrimonial remarquable dans lequel il s'inscrit.
8. Le ministre de la culture fait valoir que la " villa de la Chimère ", témoin de l'architecture balnéaire pratiquée sur le front de mer des Sables-d'Olonne à la fin du XIXème siècle, présente un intérêt historique. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le règlement de la zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager, devenue site patrimonial remarquable, ne classe cette villa, ni parmi les bâtiments ou parties de bâtiment à protéger, ni parmi les façades protégées, mais parmi les " autres bâtiments ", pour lesquels ce règlement dispose que " l'autorisation de démolir peut être accordée par l'architecte des bâtiments de France et le maire, après un examen détaillé de la construction concernée ; en fonction de l'intérêt et de la situation de la construction, ceux-ci pourront exiger la conservation de la façade ou de certains volumes ou la remise en situation des éléments architecturaux les plus significatifs ". L'article ZA 6 de ce règlement ainsi que son cahier des détails réglementaires prévoient également une possibilité de surélévation de la construction à cet emplacement jusqu'à la hauteur des deux immeubles en R+7 mitoyens. En outre, la " villa de la Chimère ", qui est dominée par deux immeubles en R+7 mitoyens, dépourvus d'intérêt architectural, constitue un élément architectural isolé au milieu de constructions récentes sans caractère particulier et d'une hauteur très supérieure Ainsi, la demande de substitution de motifs sollicitée par le ministre de la culture ne peut être accueillie.
9. Aux termes de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme : " Le permis de démolir peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les travaux envisagés sont de nature à compromettre la protection ou la mise en valeur du patrimoine bâti ou non bâti, du patrimoine archéologique, des quartiers, des monuments et des sites. " Pour les motifs exposés au point précédent, la commune des Sables-d'Olonne n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté de son maire du 7 juin 2019, en ce qu'il refuse le permis de démolir sollicité par M. B..., aurait pu être légalement fondé sur ces dispositions en ce que les travaux envisagés seraient de nature à compromettre la protection ou de la mise en valeur du patrimoine bâti et du quartier dans lequel s'inscrit la villa de la Chimère. La demande de substitution de motifs qu'elle présente ne peut donc être accueillie.
10. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur leur recevabilité, que les requêtes en tierce-opposition du ministre de la culture et de la commune des Sables-d'Olonne doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. B..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée par la commune des Sables-d'Olonne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme que demande de M. B... au titre des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : Les requêtes du ministre de la culture et de la commune des Sables-d'Olonne sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de M. B... tendant au bénéfice des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la culture, à la commune des Sables-d'Olonne et à M. A... B....
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Buffet, présidente de chambre,
- Mme Montes-Derouet, présidente-assesseure,
- M. Mas, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.
Le rapporteur,
B. MASLa présidente,
C. BUFFET
La greffière,
M. C...
La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22NT02437