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19/11/2024 | FRANCE | N°22VE01247

France | France, Cour administrative d'appel de VERSAILLES, 1ère chambre, 19 novembre 2024, 22VE01247


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier régional (CHR) d'Orléans à lui verser la somme de 4 362 008,41 euros en réparation des préjudices liés à sa prise en charge au service des urgences de cet établissement le 25 mai 2015.



Par un jugement n°1902625 du 24 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et des mém

oires, enregistrés le 23 mai 2022, le 29 novembre 2022 et le 28 mai 2024, ainsi qu'un mémoire non communiqué enregistré le 7 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... B... a demandé au tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier régional (CHR) d'Orléans à lui verser la somme de 4 362 008,41 euros en réparation des préjudices liés à sa prise en charge au service des urgences de cet établissement le 25 mai 2015.

Par un jugement n°1902625 du 24 mars 2022, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 23 mai 2022, le 29 novembre 2022 et le 28 mai 2024, ainsi qu'un mémoire non communiqué enregistré le 7 octobre 2024, M. B..., agissant en son nom propre et en qualité de représentant légal de ses enfants mineurs, A... et C... B..., représenté par la société Verdier et Associés, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner le CHR d'Orléans à lui verser la somme totale de 10 253 967,62 euros ;

3°) et de lui accorder une provision de 50 000 euros à valoir sur les préjudices correspondant aux frais d'adaptation de son logement et de son véhicule et aux dépenses de santé futures et d'ordonner un complément d'expertise en vue d'évaluer ces trois postes de préjudices ;

4°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise en vue d'évaluer les besoins d'assistance par une tierce personne et, dans l'attente, de lui accorder une allocation provisionnelle de 803 156 euros à ce titre ;

5°) à titre infiniment subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise médicale en vue de se prononcer sur le caractère adapté de sa prise en charge par le service des urgences de l'hôpital le 25 mai 2015 ;

6°) de mettre à la charge du CHR d'Orléans la somme de 35 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. B... soutient que :

- compte tenu des symptômes qu'il présentait le 25 mai 2015, en l'orientant vers le médecin de " SOS médecins " et en s'abstenant de pratiquer un examen clinique, le service des urgences du CHR d'Orléans a commis une faute de nature à engager la responsabilité de cet établissement ;

- le retard de diagnostic induit par cette absence de prise en charge lui a fait perdre une chance d'éviter les séquelles neurologiques graves dont il est atteint, laquelle doit être évaluée à 50 % ;

- la faute de l'hôpital portant en elle-même l'intégralité du dommage, il n'y a pas lieu d'opérer un partage de responsabilité entre l'hôpital et le médecin de ville qui l'a examiné le 25 mai 2015 ;

- à titre subsidiaire, il y a lieu d'ordonner une nouvelle expertise en vue d'apprécier la conformité de la prise en charge de M. B... par le service des urgences de l'hôpital le 25 mai ;

- les préjudices correspondant aux frais d'adaptation de son logement et de son véhicule et aux dépenses de santé futures sont réservés ; il y a lieu d'ordonner un complément d'expertise en vue d'évaluer ces trois postes de préjudice et, dans l'attente, de lui accorder une provision de 50 000 euros à valoir sur ces préjudices ;

- il n'y a pas lieu de déduire de l'indemnité à mettre à la charge de l'hôpital la prestation de compensation du handicap, l'allocation personnalisée d'autonomie ou les indemnités versées au titre d'un contrat de prévoyance ;

- il demande réparation des préjudices suivants, évalués avant perte de chance comme suit :

- dépenses de santé actuelles, à hauteur de 2 942,67 euros ;

- frais divers, à hauteur de la somme de 12 544,12 euros ;

- frais d'appareillage et d'aménagement du véhicule, à hauteur de la somme de 18 988,52 euros ;

- frais passés d'assistance par une tierce personne, à hauteur d'une somme de 386 951,64 euros ;

- perte de revenus professionnels passée, à hauteur de la somme de 27 858,25 euros ;

- manque à gagner du fait de l'arrêt de la SCI JMCAD, à hauteur de la somme de 33 930 euros, de la cession du fonds de commerce de la société Info Services 45, à hauteur de la somme de 67 780 euros et de la diminution des résultats de cette société en 2015 et des pertes subies en 2016 à 2017, à hauteur de la somme de 254 653,25 euros ;

- dépenses de santé futures, à hauteur de 25 270,36 euros, à compléter après une nouvelle expertise médicale ;

- incidence professionnelle, à hauteur de 100 000 euros ;

- perte de gains professionnels futurs, à hauteur de 73 468,87 euros ;

- perte sur le boni de liquidation de la société Info Services 45, à hauteur de 274 655 euros ;

- minoration des droits à pension de retraite, à hauteur d'une somme annuelle de 5 100 euros pendant une durée de 27 ans ;

- frais de mutuelle, à hauteur de 17 370 euros ;

- frais liés à l'usage d'un véhicule, à hauteur de 27 300 euros ;

- frais téléphoniques, à hauteur de 7 090 euros ;

- perte du bénéfice d'un plan épargne entreprise, à hauteur de 21 000 euros ;

- frais permanents d'assistance par une tierce personne, à hauteur de 8 419 749,94 euros ;

- déficit fonctionnel temporaire, à hauteur de 12 086,25 euros ;

- souffrances endurées, à hauteur de 50 000 euros ;

- préjudice esthétique temporaire, à hauteur de 35 000 euros ;

- déficit fonctionnel permanent, à hauteur de 281 600 euros ;

- préjudice d'agrément, à hauteur de 85 000 euros ;

- préjudice sexuel, à hauteur de 40 000 euros ;

- préjudice d'établissement, à hauteur de 45 000 euros ;

- préjudice esthétique permanent, à hauteur de 35 000 euros ;

- préjudice moral propre des enfants, à hauteur de 40 000 euros chacun.

Par des mémoires en défense enregistrés les 15 octobre 2022 et 25 juillet 2024 ainsi qu'un mémoire non communiqué enregistré le 9 octobre 2024, le CHR d'Orléans, représenté par Me Tordjman, avocate, conclut au rejet de la requête de M. B....

Il fait valoir que :

- à titre principal, le service des urgences, qui pouvait légalement orienter M. B... vers un médecin de ville en application des dispositions du 6° de l'article R. 6123-19 du code de la santé publique, n'a commis aucune faute en s'abstenant de pratiquer au préalable un examen clinique du patient ;

- en tout état de cause, la faute alléguée n'est à l'origine d'aucune perte de chance d'éviter les séquelles, dès lors qu'il a été vu par un médecin de ville le même jour ;

- il n'y a pas lieu de procéder à une nouvelle expertise pour apprécier la conformité de la prise en charge médicale du patient ou pour évaluer les besoins en aide humaine du patient ; le CHR s'en remet à la sagesse de la cour quant à l'utilité d'une expertise complémentaire pour évaluer les préjudices correspondant aux frais d'adaptation de son logement et de son véhicule et aux dépenses de santé futures ;

- à titre subsidiaire, la part de responsabilité de l'hôpital ne saurait excéder 50 %, compte tenu de la faute du médecin de ville ayant examiné le patient le 25 mai 2015 ; le taux de perte de chance, eu égard au caractère inéluctable de la pathologie et de ses séquelles neurologiques souligné par l'expert, ne saurait excéder 10 % ;

- il y a lieu, pour évaluer les préjudices de la victime, de tenir compte de la prestation de compensation du handicap qui semble lui être versée ;

- le montant de la somme demandée par la victime au titre des dépenses de santé actuelles n'est pas justifié ; la CPAM ne justifie pas du lien de causalité entre l'intégralité des dépenses dont elle demande le remboursement et la faute, dès lors qu'une partie des soins assurés aurait été nécessaire y compris avec une prise en charge précoce ;

- il y a lieu de ramener le montant de la somme demandée au titre des frais divers à de plus justes proportions ;

- l'évaluation de l'indemnité correspondant aux frais passés d'assistance par une tierce personne ne saurait excéder, avant perte de chance et, le cas échéant, déduction de la prestation de compensation du handicap, la somme de 3 831,45 euros ; la CPAM ne saurait, compte tenu du principe de préférence de la victime, obtenir de remboursement de la pension d'invalidité versée à ce titre ;

- la CPAM ne justifie pas du lien de causalité entre l'intégralité des indemnités journalières dont elle demande le remboursement et la faute ;

- le manque à gagner du fait de l'arrêt de la SCI JMCAD ne saurait être évalué à une somme excédant 21 572 euros ;

- la victime n'a pas subi de perte de revenus professionnels passés et ne saurait être indemnisée à ce titre ;

- le préjudice correspondant au manque à gagner subi lors de la cession du fonds de commerce de la société Info Services 45 présente un caractère incertain et ne saurait donner lieu à une indemnisation ;

- le manque à gagner résultant de la diminution des résultats de cette société en 2015 et des pertes subies en 2016 à 2017 ne saurait être évalué, avant perte de chance, à une somme excédant 87 559,50 euros ;

- la CPAM justifie de dépenses de santé postérieures à la consolidation à hauteur de la somme de 45 958,14 euros ; il n'est pas possible en l'état de déterminer si les dépenses dont la victime fait état font l'objet d'une prise en charge de la caisse ;

- pour les dépenses de santé futures de la caisse, évaluées à la somme totale de 338 325,77 euros, il y a lieu de prévoir un remboursement trimestriel sur justificatifs ;

- la perte de revenus futurs n'est pas évaluable en l'état, en l'absence de production par la victime de ses avis d'imposition sur les revenus à compter de l'année 2018 et par la caisse des arrérages de la pension d'invalidité postérieurs au 31 mai 2022 ;

- le préjudice futur lié à la baisse des résultats à partir de l'année 2016 ne saurait être évalué à hauteur d'une somme excédant 139 650 euros ;

- il n'y a pas lieu d'indemniser la perte du boni de liquidation de la société Info Services 45, déjà prise en compte à travers d'autres préjudices ;

- la perte des droits à retraite peut être évaluée à la somme de 3 641,65 euros ;

- le préjudice lié à la perte des avantages en nature peut être évalué à la somme de 45 460 euros, dès lors qu'il n'y a pas lieu d'indemniser les frais liés à l'usage d'un véhicule ;

- la demande présentée au titre de l'incidence professionnelle doit être écartée, le préjudice allégué à cet égard étant déjà réparé au titre du déficit fonctionnel permanent ;

- la majoration de pension d'invalidité versée par la caisse peut être évaluée à la somme de 2 976,12 euros pour la période du 1er janvier 2018 au 31 mai 2022 ; la période postérieure n'est pas justifiée ; il y a lieu dans tous les cas de tenir compte, le cas échéant, du versement de la prestation de compensation du handicap ;

- les dépenses correspondant aux frais futurs d'assistance par une tierce personne peuvent être évalués à la somme de 348 192 euros pour la période du 21 décembre 2017 au 21 décembre 2023 ; pour la période postérieure, une rente trimestrielle viagère d'un montant de 73 916,38 euros, compte tenu du partage de responsabilité et du taux de perte de chance de 10 %, pourrait être prévue, sous réserve, le cas échéant, de déduction des prestations similaires ;

- le déficit fonctionnel temporaire peut être évalué, avant perte de chance et partage de responsabilité, à la somme demandée par la victime ;

- les souffrances endurées peuvent être évaluées à la somme de 25 000 euros ;

- le préjudice esthétique temporaire peut être évalué à la somme de 8 000 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent peut être évalué à la somme de 175 000 euros ;

- la réalité du préjudice d'agrément n'est pas justifiée ; à titre subsidiaire, il pourrait être évalué à la somme de 10 000 euros ;

- le préjudice sexuel pourra être évalué à la somme de 10 000 euros ;

- la réalité du préjudice d'établissement n'est pas démontrée ;

- le préjudice esthétique permanent pourrait être évalué à hauteur de 20 000 euros ;

- le préjudice d'affection des enfants de la victime pourrait être évalué à hauteur de 20 000 euros chacun avant perte de chance et partage de responsabilité.

Par des mémoires enregistrés les 27 juin 2022 et 29 juillet 2024, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Puy de Dôme, venant aux droits de la caisse locale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants, représentée par Me Berger, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement attaqué ;

2°) de condamner le CHR d'Orléans à lui verser la somme de 1 150 675,18 euros, assortie des intérêts légaux, correspondant aux prestations engagées pour le compte de M. B... ;

3°) de condamner le CHR d'Orléans à lui verser la somme de 1 191 euros au titre de l'indemnitaire forfaire de gestion prévue par les dispositions de l'article L. 371-1 du code de la sécurité sociale ;

4°) de mettre à la charge du CHR d'Orléans la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- l'absence d'examen neurologique pratiqué par le service des urgences du CHR d'Orléans constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'hôpital ;

- cette faute est à l'origine d'une perte de chance d'éviter le handicap, qui peut être évaluée à hauteur de 50 % ;

- il n'y a pas lieu de procéder au partage de responsabilité demandé par le CHR ;

- elle demande le remboursement des dépenses de santé engagées pour la victime, à hauteur de la somme de 394 146,68 euros pour la période pré consolidation, de la somme de 66 630,75 euros pour la période du 21 décembre 2017 au 2 mars 2020 ainsi qu'une somme de 333 143,21 euros pour les frais futurs ;

- elle demande également le remboursement des pertes de gains professionnels pré consolidation, à hauteur de 35 316,17 euros, des pertes de gains professionnels pour la période du 1er janvier 2018 au 30 juin 2024, à hauteur de 192 795,21 euros et des pertes futures, à hauteur de 128 643,16 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Troalen ;

- les conclusions de M. Lerooy, rapporteur public ;

- et les observations de M. B... et de Me Perret, représentant le centre hospitalier régional (CHR) d'Orléans.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., qui a conservé des séquelles neurologiques majeures après avoir souffert d'une épidurite cervicale diagnostiquée le 27 mai 2015, a demandé au centre hospitalier régional (CHR) d'Orléans de l'indemniser des préjudices résultant de ces séquelles, estimant que sa prise en charge, par le service des urgences de cet établissement le 25 mai 2015, est fautive et l'a privé d'une chance d'éviter les séquelles neurologiques majeures dont il reste atteint. Il relève appel du jugement du 24 mars 2022 par lequel le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande indemnitaire dirigée contre le CHR d'Orléans.

2. D'une part, aux termes du premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. ".

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 6123-1 du même code : " L'exercice par un établissement de santé de l'activité de soins de médecine d'urgence mentionnée au 14° de l'article R. 6122-25 est autorisé selon une ou plusieurs des trois modalités suivantes : / (...) / 3° La prise en charge des patients accueillis dans la structure des urgences (...) ". Aux termes de l'article R. 6123-18 de ce code : " Tout établissement autorisé à exercer l'activité mentionnée au 3° de l'article R. 6123-1 est tenu d'accueillir en permanence dans la structure des urgences ou dans l'antenne de médecine d'urgence sur sa plage horaire d'ouverture toute personne qui s'y présente en situation d'urgence ou qui lui est adressée, notamment par le SAMU ". Aux termes de l'article R. 6123-19 du même code dans sa rédaction alors applicable : " Pour assurer, postérieurement à son accueil, l'observation, les soins et la surveillance du patient jusqu'à son orientation, l'établissement organise la prise en charge diagnostique et thérapeutique selon le cas : / 1° Au sein de la structure des urgences ; / (...) / 6° En l'orientant vers un médecin de ville ou vers toute autre structure sanitaire ou toute autre structure médico-sociale adaptée à son état ou à sa situation. "

4. Il résulte de l'instruction que M. B..., né le 18 mai 1964, s'est présenté le 25 mai 2015 au service des urgences du centre hospitalier régional (CHR) d'Orléans, en raison de cervicalgies dont il souffrait depuis quatre jours. Il a alors été orienté vers le centre de consultation de " SOS Médecins ", où il a été vu en consultation, le même jour, par un médecin généraliste qui lui a prescrit une radiographie du rachis cervical. Cet examen réalisé le 26 mai 2015 a mis en évidence une rectitude du rachis cervical. Le 27 mai 2015, M. B... présentait au réveil un déficit moteur majeur avec douleurs cervicales intenses et a alors été transporté par les pompiers, aux urgences du CHR d'Orléans, où une IRM cervico-médullaire a été pratiquée et permis de diagnostiquer une épidurite cervicale. M. B... a subi en urgence une intervention de laminectomie, puis a été pris en charge dans le service de réanimation neurochirurgicale jusqu'au 10 août 2015. Il a ensuite bénéficié de soins dans un centre de réadaptation jusqu'au 18 juin 2016. Il demeure atteint de tétraplégie.

5. M. B... fait grief au service des urgences du CHR d'Orléans de ne pas avoir fait procéder, le 25 mai 2015, à son examen clinique, notamment sur le plan neurologique, par un médecin. Toutefois, il est constant qu'il a été orienté vers un médecin de ville en application des dispositions précitées de l'article R. 6123-19 du code de la santé publique et qu'il a ainsi été reçu en consultation par un médecin généraliste le jour même, soit, compte tenu des délais d'attente prévisibles du service des urgences, dans un délai comparable à celui qui se serait écoulé si l'intéressé avait été pris en charge sur place. Si le rapport établi le 2 février 2017 par l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans indique que cette décision d'orientation, qui a été prise, ainsi qu'en atteste la fiche du service des urgences, par l'infirmière d'accueil et d'orientation après avoir recueilli l'avis du médecin d'accueil et d'orientation du service, médecin généraliste, n'était pas adaptée à la situation, il n'aboutit à cette conclusion qu'au regard du fait que M. B... présentait des cervicalgies intenses depuis quatre jours. Or, ce rapport, au vu des mêmes symptômes a estimé que la prise en charge dont a effectivement bénéficié le patient auprès du médecin généraliste du centre SOS médecins était conforme, alors même que ce praticien a réalisé un examen du rachis cervical qualifié de sommaire par l'expert, et prescrit des radiographies. En outre, tant le rapport d'expertise que les éléments de littérature scientifique versés au dossier font état de l'extrême difficulté à diagnostiquer une épidurite cervicale, pathologie rare qui peut être mise en évidence par une IRM et des analyses microbiologiques, notamment car les cervicalgies présentées ne sont pas toujours accompagnées de fièvre ou de signes neurologiques. En l'espèce, si aucun examen clinique n'a été pratiqué au service des urgences, aucun élément ne permet de penser, comme l'a mentionné l'expert, que M. B... était d'ores et déjà atteint de signes neurologiques, le médecin de SOS médecin n'en ayant d'ailleurs relevé aucun. La fiche médicale d'orientation établie par le service accueil des urgences fait quant à elle apparaître, dans la partie relative aux constantes relevées, une absence de fièvre. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction que les symptômes présentés par M. B... le 25 mai 2015 lors de son accueil au service des urgences pouvaient permettre à ce service de suspecter l'existence d'une épidurite cervicale ou de toute autre pathologie nécessitant une prise en charge en urgence ne pouvant être assurée qu'au sein de ce service. Dans ces conditions, en décidant d'orienter M. B... vers un médecin de ville, conformément aux dispositions précitées de l'article R. 6123-19 du code de la santé publique compte tenu de son état de santé, le service des urgences du CHR d'Orléans n'a pas commis de faute.

6. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction qu'un examen pratiqué le 25 mai 2015 par un médecin du service des urgences du CHR d'Orléans aurait abouti à un diagnostic différent de celui du médecin de ville.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leurs demandes.

Sur les frais d'instance :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge du CHR d'Orléans les sommes que M. B... et la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme demandent au titre des frais liés à l'instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à la caisse primaire d'assurance maladie du Puy de Dôme et au centre hospitalier régional d'Orléans.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Le Gars, présidente,

M. Tar, premier conseiller,

Mme Troalen, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.

La rapporteure,

E. TROALENLa présidente,

A.-C. LE GARSLa greffière,

A. GAUTHIER

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et de la prévention en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

2

N° 22VE01247


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de VERSAILLES
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01247
Date de la décision : 19/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-02-01-01-02-02 Responsabilité de la puissance publique. - Responsabilité en raison des différentes activités des services publics. - Service public de santé. - Établissements publics d'hospitalisation. - Responsabilité pour faute médicale : actes médicaux. - Absence de faute médicale de nature à engager la responsabilité du service public.


Composition du Tribunal
Président : Mme LE GARS
Rapporteur ?: Mme Elise TROALEN
Rapporteur public ?: M. LEROOY
Avocat(s) : SCP THIERRY GIRAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-19;22ve01247 ?
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