Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société VM Investir a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler le permis de construire tacite modificatif accordé par le maire de Megève le 19 août 2018 à M. C... ainsi que la décision née le 23 décembre 2018 rejetant son recours gracieux.
Par un jugement n°1900220 du 27 juillet 2021, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête.
Procédure devant la cour
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 septembre 2021, 2 septembre 2022 et 30 septembre 2022, la société VM Investir SARL, représentée par Me Destarac, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 juillet 2021 ;
2°) d'annuler le permis de construire tacite modificatif du maire de Megève né le 19 août 2018 à M. C..., ainsi que la décision implicite du 23 décembre 2018 rejetant son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Megève le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'irrégularité en ce qu'il est insuffisamment motivé et en ce que c'est à tort que les premiers juges ont retenu qu'elle n'avait pas intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté en litige ;
- elle dispose d'un intérêt à agir à l'encontre du permis en litige, que ce dernier soit requalifié en nouveau permis ou qu'il s'agisse d'un permis modificatif ;
- la consultation des services lors de l'instruction de la demande de permis de construire est irrégulière, à défaut de laisser un délai suffisant à certains des services consultés ;
- le dossier du permis en litige, qui doit être qualifié de permis nouveau, est insuffisant au regard des dispositions de l'article R. 431-10 a) du code de l'urbanisme en ce qu'il ne comporte pas de plan des toitures et de l'état initial des façades du bâtiment existant, ne permettant pas d'apprécier les modifications envisagées ; il est insuffisant au regard de l'article R. 431-10 d) du code de l'urbanisme en ce qu'il ne comporte aucun document photographique permettant de situer le terrain dans son environnement proche et lointain ; le formulaire de déclaration des éléments nécessaires au calcul des impositions mentionné à l'article R. 431-5 du code de l'urbanisme comporte des incohérences ;
- l'arrêté en litige, qu'il soit ou non qualifié de nouveau permis, méconnaît les dispositions des articles UH2, UH10 et UH11 du règlement du plan local d'urbanisme (PLU).
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 décembre 2021 et 9 septembre 2022, la commune de Megève, représentée par la SELARL Affaires Droit Public-Immobilier, conclut au rejet de la requête et, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit sursis à statuer en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, et demande qu'il soit mis à la charge de la société requérante le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- à titre principal, la requête est irrecevable, à défaut de justifier avoir accompli les formalités imparties par les dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- à titre subsidiaire, les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 30 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Burnichon, première conseillère,
- les conclusions de Mme Conesa-Terrade, rapporteure publique,
- les observations de Me Gonnet substituant Me Destarac pour la SARL VM Investir et de Me Antoine pour la commune de Megève.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 3 juin 2016, le maire de Megève a délivré à M. C... un permis de construire portant sur la régularisation, la rénovation et l'agrandissement d'un chalet d'habitation existant édifié sur le fondement d'un permis de construire délivré le 23 avril 1999 et sur la construction d'un garage enterré sur une parcelle voisine cadastrée section AB n° B..., au lieu-dit La Contamine. M. C... a sollicité le 19 juin 2018 un permis de construire portant sur la modification des ouvertures en façade, l'agrandissement du sous-sol enterré et la suppression de la charpente couvrant l'ascenseur à voitures. En l'absence de réponse explicite à cette demande, un permis de construire modificatif tacite est intervenu le 19 août 2018. La société VM Investir relève appel du jugement du 27 juillet 2021 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation du permis de construire modificatif précité, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal administratif a examiné l'objet du permis en litige, et notamment les modifications apportées au projet initial, en relevant qu'elles n'étaient pas, compte tenu de leur nature et de leur caractère limité, de nature à remettre en cause la conception générale du projet initial, et en en déduisant qu'il s'agissait d'un permis de construire modificatif, à l'égard duquel devait, par suite, être examiné l'intérêt à agir de la société requérante. Il n'avait pas à écarter expressément l'ensemble des arguments de la société requérante quant aux effets des modifications autorisées. Enfin, en critiquant les motifs qui ont conduit le tribunal à rejeter son intérêt à agir, la société requérante conteste non pas la régularité du jugement, mais son bien-fondé. Il suit de là que le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en ce qu'il serait insuffisamment motivé, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 9 du code de justice administrative, ne peut qu'être écarté.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. D'une part, l'autorité compétente, saisie d'une demande en ce sens, peut délivrer au titulaire d'un permis de construire en cours de validité un permis modificatif, tant que la construction que ce permis autorise n'est pas achevée, et dès lors que les modifications envisagées n'apportent pas à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Lorsque le dossier qui lui est présenté ne répond pas à ces conditions, la demande doit être regardée comme une demande nouvelle de permis de construire.
4. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif sollicité porte sur la modification des ouvertures par la suppression d'une fenêtre sur la façade est, la création d'une fenêtre et la transformation d'une fenêtre en porte-fenêtre en façade nord ou encore la modification du positionnement des fenêtres en façade ouest. Ce permis tend également à l'agrandissement du sous-sol enterré et sa transformation, pour 440,75 m² de sa surface, en surface habitable (piscine, jacuzzi, bar et local technique), la surface du sous-sol affectée au stationnement étant quant à elle réduite à 113,72 m². Enfin, ce permis supprime la charpente couvrant l'ascenseur à voitures et crée trois cheminées côté est. De telles modifications, qui portent sur des travaux autorisés par le permis de construire de 2016, qui n'étaient pas achevés, ont un impact limité sur l'aspect extérieur du chalet, ne modifient pas sa volumétrie et ne remettent pas en cause sa conception générale. Elles ne peuvent par suite être regardées comme apportant au projet initial un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. Le présent article n'est pas applicable aux décisions contestées par le pétitionnaire ".
6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial ou après avoir épuisé les voies de recours contre le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées, mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ou, lorsque le contentieux porte sur un permis de construire modificatif, des modifications apportées au projet.
7. L'appréciation de l'intérêt à agir de la société VM Investir, qui possède une parcelle cadastrée section AV n° A... située au nord-est de la construction modifiée et est ainsi voisine immédiate du projet en litige, s'apprécie au regard des seules modifications autorisées par le permis de construire tacitement accordé à M. C... par le maire de Megève et portant, ainsi qu'il a été dit précédemment, sur une construction édifiée sur le fondement d'un permis de construire autorisé en 1999 et pour laquelle un nouveau permis de construire a été délivré en 2016. En l'espèce, la création de deux fenêtres et la transformation d'une fenêtre en porte-fenêtre sur la façade nord, qui comportait déjà six ouvertures, et l'agrandissement du balcon, la suppression d'une fenêtre sur la façade est et l'installation de trois cheminées sur la toiture de cette dernière façade, n'induisent pas une augmentation de la hauteur au faîtage du bâtiment et n'emportent aucune vue ni trouble supplémentaire dans les conditions d'occupation du bien de la société requérante. La suppression de l'abri pour l'ascenseur à voitures à l'ouest de la construction, ce dernier ne visant au demeurant pas, contrairement à ce qui est allégué, à limiter les nuisances sonores liées à l'utilisation de l'ascenseur, n'induit pas non plus, et à supposer même qu'il en résulterait une utilisation accrue des stationnements extérieurs, une réelle atteinte aux conditions d'occupation du bien de la société requérante. S'il est vrai que le projet en litige prévoit également l'agrandissement du sous-sol enterré et la création, au sein de ce sous-sol, de 440,75 m² de surface habitable (piscine jacuzzi, bar, local technique), la surface du sous-sol affecté au stationnement étant corrélativement réduite à 113,72 m², cette augmentation de la surface est souterraine et n'emporte aucune conséquence sur le volume et la hauteur de la construction ou le nombre de logements, ni sur le stationnement extérieur, et il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier, en admettant même qu'elle induise des affouillements supplémentaires ainsi que des remblais, qu'elle aurait des incidences sur les conditions d'occupation et d'utilisation de son bien par la société requérante. Enfin, les nuisances induites par les travaux ne peuvent pas utilement être invoquées pour justifier d'un intérêt à agir à l'encontre d'une autorisation d'urbanisme. Il suit de là, comme le soutenait la commune de Megève en première instance, que, eu égard aux modifications apportées par le permis de construire modificatif en litige, la société VM Investir, alors même qu'elle est voisine immédiate de la construction en litige, ne peut être regardée comme ayant un intérêt à agir contre ce permis, au sens des dispositions de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme.
8. Il résulte de ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la commune de Megève à la requête d'appel, que la société VM Investir n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa requête.
Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune de Megève, qui n'est pas la partie perdante. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société requérante, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Megève.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société VM Investir SARL est rejetée.
Article 2 : La société VM Investir SARL versera à la commune de Megève une somme de 2000 (deux mille) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société VM Investir SARL, à la commune de Megève et à M. E... C....
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, première conseillère,
Mme Claire Burnichon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 12 décembre 2023.
La rapporteure,
C. BurnichonLa présidente,
M. D...
La greffière,
O. Ritter
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N°21LY03107 2