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20/12/2024 | FRANCE | N°24MA00178

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 20 décembre 2024, 24MA00178


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... C... épouse D... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler les arrêtés du 12 juin 2023 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination des mesures d'éloignement.



Par deux jugements n° 2309097 et n° 2309011 du 29 décembre 2023, le tribuna

l administratif de Marseille a rejeté les deux demandes.



Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... C... épouse D... et M. A... D... ont demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'annuler les arrêtés du 12 juin 2023 par lesquels le préfet des Bouches-du-Rhône leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination des mesures d'éloignement.

Par deux jugements n° 2309097 et n° 2309011 du 29 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté les deux demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2024, sous le numéro 24MA00178, Mme C... épouse D..., représentée par Me Zerrouki, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2309097 du 29 décembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 juin 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente et dans un délai de dix jours, une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions d'astreinte et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente et dans un délai de dix jours, une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'arrêté méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et les points 6 et 79 de l'observation générale n°14 (2013) du Comité des droits de l'enfant des nations unies ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

II. Par une requête, enregistrée le 28 janvier 2024, sous le numéro 24MA00180, M. D..., représenté par Me Zerrouki, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2309011 du 29 décembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 12 juin 2023 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente et dans un délai de dix jours, une autorisation provisoire de séjour dans les mêmes conditions d'astreinte et à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer, dans l'attente et dans un délai de dix jours, une autorisation provisoire de séjour sous les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il développe les mêmes moyens que ceux présentés par Mme C... épouse D... dans l'instance n° 24MA00178.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 février 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Danveau.

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... épouse D..., et M. D..., de nationalité algérienne, nés respectivement les 3 février 1979 et 6 février 1975, sont entrés en France en 2016 sous couvert d'un visa de court séjour. Le 10 mars 2023, ils ont sollicité leur admission au séjour sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par deux arrêtés du 12 juin 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de faire droit à leur demande, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits d'office. Ceux-ci relèvent appel des deux jugements du 29 décembre 2023 par lesquels le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs requêtes dirigées contre ces arrêtés.

2. Les requêtes n° 24MA00178 et 24MA00180 présentées par Mme C... épouse D... et M. D... qui concernent la situation d'un couple de ressortissants étrangers demandant l'annulation des mesures d'éloignement prises à leur encontre et qui ont fait l'objet d'une instruction commune, présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé des jugements :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Et aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ".

4. Il ressort des pièces du dossier que Mme et M. D..., mariés depuis 2010, sont entrés régulièrement en France en 2016, accompagnés de leurs deux enfants mineurs, sous couvert de passeports revêtus d'un visa Schengen de court séjour valable du 11 janvier au 8 juillet 2016. Un troisième enfant est né en France le 31 juillet 2017. Les requérants justifient d'une résidence habituelle en France depuis leur entrée sur le territoire français et de la scolarisation de leurs trois enfants. Il apparaît toutefois que le couple s'est maintenu irrégulièrement en France, que M. D... a fait l'objet de deux décisions d'obligation de quitter le territoire français les 14 septembre 2017 et 6 janvier 2022 qui n'ont pas été exécutées et que son épouse s'est également soustraite à une précédente mesure d'éloignement prise le 6 janvier 2022. Par ailleurs, ni les expériences associatives de Mme et M. D... et l'implication de cette dernière dans le suivi de la scolarité de ses enfants, ni la création récente par M. D... d'une entreprise individuelle de travaux de peinture à compter du 1er juillet 2022 ne sont suffisantes pour attester d'une insertion sociale et professionnelle stable et ancienne sur le territoire français. Les pièces versées au dossier, constituées principalement d'avis d'imposition d'un montant nul, de quittances de loyer, de relevés bancaires et de factures téléphoniques ou d'électricité, ne sauraient pas plus caractériser une telle insertion. Si les requérants invoquent la scolarisation de leurs enfants mineurs en France, il n'est fait état d'aucune circonstance particulière faisant obstacle à la poursuite de leur scolarité dans un établissement d'enseignement situé dans leur pays d'origine. Rien ne s'oppose davantage à ce que les intéressés et leurs trois enfants reconstituent leur cellule familiale dans leur pays d'origine. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que Mme et M. D... seraient dépourvus de toute attache dans leur pays d'origine où ils ont vécu respectivement jusqu'à l'âge de 37 ans et 41 ans. Dans ces conditions, tant en leur refusant la délivrance d'un titre de séjour qu'en les obligeant à quitter le territoire à destination de leur pays d'origine, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale des requérants une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels les décisions ont été prises. Par suite, les moyens tirés de ce que les arrêtés litigieux auraient méconnu les stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, ces arrêtés ne sont pas entachés d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur la situation personnelle des requérants.

5. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

6. Les arrêtés attaqués n'ont pas pour effet de contraindre Mme et M. D... à se séparer de leurs enfants ou d'imposer au plus âgé d'entre eux d'interrompre toute scolarité. Si les requérants font valoir que leurs trois enfants, nés en 2011, 2012 et 2017 et scolarisés en France, seraient confrontés à des difficultés d'intégration en cas de retour en Algérie, rien ne s'oppose, ainsi qu'il a été dit, à la reconstitution de la cellule familiale dans ce pays dont les deux parents sont originaires et où ils ont vécu la majeure partie de leur vie. Les requérants ne sont donc pas fondés à soutenir que le préfet a pris l'arrêté contesté en méconnaissance des stipulations précitées.

7. Enfin, l'observation générale n° 14 (2013) du Comité des droits de l'enfant des Nations Unies ne contient pas de dispositions dont les requérants peuvent utilement se prévaloir dans le cadre de la présente instance.

8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme et M. D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugement attaqués, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du préfet du Bouches-du-Rhône du 12 juin 2023. Par voie de conséquence, les conclusions présentées par chacun des requérants à fin d'injonction sous astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de Mme C... épouse D... et de M. D... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... épouse D..., à M. D... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 décembre 2024, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024.

Le rapporteur,

signé

N. DANVEAULa présidente,

signé

C. FEDILa greffière,

signé

M. E...

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

Nos 24MA00178 - 24MA00180


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00178
Date de la décision : 20/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : ZERROUKI;ZERROUKI;ZERROUKI

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-20;24ma00178 ?
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