Vu la procédure suivante :
Le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 18 octobre 2022 par laquelle le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société ACIAM. Par un jugement n°2209806 du 6 mars 2023, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 23DA00820 du 25 juillet 2023, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel du syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et deux nouveaux mémoires, enregistrés les 22 septembre et 22 décembre 2023 et les 27 mai et 1er juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la société ACIAM la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Raphaël Chambon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat du syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs et à la SCP Fabiani, Pinatel, avocat de la SELARL Miquel Aras et associés, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société ACIAM, et de la SELARL Perin Borkowiak, agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société ACIAM ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond qu'après un jugement d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire en date du 1er août 2022, le tribunal de commerce de Lille Métropole a prononcé, le 28 septembre 2022, la liquidation judiciaire de la société ACIAM avec poursuite d'activité jusqu'au 1er octobre 2022. Par une décision du 18 octobre 2022, le directeur régional de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités des Hauts-de-France a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de cette société. Par un jugement du 6 mars 2023, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande du syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de cette décision. Ce syndicat se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 25 juillet 2023 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel contre ce jugement.
Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique :
2. De première part, aux termes de l'article L. 1233-58 du code du travail : " I. - En cas de redressement ou de liquidation judiciaire, l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, qui envisage des licenciements économiques, met en œuvre un plan de licenciement dans les conditions prévues aux articles L. 1233-24-1 à L. 1233-24-4. / L'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, selon le cas, réunit et consulte le comité social et économique dans les conditions prévues à l'article L. 2323-31 ainsi qu'aux articles : (...) / 3° L. 1233-30, I à l'exception du dernier alinéa, et dernier alinéa du II, pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés ; / 4° L. 1233-34 et L. 1233-35 premier alinéa et, le cas échéant, L. 2325-35 et L. 4614-12-1 du code du travail relatifs au recours à l'expert ; / 5° L. 1233-31 à L. 1233-33, L. 1233-48 et L. 1233-63, relatifs à la nature des renseignements et au contenu des mesures sociales adressés aux représentants du personnel et à l'autorité administrative ; / 6° L. 1233-49, L. 1233-61 et L. 1233-62, relatifs au plan de sauvegarde de l'emploi ; / 7° L. 1233-57-5 et L. 1233-57-6, pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés " . / II. - Pour un licenciement d'au moins dix salariés dans une entreprise d'au moins cinquante salariés, l'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1 est validé et le document mentionné à l'article L. 1233-24-4, élaboré par l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur, est homologué dans les conditions fixées aux articles L. 1233-57-1 à L. 1233-57-3 (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 1233-30 du code du travail : " I. - Dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins cinquante salariés, l'employeur réunit et consulte le comité d'entreprise sur : / 1° L'opération projetée et ses modalités d'application, conformément à l'article L. 2323-31 ; / 2° Le projet de licenciement collectif : le nombre de suppressions d'emploi, les catégories professionnelles concernées, les critères d'ordre et le calendrier prévisionnel des licenciements, les mesures sociales d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi et, le cas échéant, les conséquences des licenciements projetés en matière de santé, de sécurité ou de conditions de travail. / (...). / II. - (...) / En l'absence d'avis du comité social et économique dans ces délais, celui-ci est réputé avoir été consulté ". A ceux du premier alinéa de l'article L. 1233-34 du même code : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, le comité social et économique peut, le cas échéant sur proposition des commissions constituées en son sein, décider, lors de la première réunion prévue à l'article L. 1233-30, de recourir à une expertise pouvant porter sur les domaines économique et comptable ainsi que sur la santé, la sécurité ou les effets potentiels du projet sur les conditions de travail. " Enfin, aux termes du cinquième alinéa de l'article L. 641-4 du code de commerce : " Les licenciements auxquels procède le liquidateur en application de la décision ouvrant ou prononçant la liquidation, le cas échéant au terme du maintien provisoire de l'activité autorisé par le tribunal, sont soumis aux dispositions de l'article L. 1233-58 du code du travail. L'avis du comité social et économique est rendu au plus tard dans les douze jours de la décision prononçant la liquidation, ou, si le maintien provisoire de l'activité a été autorisé par le tribunal, dans les douze jours suivant le terme de cette autorisation. L'absence de remise du rapport de l'expert mentionné aux articles L. 1233-34, L. 1233-35, L. 2325-35 ou L. 4614-12-1 du code du travail ne peut avoir pour effet de reporter ce délai. "
3. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'elle est saisie par un employeur, un administrateur ou un liquidateur d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail et fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique a été régulière. Elle ne peut légalement accorder l'homologation demandée que si le comité a été mis à même d'émettre régulièrement un avis, d'une part, sur l'opération projetée et ses modalités d'application, et, d'autre part, sur le projet de licenciement collectif et le plan de sauvegarde de l'emploi. A ce titre, il appartient à l'administration de s'assurer que l'employeur, l'administrateur ou le liquidateur a adressé au comité tous les éléments utiles pour qu'il formule ses avis en toute connaissance de cause, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles d'avoir faussé sa consultation.
4. De seconde part, lorsque l'assistance d'un expert a été demandée selon les modalités prévues par ces mêmes dispositions, l'administration doit s'assurer que celui-ci a pu exercer sa mission dans des conditions permettant au comité social et économique de formuler ses avis en toute connaissance de cause. En particulier, même si, en cas de redressement et de liquidation judiciaires, une seule réunion du comité est en principe prévue par l'article L. 1233-58 du code du travail, le recours à un expert, destiné à éclairer le comité, justifie qu'il soit réuni une seconde fois afin de ne pas priver d'effet le recours à l'expertise. Il appartient alors à l'administration de s'assurer que les deux avis du comité ont été recueillis après que ce dernier a été mis à même de prendre connaissance des analyses de l'expert ou, à défaut de remise du rapport de l'expert, à une date à laquelle, eu égard notamment aux délais propres à la procédure ouverte par le tribunal de commerce et aux diligences de l'employeur, l'expert a disposé d'un délai suffisant pour réaliser sa mission dans des conditions permettant au comité de formuler ses avis en connaissance de cause.
5. Il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour, après avoir relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu'à la suite de la désignation par le comité social et économique de la société ACIAM d'un cabinet d'expertise comptable afin de l'assister dans l'analyse de la situation économique et comptable de l'entreprise, les liquidateurs judiciaires avaient transmis à ce cabinet la majorité des documents demandés, dont ceux concernant les informations générales relatives à la société, à sa situation financière et comptable et à l'état de l'emploi et de l'organisation du travail en son sein, et que le cabinet d'expertise comptable avait disposé d'un délai de sept jours pour examiner les documents ainsi transmis, a estimé que ce dernier avait pu, dans les circonstances de l'espèce, mener normalement sa mission en ayant disposé d'un délai suffisant. En jugeant, dans ces conditions, que la décision d'homologation litigieuse n'était pas illégale en ce qu'elle retenait que la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, qui, au demeurant, n'avait pas usé de la possibilité prévue par l'article L. 1233-57-5 du code du travail d'adresser à l'administration une demande tendant à ce qu'il soit enjoint aux liquidateurs de fournir l'ensemble des éléments d'information sollicités par l'expert, avait été régulière, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur le contrôle de la suffisance du plan de sauvegarde de l'emploi :
6. De première part, aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile. / (...) ".
7. De seconde part, aux termes du deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 du même code, applicable aux entreprises placées en redressement ou en liquidation judiciaire : " Par dérogation au 1° de l'article L. 1233-57-3 [qui prévoit que l'administration vérifie le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe], sans préjudice de la recherche, selon le cas, par l'administrateur, le liquidateur ou l'employeur, en cas de redressement ou de liquidation judiciaire, des moyens du groupe auquel l'employeur appartient pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, l'autorité administrative homologue le plan de sauvegarde de l'emploi après s'être assurée du respect par celui-ci des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 au regard des moyens dont dispose l'entreprise. / (...) ".
8. Il résulte des dispositions citées aux points 6 et 7 que, lorsque l'administration est saisie d'une demande d'homologation d'un document élaboré en application de l'article L. 1233-24-4 du code du travail, il lui appartient, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de vérifier, dans le cas des entreprises en redressement ou en liquidation judiciaire, d'une part, que le liquidateur a recherché, pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi, les moyens dont disposent l'unité économique et sociale et le groupe auquel l'entreprise appartient et, d'autre part, que le plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas insuffisant au regard des seuls moyens dont dispose l'entreprise. Pour l'application de ces dispositions, les moyens de l'entreprise s'entendent des moyens, notamment financiers, dont elle dispose et, les moyens du groupe de ceux, notamment financiers, dont disposent l'ensemble des entreprises placées sous le contrôle d'une même entreprise dominante.
9. En premier lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a relevé, pour déterminer le périmètre du groupe auquel appartient la société ACIAM et dont les moyens devaient être recherchés par le liquidateur judiciaire, en application de l'article L. 1233-58 du code du travail cité au point 7, pour l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi - lequel groupe se distingue de celui au sein duquel doivent être recensées les possibilités de reclassement situées sur le territoire national et susceptibles d'être proposées aux salariés dont le licenciement ne peut être évité -, que, selon l'organigramme du groupe figurant dans le document unilatéral fixant le contenu de ce plan, la société ACIAM est une filiale détenue à 100 % par la société Multi Project Investments, elle-même détenue à 100 % par la société Immo Prom, elle-même détenue à 100 % par la société Hermione People et Brands, elle-même détenue à 94 % par la société O Invest et à 6 % par la société Hermione Holding, cette dernière étant détenue à 100 % par la société Financière Immobilière Bordelaise. Elle a ensuite jugé, d'une part, qu'en ne sollicitant, par des sommations interpellatives en date du 4 octobre 2022, que les six sociétés précitées détenant directement ou indirectement la société ACIAM, et non également l'ensemble des sociétés que ces dernières détiennent, aux fins de contribuer, notamment, au financement du plan de sauvegarde de l'emploi devant être mis en œuvre, le liquidateur judiciaire devait être regardé comme ayant, dans les circonstances de l'espèce, satisfait à son obligation de recherche des moyens de ce groupe en application du deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 du code du travail cité au point 7, d'autre part, qu'il n'était pas établi qu'appartenaient à ce groupe trois sociétés ayant une activité dans le secteur hôtelier et qui n'avaient pas été sollicitées par le liquidateur, s'agissant de filiales de la société Financière Immobilière Bordelaise qui ne détient indirectement qu'une part minoritaire du capital de la société Hermione People et Brands et ne fait pas, par suite, partie dudit groupe. En statuant ainsi, la cour n'a pas commis d'erreur de droit.
10. En second lieu, si le requérant est fondé à soutenir que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que, dans le cas d'une entreprise faisant l'objet d'une procédure collective, la matérialité, l'objet et l'étendue de la recherche des moyens du groupe auquel elle appartient pour l'établissement de son plan de sauvegarde de l'emploi sont, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de la décision d'homologation du document unilatéral fixant le contenu de ce plan, dès lors qu'il résulte de ce qui a été dit au point 8 que l'autorité administrative est tenue de s'assurer de l'effectivité de cette recherche, peu important à cet égard que la suffisance des mesures du plan de sauvegarde de l'emploi ne soit appréciée qu'au regard des moyens de l'entreprise, ce moyen est toutefois inopérant, le motif critiqué étant resté sans incidence sur le bien-fondé de l'appréciation portée par la cour, rappelée au point précédent, sur le respect par le liquidateur de son obligation de recherche des moyens du groupe prévue au deuxième alinéa du II de l'article L. 1233-58 du code du travail.
Sur l'arrêt en tant qu'il statue sur le contrôle du respect par les liquidateurs de leurs obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs :
11. Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. "
12. Il résulte de ces dispositions que dans le cadre d'une réorganisation qui donne lieu à l'élaboration d'un plan de sauvegarde de l'emploi, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, y compris pour les sociétés en liquidation judiciaire, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, le respect, par l'employeur ou le liquidateur, de ses obligations en matière de prévention des risques pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. A cette fin, elle doit contrôler tant la régularité de l'information et de la consultation des institutions représentatives du personnel que les mesures auxquelles l'employeur ou le liquidateur est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail au titre des modalités d'application de l'opération projetée.
13. A ce titre, il appartient notamment à l'administration, dans le cadre du contrôle du contenu du document unilatéral lui étant soumis en vue de son homologation, de vérifier, au vu des éléments d'identification et d'évaluation des risques, des débats qui se sont déroulés au sein du comité social et économique, des échanges d'informations et des observations et injonctions éventuelles formulées lors de l'élaboration du plan de sauvegarde de l'emploi, dès lors qu'ils conduisent à retenir que la réorganisation présente des risques pour la santé ou la sécurité des travailleurs, si l'employeur ou le liquidateur a arrêté des actions pour y remédier et si celles-ci correspondent à des mesures précises et concrètes, au nombre de celles prévues aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, qui, prises dans leur ensemble, sont, au regard de ces risques, propres à les prévenir et à en protéger les travailleurs.
14. En premier lieu, il ne résulte d'aucune disposition législative ou règlementaire, ni d'aucun principe que l'information et la consultation des institutions représentatives du personnel sur la question de la prévention des risques pour la santé physique et mentale des salariés dans le cadre d'un projet de licenciement collectif doivent donner lieu à l'adoption d'un avis spécifique, précédée formellement d'un vote. Le syndicat requérant ne peut, par conséquent, utilement soutenir que la cour aurait, dans son appréciation du contrôle par l'autorité administrative de la régularité de l'information et de la consultation du comité social et économique de la société ACIAM, commis une erreur de droit en ne recherchant pas si l'examen de cette question par le comité s'était traduit par l'adoption d'un avis spécifique, précédée d'un vote.
15. En second lieu, il ressort des énonciations de l'arrêt attaqué que la cour a relevé qu'il ressortait des pièces du dossier qui lui était soumis que les liquidateurs avaient intégré dans le document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi de la société ACIAM diverses mesures de nature à prévenir et gérer les risques pour la santé physique et mentale des salariés associés au projet de licenciement collectif, comprenant notamment une mobilisation accrue du médecin du travail et du service de prévention et de santé au travail et la mise en place d'un dispositif d'assistance psychologique disponible sans interruption sur la période du 1er septembre 2022 au 31 octobre 2022. La cour a ainsi pu en déduire, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que de telles mesures, contenues dans le document unilatéral et contrôlées par l'administration, étaient précises et concrètes et permettaient d'assurer le respect des dispositions de l'article L. 4121-1 du code du travail citées au point 11, sans qu'il puisse, contrairement à ce qui est soutenu, s'inférer de la mention, dans l'arrêt attaqué, du bref délai qui s'imposait au liquidateur pour faire homologuer le document unilatéral, qu'elle en aurait tenu compte dans son appréciation du caractère adapté des mesures prévues.
Sur l'arrêt en tant qu'il se prononce sur la motivation de la décision d'homologation :
16. Aux termes de l'article L. 1233-57-4 du code du travail : " L'autorité administrative notifie à l'employeur (...) la décision d'homologation dans un délai de vingt et un jours (...). / Elle la notifie, dans les mêmes délais, au comité d'entreprise (...). La décision prise par l'autorité administrative est motivée ".
17. Il résulte de ces dispositions que la décision expresse par laquelle l'administration homologue un document fixant le contenu d'un plan de sauvegarde de l'emploi doit énoncer les éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que les personnes auxquelles cette décision est notifiée puissent à sa seule lecture en connaître les motifs.
18. Il ressort des termes mêmes de l'arrêt attaqué que, pour estimer que la décision d'homologation était suffisamment motivée, la cour a retenu, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que les motifs de cette décision faisaient apparaître que l'administration s'était prononcée sur l'ensemble des éléments essentiels qu'il lui incombait de contrôler, en relevant en particulier que cette décision faisait état de ce que les membres du comité social et économique de la société ACIAM avaient reçu les informations et documents nécessaires, désigné un expert et émis leurs avis sur la liquidation judiciaire de la société et ses conséquences pour l'emploi ainsi que sur le projet de plan de sauvegarde de l'emploi. En statuant ainsi, par un arrêt suffisamment motivé, elle n'a pas commis d'erreur de droit.
19. Il résulte de tout ce qui précède que le pourvoi du syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs doit être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de ce syndicat la somme que demandent le mandataire liquidateur et le mandataire judiciaire de la société ACIAM au titre des mêmes dispositions.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le pourvoi du syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs est rejeté.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SELARL Miquel Aras et associés et la SELARL Perin Borkowiak au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au syndicat CGT des salariés du commerce, de la distribution et des services de Roubaix et environs, à la SELARL Miquel Aras et associés, agissant en qualité de mandataire liquidateur de la société ACIAM, à la SELARL Perin Borkowiak, agissant en qualité de mandataire judiciaire de la société ACIAM, et à la ministre du travail et de l'emploi.
Délibéré à l'issue de la séance du 25 septembre 2024 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Maud Vialettes, Mme Gaëlle Dumortier, présidentes de chambre ; M. Jean-Luc Nevache, M. Edouard Geffray, Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, M. Jean-Dominique Langlais, conseillers d'Etat ; Mme Catherine Brouard-Gallet, conseillère d'Etat en service extraordinaire et M. Julien Fradel, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 15 octobre 2024.
Le président :
Signé : M. Rémy Schwartz
Le rapporteur :
Signé : M. Julien Fradel
Le secrétaire :
Signé : M. Christophe Bouba