Vu la procédure suivante :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite du 10 août 2017 par laquelle le maire de Saint-Martin-lez-Tatinghem (Pas-de-Calais) a délivré à la société Mavan Aménageur un permis d'aménager, ainsi que la décision du 8 septembre 2017 par laquelle ce maire a délivré à cette même société un certificat de permis d'aménager tacite.
Par un jugement n° 1709278 du 17 septembre 2020, le tribunal administratif de Lille a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 20DA01802 du 23 mars 2022, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. A... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire et deux mémoires complémentaires, enregistrés les 30 mai, 30 août et 21 septembre 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond de faire droit à ses conclusions d'appel ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Martin-lez-Tatinghem et de la société Mavan Aménageur une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie du 27 décembre 2013 relatif aux prescriptions générales applicables aux installations classées pour la protection de l'environnement soumises à déclaration sous les rubriques n° 2101-1, 2101-2, 2101-3, 2102 et 2111 ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Maïlys Lange, rapporteure publique ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Buk Lament - Robillot, avocat de M. A... et à la SARL Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, Rameix, avocat de la commune de Saint-Martin-lez-Tatinghem ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société Mavan Aménageur a déposé le 13 février 2017 et complété le 10 avril 2017 une demande de permis d'aménager en vue de créer un lotissement, comprenant quinze lots et un îlot pour la construction de huit logements sociaux, sur une parcelle d'une superficie de 12 358 m² cadastrée AC 127 sur le territoire de la commune de Saint-Martin-lez-Tatinghem (Pas-de-Calais). A l'expiration du délai de trois mois prévu par l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme, le silence gardé par le maire de cette commune sur cette demande a fait naître une décision implicite d'autorisation en application de l'article R. 424-1 du même code. Par un arrêté du 8 septembre 2017, le maire de Saint-Martin-lez-Tatinghem a délivré à cette société un certificat de permis d'aménager tacite. M. A... a demandé l'annulation pour excès de pouvoir de ce permis et de ce certificat au tribunal administratif de Lille qui a rejeté sa demande par un jugement du 17 septembre 2020. M. A... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 23 mars 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Douai a rejeté son appel formé contre ce jugement.
2. En premier lieu, si M. A... soutient que les décisions attaquées méconnaissent les dispositions de l'article R. 442-5 du code de l'urbanisme dès lors que les photographies jointes au dossier ne permettaient pas de situer le terrain dans le paysage lointain et que le pétitionnaire ne justifiait pas qu'aucune photographie prise à plus grande distance n'était possible, un tel moyen, qui n'est pas d'ordre public, est nouveau en cassation et ne peut, par suite, qu'être écarté.
3. En second lieu, l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime, dans sa version applicable au litige, dispose que : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire, à l'exception des extensions de constructions existantes. / (...) / Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, une distance d'éloignement inférieure peut être autorisée par l'autorité qui délivre le permis de construire, après avis de la chambre d'agriculture, pour tenir compte des spécificités locales. Une telle dérogation n'est pas possible dans les secteurs où des règles spécifiques ont été fixées en application du deuxième alinéa (...) ".
4. Les règles de distance minimale législatives ou réglementaires applicables à des constructions ou extensions de bâtiments agricoles vis-à-vis de locaux habituellement occupés par des tiers s'appliquent également aux nouvelles constructions à usage non agricole vis-à-vis de bâtiments agricoles lorsque celles-ci nécessitent un permis de construire, sauf cas d'extension d'une construction existante. Ces dispositions sont opposables aux demandes d'autorisation de lotir dès lors que celles-ci prévoient des lots en vue de l'implantation de constructions nouvelles qui méconnaîtront nécessairement les règles de distance en question.
5. La dérogation mentionnée au quatrième alinéa de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime ne peut être octroyée qu'à l'occasion de la délivrance d'un permis de construire et après avis de la chambre d'agriculture concernée, lequel ne peut être sollicité qu'à ce stade. Néanmoins, l'autorité compétente pour octroyer un permis d'aménager prévoyant l'implantation de constructions nouvelles à proximité de bâtiments agricoles peut tenir compte de spécificités locales pour estimer que le projet d'aménagement ne méconnaît pas nécessairement les dispositions de l'article L. 111-3 précité, sans préjudice de l'appréciation que portera l'autorité compétente sur la demande de permis de construire. La cour n'a donc pas commis l'erreur de droit alléguée en ne recherchant pas si la chambre d'agriculture avait été consultée lors de l'instruction de la demande de permis d'aménager et en considérant que compte tenu des spécificités locales, le projet d'aménagement apparaissait comme susceptible de relever de la dérogation prévue par le quatrième alinéa de l'article L. 111-3 précité, et qu'il ne méconnaitrait donc pas nécessairement les règles de distance posées par cet article.
6. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque. Son pourvoi doit par suite être rejeté, y compris ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme de 3 000 euros à verser à la commune de Saint-Martin-lez-Tatinghem au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de M. A... est rejeté.
Article 2 : M. A... versera à la commune de Saint-Martin-lez-Tatinghem une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. B... A..., à la commune de Saint-Martin-lez-Tatinghem et à la société Mavan Aménageur.
Délibéré à l'issue de la séance du 21 novembre 2024 où siégeaient : M. Cyril Roger-Lacan, assesseur, présidant ; M. Stéphane Hoynck, conseiller d'Etat et M. Cédric Fraisseix, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteur.
Rendu le 27 décembre 2024.
Le président :
Signé : M. Cyril Roger-Lacan
Le rapporteur :
Signé : M. Cédric Fraisseix
La secrétaire :
Signé : Mme Angélique Rajaonarivelo