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11/02/2025 | FRANCE | N°490774

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 11 février 2025, 490774


Vu la procédure suivante :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 5 novembre 2019 par laquelle le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) lui a refusé la prise en charge, au titre de la formation professionnelle, de ses frais d'inscription à l'université Paris-Sud et d'enjoindre au CNRS de lui rembourser les frais de formation qu'il a financés. Par un jugement no 1909781 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 5 novembre 2019 du CNRS et a enjoint au CNR

S de procéder au réexamen de sa demande de prise en charge de ses fr...

Vu la procédure suivante :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler la décision du 5 novembre 2019 par laquelle le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) lui a refusé la prise en charge, au titre de la formation professionnelle, de ses frais d'inscription à l'université Paris-Sud et d'enjoindre au CNRS de lui rembourser les frais de formation qu'il a financés. Par un jugement no 1909781 du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé la décision du 5 novembre 2019 du CNRS et a enjoint au CNRS de procéder au réexamen de sa demande de prise en charge de ses frais d'inscription à une formation à l'université Paris-Sud dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement.

Par un arrêt n° 21VE02613 du 21 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par le CNRS contre ce jugement et rejeté le surplus des conclusions de M. A....

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 9 janvier et 2 avril 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le CNRS demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'éducation ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 2007-1470 du 15 octobre 2007 ;

- l'arrêté du 23 novembre 1988 relatif à l'habilitation à diriger des recherches ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Alexandre Denieul, auditeur,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SARL Meier-Bourdeau, Lecuyer et associés, avocat du centre national de la recherche scientifique ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A..., titulaire d'un doctorat et chargé de recherche de classe normale au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), s'est vu refuser, par une décision du 5 novembre 2019, la prise en charge, au titre de la formation professionnelle, de ses frais d'inscription à l'université Paris-Sud Saclay en vue de l'obtention d'une habilitation à diriger des recherches (HDR). Par un jugement du 12 juillet 2021, le tribunal administratif de Versailles a annulé cette décision et a enjoint au CNRS de réexaminer la demande de M. A... de remboursement de ses frais d'inscription dans un délai de trois mois. Par un arrêt du 21 décembre 2023, contre lequel le CNRS se pourvoit en cassation, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par le CNRS contre ce jugement.

2. D'une part, aux termes de l'article 1er du décret du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires de l'Etat, dans sa rédaction applicable au litige : " La formation professionnelle tout au long de la vie comprend principalement les actions suivantes : / 1° La formation professionnelle statutaire, destinée, conformément aux règles prévues dans les statuts particuliers, à conférer aux fonctionnaires accédant à un grade les connaissances théoriques et pratiques nécessaires à l'exercice de leurs fonctions et la connaissance de l'environnement dans lequel elles s'exercent ; / 2° La formation continue, tendant à maintenir ou parfaire la compétence des fonctionnaires (...) / 3° La formation de préparation aux examens, concours administratifs et autres procédures de promotion interne ;/ 4° La réalisation de bilans de compétences (...) / 5° La validation des acquis de leur expérience en vue de l'acquisition d'un diplôme, d'un titre à finalité professionnelle ou d'un certificat de qualification inscrit au répertoire national prévu par l'article L. 335-6 du code de l'éducation ;/ 6° L'approfondissement de leur formation en vue de satisfaire à des projets personnels et professionnels (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 612-7 du code de l'éducation : " (...) L'aptitude à diriger des recherches est sanctionnée par une habilitation délivrée dans des conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'enseignement supérieur ". Aux termes de l'article D. 613-6 du même code : " Les grades ou titres universitaires des disciplines autres que celles relevant de la santé sont conférés par les diplômes nationaux suivants : (...)14° Doctorat ; 15° Habilitation à diriger des recherches ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 23 novembre 1988 relatif à l'habilitation à diriger des recherches : " L'habilitation à diriger des recherches sanctionne la reconnaissance du haut niveau scientifique du candidat, du caractère original de sa démarche dans un domaine de la science, de son aptitude à maîtriser une stratégie de recherche dans un domaine scientifique ou technologique suffisamment large et de sa capacité à encadrer de jeunes chercheurs. / Elle permet notamment d'être candidat à l'accès au corps des professeurs des universités ". Aux termes de l'article 7 de cet arrêté : " (...) Le candidat fait devant le jury un exposé sur l'ensemble de ses travaux et, éventuellement, pour une partie d'entre eux, une démonstration. Cet exposé donne lieu à une discussion avec le jury. / Le jury procède à un examen de la valeur du candidat, évalue sa capacité à concevoir, diriger, animer et coordonner des activités de recherche et de valorisation et statue sur la délivrance de l'habilitation (...) ".

4. Enfin, aux termes de l'article L. 613-1 du code de l'éducation, dans sa version en vigueur à la date de la décision en litige : " (...) Les diplômes nationaux délivrés par les établissements sont ceux qui confèrent l'un des grades ou titres universitaires dont la liste est établie par décret (...). Sous réserve des dispositions des articles L. 613-3 et L. 613-4, ils ne peuvent être délivrés qu'au vu des résultats du contrôle des connaissances et des aptitudes appréciés par les établissements accrédités à cet effet (...) ". Aux termes de l'article L.613-3 du même code : " Toute personne qui a exercé pendant au moins trois ans une activité professionnelle, salariée, non salariée ou bénévole, en rapport avec l'objet de sa demande, peut demander la validation des acquis de son expérience pour justifier tout ou partie des connaissances et des aptitudes exigées pour l'obtention d'un diplôme ou titre délivré, au nom de l'Etat, par un établissement d'enseignement supérieur (...) ". Aux termes de l'article L. 613-4 de ce code : " (...) La validation produit les mêmes effets que le succès à l'épreuve ou aux épreuves de contrôle des connaissances et des aptitudes qu'elle remplace. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que la validation des acquis de l'expérience correspond à une voie alternative de délivrance d'un diplôme de l'enseignement supérieur et, d'autre part, que l'habilitation à diriger des recherches est un diplôme de l'enseignement supérieur qui sanctionne la reconnaissance du haut niveau scientifique du candidat, du caractère original de sa démarche dans le domaine de la science, de son aptitude à maîtriser une stratégie de recherche dans un domaine scientifique ou technologique suffisamment large et de sa capacité à encadrer de jeunes chercheurs, et que la délivrance de ce diplôme intervient à l'issue d'un examen au cours duquel les aptitudes et les compétences du candidat sont appréciées sur la base, notamment, d'un dossier retraçant l'activité et les travaux réalisés par celui-ci en matière de recherche scientifique. Cette procédure d'examen, qui constitue la voie normale d'obtention de l'habilitation à diriger des recherches, ne peut dès lors être assimilée à une procédure de validation des acquis de l'expérience en vue de la délivrance de ce même diplôme. Par suite, en jugeant que l'habilitation à diriger des recherches est un diplôme universitaire délivré au regard de la validation des acquis de l'expérience professionnelle et présente ainsi le caractère d'une action de formation professionnelle au sens du 5° de l'article 1er précité du décret du 15 octobre 2007, la cour a commis une erreur de droit.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens du pourvoi, que le CNRS est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque.

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.

8. D'une part, il résulte des dispositions de l'article 1er du décret du 15 octobre 2007 citées au point 2 que les actions mentionnées aux 1°, 2° et 3° de cet article sont des actions de formation qui, pour être regardées comme telles, doivent avoir pour objet d'acquérir ou d'actualiser des connaissances et des compétences permettant à l'agent d'atteindre un objectif professionnel.

9. D'autre part, il ne résulte ni des dispositions de l'article L. 612-7 du code de l'éducation, ni de celles de l'arrêté du 23 novembre 1988 relatif à l'habilitation à diriger des recherches que l'obtention de cette habilitation implique, par elle-même, le suivi par le candidat d'une formation tendant à l'acquisition ou l'actualisation de connaissances ou de compétences. En l'espèce, si M. A... soutient qu'il a fait l'objet d'un accompagnement de la part de son référent au sein de l'université Paris-Sud Saclay, il ressort des pièces du dossier que cet accompagnement ne saurait être assimilé à une telle formation. Par suite, alors même qu'elle permet l'obtention d'un diplôme s'inscrivant dans le cadre de l'évolution professionnelle d'un chercheur, l'inscription à l'examen conduisant à la délivrance de l'habilitation à diriger des recherches ne peut être regardée comme une action de formation au sens des 1°, 2° et 3° de l'article 1er du décret du 15 octobre 2007, ni, ainsi qu'il a été dit au point 5, au sens du 5° du même article.

10. Il résulte de ce qui précède que le CNRS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif a annulé la décision litigieuse du 5 novembre 2019. Il y a lieu, par suite, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Versailles et de rejeter la demande présentée par M. A....

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... la somme de 2 000 euros à verser au CNRS au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative pour l'ensemble de la procédure. Les dispositions de cet article font en revanche obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du CNRS qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

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Article 1er : L'arrêt du 21 décembre 2023 de la cour administrative d'appel de Versailles et le jugement du 12 juillet 2021 du tribunal administratif de Versailles sont annulés.

Article 2 : La demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif de Versailles est rejetée.

Article 3 : M. A... versera au CNRS la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ses conclusions présentées au même titre devant la cour administrative d'appel de Versailles sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au Centre national de la recherche scientifique et à M. B... A....


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 490774
Date de la décision : 11/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 11 fév. 2025, n° 490774
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Alexandre Denieul
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SARL MEIER-BOURDEAU, LECUYER ET ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 13/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:490774.20250211
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