Vu la procédure suivante :
Par une requête sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 février, 16 mai et 12 décembre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Coordination des associations pour le droit à l'avortement et à la contraception, l'association Mouvement français pour le planning familial, l'association nationale des centres d'interruption de grossesse et de contraception, l'association nationale des sage-femmes orthogénistes et la fédération Sud santé sociaux demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 2023-1194 du 16 décembre 2023 relatif à la pratique des interruptions volontaires de grossesse instrumentales par des sages-femmes en établissement de santé ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 2022-295 du 2 mars 2022 ;
- l'arrêté du 26 février 2016 relatif aux forfaits afférents à l'interruption volontaire de grossesse ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Thomas Janicot, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de la Coordination des associations pour le droit à l'avortement et à la contraception et autres ;
Considérant ce qui suit :
1. La loi du 2 mars 2022 visant à renforcer le droit à l'avortement a modifié l'article L. 2212-2 du code de la santé publique qui dispose désormais, à son premier alinéa, que : " L'interruption volontaire d'une grossesse ne peut être pratiquée que par un médecin ou par une sage-femme, profession médicale à part entière, quel que soit le lieu où elle exerce. Lorsqu'une sage-femme la réalise par voie chirurgicale, cette interruption ne peut avoir lieu que dans un établissement de santé. " Le II de l'article 2 de la même loi prévoit qu' " Un décret précise les modalités de mise en œuvre de l'extension de la compétence des sages-femmes aux interruptions volontaires de grossesse par voie chirurgicale, notamment les éléments relatifs à l'organisation des établissements de santé, à la formation exigée et aux expériences attendues des sages-femmes ainsi que leurs conditions de rémunération pour l'exercice de cette compétence ". Pour l'application de cette disposition, l'article 2 du décret du 16 décembre 2023 relatif à la pratique des interruptions volontaires de grossesse instrumentales par des sages-femmes en établissement de santé dispose que : " La rémunération de la réalisation des interruptions volontaires de grossesse par méthode instrumentale réalisées, dans les conditions mentionnées aux articles D. 2212-8 et D. 2212-8-1 du code de la santé publique, par les sages-femmes en établissements de santé est fixée dans les conditions prévues par les dispositions prises en application de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale ". La Coordination des associations pour le droit à l'avortement et à la contraception et autres doivent être regardées comme demandant l'annulation pour excès de pouvoir de cet article.
2. Pour déterminer les conditions de rémunération des sages-femmes pratiquant des interruptions volontaires de grossesse par voie chirurgicale, l'article 2 du décret du 16 décembre 2023 précité renvoie aux dispositions de l'article L. 162-38 du code de la sécurité sociale, lequel confie aux ministres chargés de l'économie, de la santé et de la sécurité sociale la fixation des prix limites de prise en charge par l'assurance maladie des prestations de services prises en charge par les régimes obligatoires de sécurité sociale, dont celles afférentes à l'interruption volontaire de grossesse par méthode instrumentale réalisée par une sage-femme, en imposant que cette fixation de prix tienne compte de l'évolution des charges, des revenus et du volume d'activité des praticiens ou entreprises concernées. Sur ce fondement, l'arrêté du 26 février 2016 relatif aux forfaits afférents à l'interruption volontaire de grossesse, dont la rédaction a été modifiée par un arrêté du 1er mars 2024, fixe ainsi les prix limites des soins et forfaits relatifs afférents à une interruption volontaire de grossesse instrumentale pratiquée dans les différentes catégories d'établissements de santé ou dans les centres de santé par un médecin ou une sage-femme.
3. Par suite, les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que les dispositions attaquées n'auraient pas précisé les conditions de rémunération des sages-femmes réalisant des interruptions volontaires de grossesse par voie chirurgicale d'une façon conforme à l'article 2 de la loi du 2 mars 2022, lequel ne peut par ailleurs être regardé comme ayant confié au pouvoir réglementaire le soin de revaloriser la rémunération des sages-femmes exerçant en qualité de salariée ou d'agent public qui seraient amenées, dans le cadre de cet exercice, à pratiquer de tels actes.
4. Il résulte de tout ce qui précède que la requête doit être rejetée, y compris les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la Coordination des associations pour le droit à l'avortement et à la contraception et autres est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la Coordination des associations pour le droit à l'avortement et à la contraception, première dénommée, pour l'ensemble des requérantes, et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Délibéré à l'issue de la séance du 23 janvier 2025 où siégeaient : Mme Gaëlle Dumortier, présidente de chambre, présidant ; Mme Isabelle Tison, conseillère d'Etat et M. Jean-Luc Matt, maître des requêtes-rapporteur.
Rendu le 25 février 2025.
La présidente :
Signé : Mme Gaëlle Dumortier
Le rapporteur :
Signé : M. Jean-Luc Matt
Le secrétaire :
Signé : M. Hervé Herber