Vu la procédure suivante :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montreuil, d'une part, d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 11 janvier 2022 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande tendant à l'échange de son permis de conduire marocain contre un permis de conduire français, et d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer sa demande. Par une ordonnance n° 2203832 du 16 mars 2023, le président de la 6ème chambre du tribunal administratif a donné acte du désistement de sa demande.
Par une ordonnance n° 23PA01593 du 20 avril 2023, enregistrée le 21 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la présidente de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 17 avril 2023 au greffe de cette cour, présenté par M. B... contre cette ordonnance. Par ce pourvoi et par un nouveau mémoire, enregistré le 28 juillet 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. B... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'ordonnance du 16 mars 2023 ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la route ;
- le code de justice administrative.
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Carole Hentzgen, auditrice,
- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de M. B... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 16 mars 2023 par laquelle le président de la 6ème chambre du tribunal administratif de Montreuil, se fondant sur les dispositions de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative, a donné acte du désistement de ses conclusions dirigées contre la décision du 11 janvier 2022 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a rejeté sa demande tendant à l'échange de son permis de conduire marocain.
2. Aux termes, d'une part, de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative : " Lorsque l'état du dossier permet de s'interroger sur l'intérêt que la requête conserve pour son auteur, le président de la formation de jugement ou le président de la chambre chargée de l'instruction, peut inviter le requérant à confirmer expressément le maintien de ses conclusions. La demande qui lui est adressée mentionne que, à défaut de réception de cette confirmation à l'expiration du délai fixé, qui ne peut être inférieur à un mois, il sera réputé s'être désisté de l'ensemble de ses conclusions ". Il résulte de ces dispositions qu'il ne peut être donné acte d'un désistement au titre de l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative que si le requérant a reçu la demande de confirmation du maintien de ses conclusions, si cette demande lui laissait un délai d'au moins un mois pour y répondre et l'informait des conséquences d'un défaut de réponse dans ce délai et s'il s'est abstenu de répondre en temps utile. Le délai ainsi prévu est un délai franc.
3. Aux termes, d'autre part, du premier alinéa de l'article R. 611-8-6 du même code : " Les parties sont réputées avoir reçu la communication ou la notification à la date de première consultation du document qui leur a été adressé par voie électronique, certifiée par l'accusé de réception délivré par l'application informatique, ou, à défaut de consultation dans un délai de deux jours ouvrés à compter de la date de mise à disposition du document dans l'application, à l'issue de ce délai. Sauf demande contraire de leur part, les parties sont alertées de toute nouvelle communication ou notification par un message électronique envoyé à l'adresse choisie par elles. ".
4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que le courrier du tribunal administratif de Montreuil du 10 février 2023 invitant M. B... à confirmer le maintien de ses conclusions dans le délai d'un mois prévu à l'article R. 612-5-1 du code de justice administrative a été mis à sa disposition le 13 février 2023 au moyen de l'application " Télérecours ". Ce courrier ayant été effectivement consulté par le requérant le 16 février 2023, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article R. 611-8-6 du code de justice administrative citées au point précédent que le délai d'un mois qui lui était imparti avait commencé à courir à l'expiration du délai de deux jours ouvrés à compter de la date de sa mise à disposition sur l'application, soit à compter du 15 février 2023, pour s'achever le 16 mars 2023 à 23h59. Par suite, en se fondant, pour donner acte à M. B... du désistement de ses conclusions, sur la circonstance que ce dernier avait répondu tardivement à l'invitation qui lui avait été faite, alors qu'il résulte des pièces de la procédure que l'intéressé avait déposé un mémoire portant maintien des conclusions au greffe du tribunal administratif le 16 mars 2023 à 19h31, le tribunal administratif a commis une erreur de droit. Il en résulte que M. B... est fondé à demander, pour ce motif, l'annulation de l'ordonnance attaquée.
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond, par application de l'article L. 821-2 du code de justice administrative.
6. Aux termes de l'article R. 222-3 du code de la route : " Tout permis de conduire national, en cours de validité, délivré par un Etat ni membre de l'Union européenne, ni partie à l'accord sur l'Espace économique européen, peut être reconnu en France jusqu'à l'expiration d'un délai d'un an après l'acquisition de la résidence normale de son titulaire. Pendant ce délai, il peut être échangé contre le permis français, sans que son titulaire soit tenu de subir les examens prévus au premier alinéa de l'article D. 221-3. Les conditions de cette reconnaissance et de cet échange sont définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité routière, après avis du ministre de la justice et du ministre chargé des affaires étrangères. Au terme de ce délai, ce permis n'est plus reconnu et son titulaire perd tout droit de conduire un véhicule pour la conduite duquel le permis de conduire est exigé. ". Aux termes de l'article 5 de l'arrêté du 12 janvier 2012, pris pour l'application de ces dispositions : " I. - Pour être échangé contre un titre français, tout permis de conduire délivré par un Etat n'appartenant ni à l'Union européenne, ni à l'Espace économique européen doit répondre aux conditions suivantes : (...) / C. - Pour un ressortissant français ou de l'Union européenne, avoir été obtenu pendant une période au cours de laquelle l'intéressé avait sa résidence normale dans cet Etat. (...) ". Aux termes du III de l'article R. 221-1 du code de la route : " On entend par résidence normale le lieu où une personne demeure habituellement, c'est-à-dire pendant au moins 185 jours par année civile, en raison d'attaches personnelles et professionnelles, ou, dans le cas d'une personne sans attaches professionnelles, en raison d'attaches personnelles révélant des liens étroits entre elle-même et l'endroit où elle demeure. / Toutefois, la résidence normale d'une personne dont les attaches personnelles sont situées en France mais qui est établie à l'étranger pour y poursuivre ses études, une formation, un stage ou pour l'exécution d'une mission d'une durée déterminée, se situe en France. "
7. En premier lieu, il résulte des termes mêmes de la décision contestée, qui renferme l'énoncé des considérations propres à la justifier légalement, qu'elle est suffisamment motivée.
8. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que, pour demander l'annulation de la décision du 11 janvier 2022 par laquelle le préfet de la Loire-Atlantique a refusé l'échange de son permis de conduire marocain, délivré le 31 décembre 2020, contre un permis de conduire français, M. B..., qui se prévaut de la nationalité italienne qu'il possède en plus de sa nationalité marocaine, et qui bénéficie d'un titre de séjour l'autorisant à résider en France depuis le 2 juin 2020, fait valoir qu'il a résidé au Maroc de façon ininterrompue au moins entre le 2 juin et le 31 décembre 2020, et qu'ainsi il remplissait, lors de la délivrance du permis en cause, la condition de résidence normale posée par les dispositions citées au point 6. A l'appui de cette affirmation, le requérant se borne à produire un certificat de résidence ainsi qu'une attestation indiquant qu'il résidait au Maroc au cours de cette période pour y effectuer un stage. Il résulte cependant des dispositions citées ci-dessus du dernier alinéa du III de l'article R. 221-1 du code de la route que de tels éléments ne sont pas de nature à établir qu'il satisfaisait à la condition de résidence normale dans le pays d'obtention du permis.
9. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du préfet de la Loire-Atlantique qu'il attaque. Sa demande doit, par suite, être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction.
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 16 mars 2023 du tribunal administratif de Montreuil est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. B... devant le tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, tant en première instance qu'en cassation, sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Délibéré à l'issue de la séance du 6 mars 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et Mme Carole Hentzgen, auditrice-rapporteure.
Rendu le 4 avril 2025.
Le président :
Signé : M. Jean-Philippe Mochon
La rapporteure :
Signé : Mme Carole Hentzgen
La secrétaire :
Signé : Mme Nathalie Pilet