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14/04/2025 | FRANCE | N°468502

France | France, Conseil d'État, 5ème - 6ème chambres réunies, 14 avril 2025, 468502


Vu la procédure suivante :



M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 février 2019 par lequel le maire de Vernouillet a, sur le fondement de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire présentée par la SARL Cap Synthèse en vue de la réalisation d'un programme immobilier comportant vingt-huit logements sur un terrain situé dans cette commune dont ils sont propriétaires. Par un jugement n° 1902829 du 23

juillet 2020, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté. ...

Vu la procédure suivante :

M. C... A... et Mme B... A... ont demandé au tribunal administratif de Versailles d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 11 février 2019 par lequel le maire de Vernouillet a, sur le fondement de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme, opposé un sursis à statuer à la demande de permis de construire présentée par la SARL Cap Synthèse en vue de la réalisation d'un programme immobilier comportant vingt-huit logements sur un terrain situé dans cette commune dont ils sont propriétaires. Par un jugement n° 1902829 du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Versailles a annulé cet arrêté.

Par un arrêt n° 20VE02513 du 22 septembre 2022, la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé contre ce jugement par la commune de Vernouillet.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 27 octobre 2022 et 19 janvier 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Vernouillet demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;

3°) de mettre à la charge de M. et Mme A... la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Delamarre, Jéhannin, avocat de la commune de Vernouillet.

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. et Mme A... ont conclu en mai 2017 avec la société Cap Synthèse une promesse de vente portant sur une parcelle d'une superficie de 1 400 mètres carrés située rue Eugène-Bourdillon, à Vernouillet (Yvelines), sous condition d'obtention d'un certificat d'urbanisme et d'un permis de construire un bâtiment de vingt-huit logements sociaux. Par un arrêté du 3 novembre 2017, le maire de Vernouillet a délivré à la société Cap Synthèse un certificat d'urbanisme négatif, aux motifs que le projet était de nature à porter atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants et aux paysages naturels, du fait de la volumétrie de la construction envisagée et de la suppression d'arbres anciens et de grande taille, et qu'il était de nature à susciter un stationnement engendrant des risques pour la sécurité dans la rue Eugène-Bourdillon. Par un arrêté du 2 mai 2018, il a de nouveau délivré à cette société un certificat d'urbanisme négatif reposant sur les mêmes motifs. Enfin, par un arrêté du 11 février 2019, il s'est fondé sur l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme pour surseoir à statuer pendant une durée de deux ans sur la demande de permis de construire présentée par cette société. Par un jugement du 23 juillet 2020, le tribunal administratif de Versailles a, sur la demande des consorts A..., annulé l'arrêté du 11 février 2019. La commune de Vernouillet demande l'annulation de l'arrêt du 22 septembre 2022 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté son appel dirigé contre ce jugement.

2. En jugeant que le tribunal administratif avait exposé de façon suffisamment détaillée au point 7 de son jugement les raisons pour lesquelles il estimait que les orientations et règles du plan local d'urbanisme intercommunal en cours d'élaboration n'étaient pas, à la date du 3 novembre 2017, connus avec suffisamment de précision pour permettre au maire de Vernouillet d'opposer à la demande de permis de construire présentée par la SARL Cap Synthèse le sursis à statuer litigieux, la cour n'a ni commis d'erreur de droit ni dénaturé les pièces du dossier.

3. D'une part, aux termes de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme : " Le certificat d'urbanisme, en fonction de la demande présentée : a) Indique les dispositions d'urbanisme, les limitations administratives au droit de propriété et la liste des taxes et participations d'urbanisme applicables à un terrain ; b) Indique en outre, lorsque la demande a précisé la nature de l'opération envisagée ainsi que la localisation approximative et la destination des bâtiments projetés, si le terrain peut être utilisé pour la réalisation de cette opération ainsi que l'état des équipements publics existants ou prévus. Lorsqu'une demande d'autorisation ou une déclaration préalable est déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d'un certificat d'urbanisme, les dispositions d'urbanisme, le régime des taxes et participations d'urbanisme ainsi que les limitations administratives au droit de propriété tels qu'ils existaient à la date du certificat ne peuvent être remis en cause à l'exception des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique. (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 424-1 : " L'autorité compétente se prononce par arrêté sur la demande de permis (...). Il peut être sursis à statuer sur toute demande d'autorisation concernant des travaux, constructions ou installations dans les cas prévus au 6° de l'article L. 102-13 et aux articles L. 153-11 et L. 311-2 du présent code et par l'article L. 331-6 du code de l'environnement. (...) Le sursis à statuer doit être motivé et ne peut excéder deux ans. (...) ". Aux termes de l'article L. 153-11 du même code : " (...) L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. "

5. Il résulte de ces dispositions qu'un certificat d'urbanisme délivré sur le fondement de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, quel que soit son contenu, a pour effet de garantir à son titulaire un droit à voir toute demande d'autorisation ou de déclaration préalable déposée dans le délai indiqué examinée au regard des règles d'urbanisme applicables à la date de la délivrance du certificat. Parmi les règles, au vu desquelles la demande est examinée, figure la possibilité, lorsqu'est remplie, à la date de délivrance du certificat, la condition mentionnée à l'article L. 153-11 du même code, d'opposer un sursis à statuer à une demande de permis de construire concernant un projet qui serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan.

6. En premier lieu, la, cour a relevé, par une appréciation non contestée, que la société Cap synthèse avait obtenu deux certificats d'urbanisme délivrés le 3 novembre 2017 puis le 2 mai 2018 sans qu'aucune mention apposée sur le second certificat n'indique que celui-ci aurait retiré le premier. Par suite, elle n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que devait être écarté le moyen invoqué par la commune de Vernouillet tiré de ce que l'examen de la demande de permis de construire déposée le 21 décembre 2018, alors que le premier certificat d'urbanisme était toujours en cours de validité, ne pouvait être examinée qu'au regard des règles applicables à la date de délivrance du second et non du premier.

7. En second lieu, un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire sur le fondement de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir, et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.

8. La cour administrative d'appel, qui a relevé que la communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise avait, par une délibération du 14 avril 2016, prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal pour l'ensemble du territoire de cette intercommunalité et, par une délibération du conseil communautaire du 23 mars 2017, tenu le débat prévu par les dispositions applicables du code de l'urbanisme sur les orientations du plan d'aménagement et de développement durable du futur plan local d'urbanisme intercommunal, a, par une appréciation souveraine et exempte de dénaturation des pièces du dossier, estimé que, si la délibération du conseil communautaire du 23 mars 2017 et le document de travail intitulé " projet de plan local d'aménagement et de développement durable " faisaient apparaître le souci de valoriser les espaces naturels, de préserver les cônes de vue et de renforcer le lien ville/nature, tandis que le projet d'aménagement et de développement durable prévoyait un axe intitulé " la ville paysage ", destiné à préserver les continuums écologiques au sein des espaces urbanisés et l'équilibre entre espaces urbains et naturels, ces documents, qui ne faisaient notamment apparaître aucun projet précis relatif au maintien d'une trame verte ou d'arbres à préserver ni à des règles de limitation de la hauteur des constructions sur le terrain d'assiette du projet, ne permettaient pas d'identifier en quoi la réalisation du projet litigieux aurait été de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan local d'urbanisme intercommunal et d'opposer, à ce titre, un sursis à statuer à la demande de la SARL Cap Synthèse. Elle a pu sans erreur de droit en déduire que la commune de Vernouillet n'était pas fondée à soutenir que c'était à tort que le tribunal administratif avait prononcé l'annulation de l'arrêté du 11 février 2019.

9. Il suit de là que le pourvoi de la commune de Vernouillet doit être rejeté, ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de la commune de Vernouillet est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Vernouillet, à M. C... A..., à Mme B... A... et à la société Cap Synthèse.

Délibéré à l'issue de la séance du 24 mars 2025 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Sophie-Caroline de Margerie, M. Alain Seban, Mme Laurence Helmlinger, M. Christophe Pourreau, M. Stéphane Hoynck, conseillers d'Etat et M. Jean-Dominique Langlais, conseiller d'Etat-rapporteur.

Rendu le 14 avril 2025.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

Le rapporteur :

Signé : M. Jean-Dominique Langlais

Le secrétaire :

Signé : M. Bernard Longieras


Synthèse
Formation : 5ème - 6ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 468502
Date de la décision : 14/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 14 avr. 2025, n° 468502
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Jean-Dominique Langlais
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP DELAMARRE, JEHANNIN

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:468502.20250414
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