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15/05/2025 | FRANCE | N°498932

France | France, Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 15 mai 2025, 498932


Vu la procédure suivante :



M. A... C... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 8 décembre 2021 de l'autorité diplomatique française à Téhéran refusant de délivrer à Mme B... un visa long séjour au titre de la réunification familiale.



Par un jugement n° 2206446 du 27 janvier 2023, ce tribunal a rejeté leur demande.
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Par un arrêt n° 23NT00866 du 18 juin 2024, la cour administrative d'appel de Na...

Vu la procédure suivante :

M. A... C... et Mme D... B... ont demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté le recours formé contre la décision du 8 décembre 2021 de l'autorité diplomatique française à Téhéran refusant de délivrer à Mme B... un visa long séjour au titre de la réunification familiale.

Par un jugement n° 2206446 du 27 janvier 2023, ce tribunal a rejeté leur demande.

Par un arrêt n° 23NT00866 du 18 juin 2024, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel formé par M. C... et Mme B... contre ce jugement.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 novembre 2024 et 17 février 2025 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Melka, Prigent, Drusch, son avocat, au titre des articles L.761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un mémoire distinct, enregistré le 17 février 2025, présenté en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, M. C... demande au Conseil d'Etat, à l'appui de son pourvoi, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 561-2 à L. 561-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, renvoyant à l'article L. 434-1 du même code.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;

- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Pierra Mery, maîtresse des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de Mme Dorothée Pradines, rapporteure publique,

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Melka-Prigent-Drusch, avocat de M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B..., épouse de M. C..., ressortissant afghan qui a obtenu le statut de réfugié le 31 mai 2017, s'est vu refuser, par l'autorité diplomatique française à Téhéran un visa long séjour au titre de la réunification familiale, décision confirmée par la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France. M. C... se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 18 juin 2024 par lequel la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté son appel formé contre le jugement du 27 janvier 2023 du tribunal administratif de Nantes rejetant sa demande d'annulation de la décision refusant ce visa.

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) ". Il résulte des dispositions de ce même article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux.

3. Sur le fondement de ces dispositions, M. C... demande au Conseil d'Etat de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des dispositions de l'article L. 434-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aux termes desquelles " Le regroupement familial est sollicité pour l'ensemble des personnes désignées aux articles L. 434-2 à L. 434-4. Un regroupement partiel peut toutefois être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants ", en tant qu'elles s'appliquent aux réfugiés et bénéficiaires d'une protection subsidiaire demandant le bénéfice de la réunification familiale prévu aux articles L. 561-2 à L. 561-4 du même code. Il soutient qu'en ce qu'elles autorisent la réunification familiale partielle uniquement " pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants " et que ces termes ne sont pas assortis d'une définition précise, ces dispositions portent atteinte au principe à valeur constitutionnelle du droit de mener une vie familiale normale protégé par le dixième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 et à l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi qui découle des articles 4, 5, 6 et 16 de la Déclaration des droits de l'homme et des citoyens du 26 août 1789.

4. Il résulte des dispositions des articles L. 561-2 à L. 561-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a fixé pour principe et sous certaines conditions le droit, pour le ressortissant étranger auquel a été reconnue la qualité de réfugié ou qui a obtenu le bénéfice de la protection subsidiaire, d'être rejoint par l'ensemble des membres de sa famille. Il a toutefois admis que l'étranger puisse être rejoint par une partie seulement de sa famille, pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants, lesquels peuvent être affectés par la séparation d'avec les autres membres de la famille. Le droit à mener une vie familiale normale, qui découle des dixième et onzième alinéas du Préambule de la Constitution de 1946, implique l'exigence constitutionnelle de protection de l'intérêt supérieur de l'enfant. Par suite, en énonçant que la réunification familiale partielle peut être autorisée pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants, le législateur qui n'a pas méconnu l'objectif de valeur constitutionnelle d'accessibilité et d'intelligibilité de la loi, ne peut être regardé comme ayant porté une atteinte au droit de mener une vie familiale normale.

5. Il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux. Ainsi, il n'y a pas lieu de la renvoyer au Conseil constitutionnel.

Sur le pourvoi :

6. Aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. (...) ".

7. Pour demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque, M. C... soutient en outre que la cour administrative d'appel de Nantes a :

- commis une erreur de droit en adoptant une lecture restrictive des dispositions de l'article L. 434-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France en ce qu'il conditionne la réunification familiale partielle à la démonstration de motifs tenant à l'intérêt des enfants ;

- commis une erreur de qualification juridique des faits en retenant qu'il n'était pas établi qu'il serait de l'intérêt de ses enfants que leur mère puisse le rejoindre au titre d'une réunification familiale partielle.

8. Eu égard aux moyens soulevés, il y a lieu d'admettre le pourvoi.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. C....

Article 2 : Le pourvoi de M. C... est admis.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à M. A... C... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.

Délibéré à l'issue de la séance du 7 mai 2025 où siégeaient : M. Jacques-Henri Stahl, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. Nicolas Boulouis, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; Mme Anne Courrèges, M. Géraud Sajust de Bergues, M. Gilles Pellissier, M. Jean-Yves Ollier, M. Frédéric Gueudar Delahaye, conseillers d'Etat et Mme Pierra Mery, maîtresse des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.

Rendu le 15 mai 2025.

Le président :

Signé : M. Jacques-Henri Stahl

La rapporteure :

Signé : Mme Pierra Mery

La secrétaire :

Signé : Mme Eliane Evrard


Synthèse
Formation : 2ème - 7ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 498932
Date de la décision : 15/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 15 mai. 2025, n° 498932
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: Mme Pierra Mery
Rapporteur public ?: Mme Dorothée Pradines
Avocat(s) : SCP MELKA-PRIGENT-DRUSCH

Origine de la décision
Date de l'import : 18/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:498932.20250515
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