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05/06/2025 | FRANCE | N°493675

France | France, Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 05 juin 2025, 493675


Vu la procédure suivante :



M. B... D... C... et Mme E... C..., sa fille, ont chacun demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 19 janvier 2023 par lesquels la préfète des Vosges a procédé au retrait de leur attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de renvoi. Par un jugement nos 2300458, 2300459 du 4 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé les décis

ions fixant le pays de renvoi et rejeté le surplus des conclusions de leur ...

Vu la procédure suivante :

M. B... D... C... et Mme E... C..., sa fille, ont chacun demandé au tribunal administratif de Nancy d'annuler les arrêtés du 19 janvier 2023 par lesquels la préfète des Vosges a procédé au retrait de leur attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé leur pays de renvoi. Par un jugement nos 2300458, 2300459 du 4 avril 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif de Nancy a annulé les décisions fixant le pays de renvoi et rejeté le surplus des conclusions de leur demande respective.

Par un arrêt nos 23NC02273, 23NC02274 du 12 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, rejeté l'appel principal de M. C... et Mme C... dirigé contre ce jugement en tant qu'il avait rejeté leurs conclusions à fin d'annulation des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, sur appel incident de la préfète des Vosges, annulé l'article 2 du jugement prononçant l'annulation des décisions fixant le pays de renvoi et rejeté les conclusions de M. C... et Mme C... dirigées contre ces décisions.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 22 avril et 22 juillet 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... et Mme C... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la SCP Sevaux Mathonnet, leur avocat, au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- les arrêts C-383/13 du 10 septembre 2013, C-166/13 du 5 novembre 2014 et C-249/13 du 11 décembre 2014 de la Cour de justice de l'Union européenne ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. François-Xavier Bréchot, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Marc Pichon de Vendeuil, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de M. C... et de Mme C... ;

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C..., ressortissant de la République démocratique du Congo, est entré sur le territoire français, le 14 février 2020, accompagné de deux de ses enfants de nationalité congolaise, dont sa fille, Mme E... C.... Leur demande d'asile a été successivement rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 28 avril 2022, puis par la Cour nationale du droit d'asile, le 6 janvier 2023. Par deux arrêtés du 19 janvier 2023, pris sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète des Vosges a procédé au retrait de leur attestation de demande d'asile, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Saisi par les consorts C... d'une demande d'annulation de ces arrêtés, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nancy a, par un jugement du 4 avril 2023, annulé les décisions fixant le pays de renvoi et rejeté le surplus des conclusions de leur demande. Par un arrêt du 12 décembre 2023, la cour administrative d'appel de Nancy a, d'une part, rejeté l'appel principal des consorts C... dirigé contre ce jugement en tant qu'il avait rejeté leurs conclusions à fin d'annulation des décisions leur faisant obligation de quitter le territoire français et, d'autre part, sur appel incident de la préfète des Vosges, annulé l'article 2 du jugement prononçant l'annulation des décisions fixant le pays de renvoi et rejeté les conclusions des intéressés dirigées contre ces décisions.

Sur les conclusions du pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté l'appel principal des consorts C... :

2. En premier lieu, si, aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. / Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) ", il résulte de la jurisprudence de la Cour de Justice de l'Union européenne que cet article s'adresse non pas aux Etats membres mais uniquement aux institutions, organes et organismes de l'Union. Ainsi, le moyen tiré de leur violation par une autorité d'un Etat membre est inopérant. Il s'ensuit que la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit en écartant comme inopérant le moyen, dirigé contre les obligations de quitter le territoire français attaquées, tiré de la méconnaissance de l'article 41 de cette charte.

3. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. " L'article D. 431-7 du même code a précisé que les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois, porté à trois mois lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 425 9.

4. D'autre part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour, le renouvellement du titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de l'autorisation provisoire de séjour qui lui avait été délivré ou s'est vu retirer un de ces documents ; / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; / (...) ". Ces dispositions sont issues de la recodification de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité et de la loi du 29 juillet 2015 relative à la réforme du droit d'asile qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive 2008/115 du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier. Elles ne prévoient pas de droit pour un étranger à être entendu dans le cadre de la procédure de prise d'une décision l'obligeant à quitter le territoire français.

5. Ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé, notamment par son arrêt du 10 septembre 2013, M. A..., N. R. c/ Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie (C 383/13) visé ci-dessus, les auteurs de la directive 2008/115 du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l'Union européenne. Si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu. Ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause.

6. Dans le cadre ainsi posé, et s'agissant plus particulièrement des décisions relatives au séjour des étrangers, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé, dans ses arrêts du 5 novembre 2014, Sophie Mukarubega (C 166/13) et du 11 décembre 2014, Khaled Boudjlida (C-249/13) visés ci-dessus, que le droit d'être entendu préalablement à l'adoption d'une décision de retour implique que l'autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l'irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l'autorité s'abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n'implique toutefois pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu sur l'irrégularité du séjour ou la perspective de l'éloignement.

7. Lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend non seulement à l'octroi d'une protection internationale, mais aussi à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. A l'occasion de l'enregistrement de sa demande d'asile, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture en vertu de l'article R. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il doit être informé, en application des dispositions de l'article L. 431-2 citées au point 3, des conditions dans lesquelles il peut solliciter son admission au séjour sur un autre fondement et, le cas échéant, être invité à déposer une telle demande dans le délai fixé par l'article D. 431-7. Il lui est loisible, au cours de la procédure d'asile, de faire valoir auprès de l'autorité compétente, à savoir, en principe, le préfet de département et, à Paris, le préfet de police, une circonstance de fait ou une considération de droit nouvelle, c'est-à-dire un motif de délivrance d'un titre de séjour apparu postérieurement à l'expiration du délai dont il disposait en vertu de l'article D. 431-7. Le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant qu'il ne soit statué sur sa demande d'asile, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise, sur le fondement du 6° de l'article L. 611-1, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé ou lorsqu'il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2.

8. Par suite, la cour administrative d'appel de Nancy qui a relevé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que les consorts C... avaient pu être entendus lors de la présentation de leurs demandes d'asile et faire valoir auprès de l'administration tous éléments utiles à la compréhension de leur situation, alors qu'ils ne pouvaient raisonnablement ignorer qu'ils pourraient faire l'objet d'une mesure d'éloignement en cas de rejet de leurs demandes, n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que le droit des consorts C... d'être entendus par l'administration n'avait pas été méconnu alors même qu'ils n'ont pu réitérer leurs observations ou en présenter de nouvelles avant l'intervention des décisions portant obligation de quitter le territoire français.

Sur les conclusions du pourvoi tendant à l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a fait droit à l'appel incident de la préfète des Vosges :

9. En premier lieu, eu égard aux liens étroits qui existent entre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi, les conclusions d'appel, principal ou incident, relatives à ces décisions doivent être regardées comme relevant du même litige. Par suite, en jugeant recevable l'appel incident de la préfète des Vosges, dirigé contre le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Nancy en tant que celui-ci a annulé les décisions fixant le pays de renvoi des consorts C..., qui ne soulevait pas un litige distinct de celui relatif au rejet, par ce même jugement, des conclusions à fin d'annulation des obligations de quitter le territoire français sur lesquelles portait l'appel principal des consorts C..., la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas commis d'erreur de droit.

10. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, relatif à la désignation du pays de renvoi : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

11. En estimant qu'il ne ressortait pas des éléments versés aux débats que les consorts C... risqueraient d'être exposés, de façon directe, actuelle et personnelle, à des traitements prohibés par ces stipulations et dispositions, et en relevant au demeurant que leurs demandes d'asile avaient été rejetées par la Cour nationale du droit d'asile, la cour administrative d'appel de Nancy n'a pas donné aux faits de l'espèce une inexacte qualification juridique.

12. Il résulte de ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêt qu'ils attaquent, qui est suffisamment motivé.

13. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : Le pourvoi de M. C... et Mme C... est rejeté.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B... D... C..., premier requérant dénommé et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.


Synthèse
Formation : 7ème - 2ème chambres réunies
Numéro d'arrêt : 493675
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES ET UNION EUROPÉENNE - APPLICATION DU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE PAR LE JUGE ADMINISTRATIF FRANÇAIS - PRISE EN COMPTE DES ARRÊTS DE LA COUR DE JUSTICE - INTERPRÉTATION DU DROIT DE L’UNION - DROIT D’ÊTRE ENTENDU PRÉALABLEMENT À UNE MESURE D’ÉLOIGNEMENT [RJ1] – CAS D’UN DEMANDEUR D’ASILE AYANT ÉTÉ ENTENDU À CE TITRE - PUIS FAISANT L’OBJET D’UNE OQTF SANS ÊTRE MIS À MÊME DE RÉITÉRER SES OBSERVATIONS OU D’EN PRÉSENTER DE NOUVELLES – RESPECT – EXISTENCE.

15-03-03-01 Ainsi que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) l’a jugé, notamment par son arrêt du 10 septembre 2013, M. G., N. R. c/ Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie (C 383/13), les auteurs de la directive 2008/115 du 16 décembre 2008, s’ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d’éloignement ou de rétention, n’ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d’être entendus, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l’Union européenne. Si l’obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu’elles prennent des mesures entrant dans le champ d’application du droit de l’Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d’être entendu. Ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure administrative avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait cependant être interprété en ce sens que l’autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d’entendre l’intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. ...Dans le cadre ainsi posé, et s’agissant plus particulièrement des décisions relatives au séjour des étrangers, la CJUE a jugé, dans ses arrêts du 5 novembre 2014, Sophie Mukarubega (C 166/13) et du 11 décembre 2014, Khaled Boudjlida (C-249/13), que le droit d’être entendu préalablement à l’adoption d’une décision de retour implique que l’autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l’irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l’autorité s’abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n’implique toutefois pas que l’administration ait l’obligation de mettre l’intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l’obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu’il a pu être entendu sur l’irrégularité du séjour ou la perspective de l’éloignement....Lorsqu’il présente une demande d’asile, l’étranger, en raison même de l’accomplissement de cette démarche qui tend non seulement à l’octroi d’une protection internationale, mais aussi à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu’en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l’objet d’une mesure d’éloignement. ...À l’occasion de l’enregistrement de sa demande d’asile, laquelle doit en principe faire l’objet d’une présentation personnelle du demandeur en préfecture en vertu de l’article R. 521-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), il doit être informé, en application des dispositions de l’article L. 431-2 de ce code, des conditions dans lesquelles il peut solliciter son admission au séjour sur un autre fondement et, le cas échéant, être invité à déposer une telle demande dans le délai fixé par l’article D. 431-7. Il lui est loisible, au cours de la procédure d’asile, de faire valoir auprès de l’autorité compétente, à savoir, en principe, le préfet de département et, à Paris, le préfet de police, une circonstance de fait ou une considération de droit nouvelle, c’est-à-dire un motif de délivrance d’un titre de séjour apparu postérieurement à l’expiration du délai dont il disposait en vertu de l’article D. 431-7 du CESEDA. ...Le droit de l’intéressé d’être entendu, ainsi satisfait avant qu’il ne soit statué sur sa demande d’asile, n’impose pas à l’autorité administrative de mettre l’intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui est prise, sur le fondement du 6° de l’article L. 611-1 du CESEDA, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé ou lorsqu’il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 du même code.

ÉTRANGERS - OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE FRANÇAIS (OQTF) ET RECONDUITE À LA FRONTIÈRE - LÉGALITÉ EXTERNE - PROCÉDURE - DROIT D’ÊTRE ENTENDU PRÉALABLEMENT À UNE MESURE D’ÉLOIGNEMENT [RJ1] – CAS D’UN DEMANDEUR D’ASILE AYANT ÉTÉ ENTENDU À CE TITRE - PUIS FAISANT L’OBJET D’UNE OQTF SANS ÊTRE MIS À MÊME DE RÉITÉRER SES OBSERVATIONS OU D’EN PRÉSENTER DE NOUVELLES – RESPECT – EXISTENCE.

335-03-01-01 Ainsi que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) l’a jugé, notamment par son arrêt du 10 septembre 2013, M. G., N. R. c/ Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie (C 383/13), les auteurs de la directive 2008/115 du 16 décembre 2008, s’ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d’éloignement ou de rétention, n’ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d’être entendus, qui fait partie intégrante du respect des droits de la défense, principe général du droit de l’Union européenne. Si l’obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu’elles prennent des mesures entrant dans le champ d’application du droit de l’Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d’être entendu. Ce droit, qui se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d’une procédure administrative avant l’adoption de toute décision susceptible d’affecter de manière défavorable ses intérêts, ne saurait cependant être interprété en ce sens que l’autorité nationale compétente est tenue, dans tous les cas, d’entendre l’intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur la décision en cause. ...Dans le cadre ainsi posé, et s’agissant plus particulièrement des décisions relatives au séjour des étrangers, la CJUE a jugé, dans ses arrêts du 5 novembre 2014, Sophie Mukarubega (C 166/13) et du 11 décembre 2014, Khaled Boudjlida (C-249/13), que le droit d’être entendu préalablement à l’adoption d’une décision de retour implique que l’autorité administrative mette le ressortissant étranger en situation irrégulière à même de présenter, de manière utile et effective, son point de vue sur l’irrégularité du séjour et les motifs qui seraient susceptibles de justifier que l’autorité s’abstienne de prendre à son égard une décision de retour. Ce droit n’implique toutefois pas que l’administration ait l’obligation de mettre l’intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l’obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu’il a pu être entendu sur l’irrégularité du séjour ou la perspective de l’éloignement....Lorsqu’il présente une demande d’asile, l’étranger, en raison même de l’accomplissement de cette démarche qui tend non seulement à l’octroi d’une protection internationale, mais aussi à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu’en cas de rejet de sa demande, il pourra faire l’objet d’une mesure d’éloignement. ...À l’occasion de l’enregistrement de sa demande d’asile, laquelle doit en principe faire l’objet d’une présentation personnelle du demandeur en préfecture en vertu de l’article R. 521-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA), il doit être informé, en application des dispositions de l’article L. 431-2 de ce code, des conditions dans lesquelles il peut solliciter son admission au séjour sur un autre fondement et, le cas échéant, être invité à déposer une telle demande dans le délai fixé par l’article D. 431-7. Il lui est loisible, au cours de la procédure d’asile, de faire valoir auprès de l’autorité compétente, à savoir, en principe, le préfet de département et, à Paris, le préfet de police, une circonstance de fait ou une considération de droit nouvelle, c’est-à-dire un motif de délivrance d’un titre de séjour apparu postérieurement à l’expiration du délai dont il disposait en vertu de l’article D. 431-7 du CESEDA. ...Le droit de l’intéressé d’être entendu, ainsi satisfait avant qu’il ne soit statué sur sa demande d’asile, n’impose pas à l’autorité administrative de mettre l’intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) qui est prise, sur le fondement du 6° de l’article L. 611-1 du CESEDA, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé ou lorsqu’il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2 du même code.

ÉTRANGERS - OBLIGATION DE QUITTER LE TERRITOIRE FRANÇAIS (OQTF) ET RECONDUITE À LA FRONTIÈRE - RÈGLES DE PROCÉDURE CONTENTIEUSE SPÉCIALES - CONCLUSIONS DIRIGÉES CONTRE L’OQTF ET LA DÉCISION FIXANT LE PAYS DE RENVOI – CONCLUSIONS RELEVANT DU MÊME LITIGE.

335-03-03 Eu égard aux liens étroits qui existent entre l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) et la décision fixant le pays de renvoi, les conclusions d’appel, principal ou incident, relatives à ces décisions doivent être regardées comme relevant du même litige.

PROCÉDURE - VOIES DE RECOURS - APPEL - CONCLUSIONS RECEVABLES EN APPEL - CONCLUSIONS DIRIGÉES CONTRE L’OQTF ET LA DÉCISION FIXANT LE PAYS DE RENVOI – CONCLUSIONS RELEVANT DU MÊME LITIGE.

54-08-01-02 Eu égard aux liens étroits qui existent entre l’obligation de quitter le territoire français (OQTF) et la décision fixant le pays de renvoi, les conclusions d’appel, principal ou incident, relatives à ces décisions doivent être regardées comme relevant du même litige.


Publications
Proposition de citation : CE, 05 jui. 2025, n° 493675
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. François-Xavier Bréchot
Rapporteur public ?: M. Marc Pichon de Vendeuil
Avocat(s) : SCP SEVAUX, MATHONNET

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:493675.20250605
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