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19/06/2025 | FRANCE | N°496191

France | France, Conseil d'État, 5ème chambre, 19 juin 2025, 496191


Vu la procédure suivante :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui attribuer un logement répondant à ses besoins et à ses capacités dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2302032 du 2 avril 2024, le président de la 10ème chambre du tribunal administratif a rejeté sa demande.



Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregis

trés les 22 juillet et 23 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M...

Vu la procédure suivante :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui attribuer un logement répondant à ses besoins et à ses capacités dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard. Par une ordonnance n° 2302032 du 2 avril 2024, le président de la 10ème chambre du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire enregistrés les 22 juillet et 23 octobre 2024 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, son avocat, en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de la renonciation par cette société au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon, avocat de Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par une décision du 25 mai 2022, la commission de médiation des Bouches-du-Rhône a déclaré Mme A... prioritaire et devant être logée d'urgence, en application des dispositions du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation. Le préfet des Bouches-du-Rhône a produit la copie d'une lettre simple et d'un courrier électronique adressés à l'intéressée le 14 octobre 2022, par lesquels il lui communiquait une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités. Mme A..., soutenant n'avoir pas reçu de proposition adaptée dans le délai visé par l'article R. 441-16-1 du code de la construction et de l'habitation, a demandé le 1er mars 2023 au tribunal administratif de Marseille d'ordonner au préfet des Bouches-du-Rhône de lui attribuer un logement correspondant à ses besoins et capacités. Par une ordonnance du 2 avril 2024, le président de la 10ème chambre du tribunal administratif a rejeté cette demande au motif qu'en s'abstenant de constituer tout dossier, Mme A... doit être regardée comme ayant refusé la proposition de logement qui lui avait été faite, sans justifier d'un motif impérieux. Mme A... se pourvoit en cassation contre cette ordonnance.

2. D'une part, en vertu des dispositions du premier alinéa du I de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, un demandeur qui a été reconnu par une commission de médiation comme prioritaire et devant être logé en urgence et qui n'a pas reçu, dans un délai fixé par décret, une offre de logement tenant compte de ses besoins et de ses capacités peut introduire un recours devant la juridiction administrative tendant à ce que soit ordonné son logement ou son relogement. Lorsque le demandeur a refusé un logement qui lui avait été proposé à la suite de la décision de la commission, la juridiction ne peut adresser une injonction à l'administration que si l'offre ainsi rejetée n'était pas adaptée aux besoins et capacités de l'intéressé tels que définis par la commission ou si, bien que cette offre fût adaptée, le demandeur a fait état d'un motif impérieux de nature à justifier son refus.

3. D'autre part, aux termes de l'article R. 441-16-3 du même code : " Le bailleur auquel le demandeur est désigné informe ce dernier (...), dans la proposition de logement qu'il lui adresse, que cette offre lui est faite au titre du droit au logement opposable et attire son attention sur le fait qu'en cas de refus d'une offre de logement tenant compte de ses besoins et capacités, il risque de perdre le bénéfice de la décision de la commission de médiation en application de laquelle l'offre lui est faite ". Il résulte de ces dispositions que c'est seulement si l'intéressé a été informé des conséquences d'un refus que le fait de rejeter une offre de logement peut lui faire perdre le bénéfice de la décision de la commission de médiation. Il appartient à l'administration d'établir que cette information a été délivrée au demandeur.

4. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que la proposition de logement dont se prévalait l'administration a été adressée à Mme A... par lettre simple et par courrier électronique, sans que l'administration n'ait apporté aucun élément de preuve de leur réception par celle-ci. Dans ces conditions, le tribunal administratif ne pouvait, sans commettre une erreur de droit, retenir que Mme A..., qui soutenait devant lui n'avoir pas reçu d'offre, a refusé la proposition de logement qui lui a été faite en s'abstenant de déposer un dossier. Mme A... est par suite fondée, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de son pourvoi, à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.

5. Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à cette société.

D E C I D E :

--------------

Article 1er : L'ordonnance du président de la 10ème chambre du tribunal administratif de Marseille du 2 avril 2024 est annulée.

Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Marseille.

Article 3 : L'Etat versera à la SCP Gaschignard, Loiseau, Massignon une somme de 3 000 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B... A... et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 mai 2025 où siégeaient : M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre, présidant ; M. Alain Seban, conseiller d'Etat et M. Christophe Barthélemy, conseiller d'Etat en service extraordinaire-rapporteur.

Rendu le 19 juin 2025.

Le président :

Signé : M. Jean-Philippe Mochon

Le rapporteur :

Signé : M. Christophe Barthélemy

La secrétaire :

Signé : Mme Nathalie Pilet


Synthèse
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 496191
Date de la décision : 19/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Publications
Proposition de citation : CE, 19 jui. 2025, n° 496191
Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. Christophe Barthélemy
Rapporteur public ?: M. Maxime Boutron
Avocat(s) : SCP GASCHIGNARD, LOISEAU, MASSIGNON

Origine de la décision
Date de l'import : 22/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CE:2025:496191.20250619
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