Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler la décision par laquelle le président-directeur général de l'Institut de recherche pour le développement (IRD) a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle datée du 16 octobre 2019, reçue le 23 octobre 2019.
Par un jugement n° 2000239/5-3 du 17 novembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 janvier 2022, M. B..., représenté par Me Gravé, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris du 17 novembre 2021 ;
2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision par laquelle le président-directeur général de l'IRD a implicitement rejeté sa demande de protection fonctionnelle du 16 octobre 2019 ;
3°) d'enjoindre à l'IRD de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle, de prendre en charge ses frais de procédure et ses honoraires d'avocat et de lui allouer une indemnité visant à réparer les préjudices, notamment moraux, qu'il aurait subis ;
4°) de mettre à la charge de l'IRD une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'il a fait l'objet d'allégations diffamatoires diffusées publiquement, justifiant que lui soit octroyé le bénéfice de la protection fonctionnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 juin 2023, l'Institut de recherche pour le développement, représenté par Me Journault, conclut au rejet de la requête, et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 19 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 10 juillet 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le décret n°83-1260 du 30 décembre 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Niollet,
- les conclusions de Mme Naudin, rapporteure publique,
- les observations de Me Pillet pour M. B...,
- et les observations de Me Journault pour l'Institut de recherche pour le développement.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... est fonctionnaire de l'Institut de recherche pour le développement (IRD), directeur de recherche de deuxième classe au sein de l'unité mixte " Laboratoire d'études en géophysique et océanographie spatiale " (LEGOS), responsable de l'équipe Systèmes Complexes Couplés (Sysco2). Il a été informé, par un courrier électronique du directeur du LEGOS du 19 avril 2019, d'une part, du lancement, à la suite de la parution d'un rapport d'audit sur la " qualité de vie au travail " réalisé par le cabinet Evidence, d'une enquête administrative, d'autre part, de ce que, dans l'attente des résultats de cette enquête, des mesures conservatoires de suspension de tout nouvel encadrement avec " proposition d'accompagnement des encadrements en cours ", et de retrait de la responsabilité de l'équipe Sysco2 étaient prises à son encontre, de ce que deux ingénieurs techniques de l'équipe Sysco2 étaient rattachés au directeur d'unité (" DU ") avec suivi mensuel de leurs priorités de travail, et de l'interdiction de constituer une équipe Sysco2 sur le plan quinquennal commençant en 2021. Le directeur du LEGOS a, le même jour, présenté devant le conseil de laboratoire les conclusions de l'enquête menée par le cabinet Evidence et le contenu de ce courrier électronique. Le 26 avril 2019 à 15h27, il a diffusé le compte-rendu du conseil de laboratoire via l'adresse électronique générique du LEGOS, et a, le même jour à 15h33, adressé un courrier électronique aux membres de l'équipe Sysco2, à la délégation régionale Occitanie-Ouest du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), à la délégation régionale d'Occitanie et à la direction des ressources humaines de l'IRD, pour les informer des mesures prises. S'estimant victime de diffamation publique, M. B... a, le 17 juillet 2019, déposé une plainte avec constitution de partie civile auprès du doyen des juges d'instruction du Tribunal de grande instance de Toulouse contre le directeur du LEGOS. Par un courrier du 16 octobre 2019, reçu le 23 octobre 2019, M. B... a demandé le bénéfice de la protection fonctionnelle. Il a demandé au Tribunal administratif de Paris l'annulation de la décision par laquelle le président-directeur général de l'IRD a implicitement rejeté sa demande. Il fait appel du jugement du 17 novembre 2021 par lequel le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision implicite.
Sur la légalité de la décision attaquée :
2. Aux termes de l'article 11 de la loi du 11 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " I. A raison de ses fonctions et indépendamment des règles fixées par le code pénal et par les lois spéciales, le fonctionnaire ou, le cas échéant, l'ancien fonctionnaire bénéficie, dans les conditions prévues au présent article, d'une protection organisée par la collectivité publique qui l'emploie à la date des faits en cause ou des faits ayant été imputés de façon diffamatoire. / (...) IV. La collectivité publique est tenue de protéger le fonctionnaire contre les atteintes volontaires à l'intégrité de la personne, les violences, les agissements constitutifs de harcèlement, les menaces, les injures, les diffamations ou les outrages dont il pourrait être victime sans qu'une faute personnelle puisse lui être imputée. Elle est tenue de réparer, le cas échéant, le préjudice qui en est résulté (...) ".
3. Ces dispositions établissent à la charge de la collectivité publique et au profit des agents publics, lorsqu'ils ont été victimes d'attaques à raison de leurs fonctions, sans qu'une faute personnelle puisse leur être imputée, une obligation de protection à laquelle il ne peut être dérogé, sous le contrôle du juge, que pour des motifs d'intérêt général. Cette obligation de protection a pour objet, non seulement de faire cesser les attaques auxquelles le fonctionnaire ou l'agent public est exposé, notamment en cas de diffamation, mais aussi de lui assurer une réparation adéquate des torts qu'il a subis. La mise en œuvre de cette obligation peut notamment conduire l'administration à assister son agent dans l'exercice des poursuites judiciaires qu'il entreprendrait pour se défendre. Il appartient dans chaque cas à l'autorité administrative compétente de prendre les mesures lui permettant de remplir son obligation vis-à-vis de son agent, sous le contrôle du juge et compte tenu de l'ensemble des circonstances.
4. S'il est constant que le directeur du LEGOS a, le 26 avril 2019 à 15h27, diffusé le compte-rendu du conseil de laboratoire du 19 avril 2019 comportant, notamment, une " information sur les résultats de l'enquête QVT [qualité de vie au travail] et les conséquences au LEGOS ", ainsi que sur les mesures conservatoires prises à l'encontre de M. B..., via l'adresse électronique générique du LEGOS regroupant 153 personnes, cette diffusion ne peut, même si ces personnes exerçaient des fonctions très différentes auprès du laboratoire, et si cinq d'entre elles y avaient cessé toute fonction, et alors même qu'elle a été suivie d'un second message le même jour à 15h33, être regardée comme ayant touché une audience particulièrement large. De plus, si M. B... conteste le bienfondé des imputations avancées à son encontre dans le rapport du cabinet Evidence, les deux messages électroniques envoyés par le directeur du LEGOS le 26 avril 2019 relatent, ainsi que les premiers juges l'ont relevé à bon droit, les dérives de l'encadrement constatées au sein de l'équipe Sysco2, en des termes sévères, mais mesurés et appropriés. Dans ces conditions, ces messages n'étaient pas de nature à justifier que le bénéfice de la protection fonctionnelle lui soit accordé.
5. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 17 novembre 2021, le Tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'IRD, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'IRD sur le fondement des mêmes dispositions.
D E C I D E:
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'IRD, présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Institut de recherche pour le développement.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Bonifacj, présidente de chambre,
M. Niollet, président-assesseur,
Mme d'Argenlieu, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023.
Le rapporteur,
J-C. NIOLLETLa présidente,
J. BONIFACJ
La greffière,
E. TORDO
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur, de la recherche scientifique et de l'innovation en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22PA00286