Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, sous le n° 2100187, l'annulation de décisions du 28 janvier 2021 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a désigné son pays de renvoi et lui a interdit tout retour en France pendant une période de six mois, et, sous le n° 2100188, l'annulation de la décision du 28 janvier 2021 par laquelle le préfet du Puy-de-Dôme l'a assigné à résidence à Clermont-Ferrand pour une durée de six mois.
Par un jugement n° 2100187-2100188 du 16 septembre 2021, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 octobre 2021, M. D... B..., représenté par Me Chautard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 septembre 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en tant qu'il a rejeté sa demande n° 2100187 ;
2°) d'annuler les décisions préfectorales du 28 janvier 2021 portant refus de séjour, obligation de quitter sans délai le territoire français, désignant un pays de renvoi et portant interdiction de retour ;
3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 20 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B... soutient que :
- le préfet a commis une erreur de droit pour avoir fondé le refus de séjour sur les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien, sans se livrer à une appréciation, que commandent les dispositions qu'il invoquait de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'opportunité d'une mesure de régularisation au regard de sa situation personnelle, familiale et professionnelle ;
- la décision de refus de séjour est intervenue à l'issue d'un examen incomplet de sa demande en date du 28 juin 2019, renouvelée le 14 février 2020, l'une et l'autre accompagnées de 67 pièces ;
- cette décision a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- la décision le privant d'un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur de droit car il ne s'est pas soustrait à l'exécution de la mesure d'éloignement du 17 février 2016 ;
- la décision portant interdiction de retour méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
* la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
* la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
* l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
* le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique du 6 novembre 2023, le rapport de M. Gros, premier conseiller.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... B..., ressortissant algérien né le 15 mai 1982, est entré en France le 26 juillet 2013 sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour, accompagné de son épouse et de leur première fille née en 2011. Après avoir vu sa demande d'asile rejetée, il a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence invoquant son état de santé, demande à laquelle, le 17 février 2016, la préfète du Puy-de-Dôme a opposé un refus, assorti d'une mesure d'éloignement, décisions dont il n'a pas obtenu l'annulation. Le 28 juin 2019, puis le 14 février 2020, M. B... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", invoquant les dispositions du premier alinéa de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 28 janvier 2021, le préfet du Puy-de-Dôme lui oppose un nouveau refus, l'oblige encore à quitter le territoire français, cette fois-ci sans délai, désigne son pays de renvoi, lui interdit tout retour avant l'écoulement d'une période de six mois et l'assigne à résidence. M. B... relève appel du jugement du 16 septembre 2021 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui a rejeté ses conclusions dirigées contre ces décisions préfectorales du 28 janvier 2021 et il demande que soit enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer un certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale ".
Sur le bien-fondé du jugement :
2. En premier lieu, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté en litige, ni des pièces du dossier, que le préfet du Puy-de-Dôme, avant d'opposer le refus de séjour contesté, aurait manqué de procéder à un examen complet de la situation de M. B..., même s'il n'a pas fait état de la scolarité des deux enfants du requérant ni détaillé son activité professionnelle à partir de février 2020, ni mentionné que ce dernier était hébergé chez ses parents. Le moyen tiré du défaut d'examen particulier de son dossier doit par conséquent être écarté.
3. En deuxième lieu, il est toujours loisible au préfet, saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur un autre fondement. Par suite, le préfet du Puy-de-Dôme a pu, sans commettre l'erreur de droit qui lui est imputée, examiner d'office si M. B... pouvait bénéficier du certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " prévu par l'article 6 de l'accord franco-algérien, et estimer qu'il n'en remplissait pas les conditions de délivrance de plein droit.
4. En troisième lieu, les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent obtenir en France un titre de séjour sont régies de manière exclusive par l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Il s'ensuit qu'un ressortissant algérien ne peut pas utilement invoquer, à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire français, les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquelles autorisent une telle admission lorsqu'elle " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard [de] motifs exceptionnels (...) ". Toutefois, si l'accord franco-algérien ne prévoit pas, pour sa part, de semblables modalités d'admission exceptionnelle au séjour, ses stipulations n'interdisent pas au préfet de délivrer un certificat de résidence à un ressortissant algérien qui ne remplit pas l'ensemble des conditions auxquelles est subordonnée sa délivrance de plein droit. Il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation.
5. Il ressort de la motivation de l'arrêté du 28 janvier 2021 en litige que, tout en rappelant que M. B... avait présenté une demande de délivrance de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet du Puy-de-Dôme, a estimé que la présence en France de ses parents, qui y résident régulièrement, et de son frère, de nationalité française, ne justifiait pas une mesure de régularisation. M. B... ne peut donc pas reprocher au préfet de s'être abstenu de faire usage de son pouvoir discrétionnaire de régularisation. L'erreur de droit invoquée à ce titre doit ainsi être écartée.
6. En quatrième lieu, il est stipulé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance " et par l'article 3-1 de la convention internationale du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant que " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. Si M. B... se prévaut de son activité professionnelle d'auto-entrepreneur, qui lui assure des revenus, fluctuants, depuis février 2020, ce seul élément, alors qu'il paraît démuni d'autorisation pour cet exercice, ne permet pas de témoigner d'une véritable insertion professionnelle de l'intéressé durant son séjour de 7 années et demie en France, constitué à la faveur d'une mesure d'éloignement non exécutée. S'il se prévaut de la présence, sur le territoire français, de ses deux parents, titulaires de certificats de résidence de dix ans, chez lesquels il réside, après avoir été hébergé au foyer de son frère aîné, Zahir, qui est de nationalité française, il a vécu jusqu'à l'âge de 31 ans en Algérie, où résident d'autres membres de la fratrie et il peut y reconstituer sa famille car son épouse, Mme C... A..., comme lui séjourne irrégulièrement en France. Rien ne fait non plus obstacle à ce que les deux filles du couple, Basma née le 5 décembre 2011 en Algérie, scolarisée en 1ère année de cours moyen d'école élémentaire, et Dima née le 2 octobre 2015 à Clermont-Ferrand, scolarisée en grande section d'école maternelle, poursuivent leur scolarité en Algérie. Dans ces conditions, la décision de refus de séjour en litige n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations ci-dessus rappelées.
8. En cinquième lieu, M. B... n'a pas déféré à l'obligation de quitter le territoire français prononcée à son encontre le 17 février 2016 par la préfète du Puy-de-Dôme, qui lui impartissait un délai de trente jours pour ce faire. Il ne peut donc pas sérieusement soutenir qu'il ne s'est pas soustrait à l'exécution de cette mesure d'éloignement. Par suite, le préfet du Puy-de-Dôme a pu légalement, le 28 janvier 2021, priver M. B... d'un délai de départ volontaire, sur le fondement des dispositions du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, reprises actuellement au 3° de l'article L. 612-2 et au 5° de l'article L. 612-3 du même code.
9. En dernier lieu, s'il est vrai que M. B... entretient des liens avec sa famille présente en France, l'interdiction de retour, dont la durée n'excède pas six mois, et compte tenu de ce qui a été exposé au point 7, ne porte pas d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, et n'a ainsi pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Doivent en conséquence être rejetées ses conclusions à fin d'annulation, d'injonction sous astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 6 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 novembre 2023.
Le rapporteur,
B. GrosLe président,
F. Pourny
La greffière,
F. Abdillah
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 21LY03338