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07/12/2023 | FRANCE | N°20NC02341

France | France, Cour administrative d'appel, 1ère chambre, 07 décembre 2023, 20NC02341


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la région Grand-Est à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison du harcèlement moral dont elle déclare avoir été victime et de mettre à la charge de la région Grand-Est une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Par un jugement n° 1807118 du 23

juin 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.



Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner la région Grand-Est à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison du harcèlement moral dont elle déclare avoir été victime et de mettre à la charge de la région Grand-Est une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1807118 du 23 juin 2020, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 12 août 2020, et un mémoire enregistré le 4 mars 2021, Mme A..., représentée par Me Iochum, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 23 juin 2020 ;

2°) de condamner la région Grand-Est à lui verser la somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi en raison du harcèlement moral dont elle déclare avoir été victime ;

3°) de mettre à la charge de la région Grand-Est une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'aménagement de son poste de travail ne devait être que temporaire dans l'attente d'un reclassement qui a été tardif ;

- le fait de ne pas la reclasser rapidement a entraîné une nouvelle dégradation de son état de santé ;

- le refus répété de la région Grand-Est de la reclasser est caractéristique d'agissement répétés ayant pour effet de porter atteinte à ses conditions de travail et à sa santé ;

- sa pathologie n'a pas été prise en compte et son poste de travail a été aménagé tardivement ;

- son supérieur hiérarchique s'est opposé à son avancement de grade ;

- elle a dû alerter la région s'agissant du respect de ses droits relatifs aux congés, au travail le samedi et à la durée maximale hebdomadaire de travail ;

- il y a eu une véritable volonté d'éviction à son encontre.

Par un mémoire en défense enregistré le 11 février 2021, la région Grand-Est, représentée par Me Janura, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête de Mme A... ne sont pas fondés.

Un mémoire a été produit le 28 juin 2022 pour la région Grand-Est et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Peton, première conseillère,

- les conclusions de Mme Antoniazzi, rapporteure publique,

- et les observations de Me Janura, pour la région Grand-Est.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... est adjointe administrative territoriale de 2ème classe des établissements d'enseignements. Elle est affectée au lycée Louis Vincent de Metz. Soutenant être victime de harcèlement moral, Mme A... a saisi le tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à ce que la région Grand-Est soit condamnée à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice moral qu'elle estime avoir subi. Mme A... relève appel du jugement du 23 juin 2020 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'indemnisation :

2. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors applicable : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ".

3. Il appartient à l'agent public qui soutient avoir été victime de faits constitutifs de harcèlement moral, lorsqu'il entend contester le refus opposé par l'administration dont il relève à une demande de protection fonctionnelle fondée sur de tels faits de harcèlement, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles d'en faire présumer l'existence. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral. En revanche, la nature même des agissements en cause exclut, lorsque l'existence d'un harcèlement moral est établie, qu'il puisse être tenu compte du comportement de l'agent qui en a été victime pour atténuer les conséquences dommageables qui en ont résulté pour lui.

5. Mme A... soutient être victime d'agissements de harcèlement moral depuis sa réintégration au lycée Louis Vincent de Metz dès lors qu'elle y a été réaffectée tardivement et a dû faire intervenir son conseil pour que deux postes lui soient proposés. Elle indique que l'aménagement de son poste de travail, préconisé par le médecin de prévention, a été tardive également dès lors qu'elle a dû attendre neuf mois pour obtenir un siège ergonomique adapté à son état de santé. Elle indique que ce siège était régulièrement déréglé pendant ses périodes d'absence. Mme A... allègue que son chef de service s'est opposé à sa réintégration ainsi qu'un collègue avec laquelle elle travaillait sur le même poste et précise que ces derniers ont incité les autres agents à l'écarter. Elle soutient qu'elle a dû alerter elle-même la région pour faire respecter les règles relatives au temps de travail dès lors que son supérieur hiérarchique a refusé de tenir compte de ses congés annuels cumulés pendant son arrêt maladie, que son emploi du temps n'est pas adapté à son état de santé, qu'elle travaille plus que la durée légale et que les heures qu'elle effectue le samedi matin ne sont pas suffisamment décomptées. Elle précise que son supérieur hiérarchique s'est opposé à une promotion en qualité d'agent de maîtrise alors qu'elle dispose des compétences requises. Elle indique que l'ensemble de ces problématiques se sont aggravées dans le temps malgré la saisine des services de la région Grand-Est.

6. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la région a aménagé le poste de travail de la requérante afin de le rendre conforme aux prescriptions du médecin de prévention, qu'elle a autorisé Mme A... à suivre des formations afin de lui permettre de s'adapter à de nouvelles fonctions. Par ailleurs, entre l'avis du comité médical, daté du 11 octobre 2012, préconisant le reclassement de Mme A..., et le reclassement effectif de cette dernière en 2017, Mme A... a été placée en congé de maladie à plusieurs reprises. En conséquence, et compte tenu des circonstances de l'espèce, le délai dans lequel Mme A... a été reclassée ne peut être regardé comme tardif. Il s'est également écoulé un délai de quatre mois entre l'avis du comité médical du 7 septembre 2017 confirmant l'aménagement du poste ergonomique et la commande du matériel nécessaire à l'aménagement du poste, ce qui, bien que regrettable, n'apparait pas être un délai excessif. Enfin, ce matériel a été réservé à l'usage particulier de Mme A... ainsi qu'en témoigne la note de service de l'assistant de prévention indiquant que le siège ergonomique doit rester adapté aux réglages effectués par l'intéressée.

7. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, et notamment d'un rapport du proviseur du lycée adressé à la région que la requérante avait des problèmes relationnels avec certains de ses collègues et sa hiérarchie avant même sa réintégration, ces relations s'inscrivant dans un contexte conflictuel au sein des effectifs du lycée. Dans le même sens, l'avis défavorable émis par le supérieur hiérarchique de Mme A... sur sa capacité à occuper un poste d'agent de maîtrise n'est pas relatif à un conflit personnel mais porte sur les capacités professionnelles de l'agent. S'agissant des contestations de Mme A... relative au temps de travail, la région Grand-Est démontre qu'une solution a été trouvée à la question du report de ses congés et de la comptabilisation de son temps de travail le samedi. Mme A... soutient avoir dépassé la durée de son temps de travail hebdomadaire mais il ne ressort pas des pièces du dossier que ceci ait été répétitif et lui ait été imposé dans une volonté de lui nuire.

8. Enfin, Mme A... soutient que son état de santé s'est dégradé. Cependant, le certificat médical dont elle se prévaut ne suffit pas à établir que cette dégradation serait liée à une situation de harcèlement moral.

9. En conséquence, les éléments avancés par Mme A... ne sont pas de nature à faire présumer l'existence de faits constitutifs de harcèlement moral et, par suite, la région Grand-Est n'a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité.

10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.

Sur les frais d'instance :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la région Grand-Est, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la région contre la requérante sur le fondement de ces mêmes dispositions.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par la région Grand-Est au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à la région Grand-Est.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Wallerich, président de chambre,

- Mme Guidi, présidente-assesseure,

- Mme Peton, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2023.

La rapporteure,

Signé : N. PetonLe président,

Signé : M. Wallerich

La greffière,

Signé : S. Robinet

La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

S. Robinet

N° 20NC02341 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de NANCY
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20NC02341
Date de la décision : 07/12/2023
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. WALLERICH
Rapporteur ?: Mme Nolwenn PETON
Rapporteur public ?: Mme ANTONIAZZI
Avocat(s) : IOCHUM-GUISO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/01/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2023-12-07;20nc02341 ?
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